Impact physiologique des liens racinaires chez le peuplier faux-tremble

Le peuplier faux-tremble (Populw; tremuloides Michx.) est l’espèce d’arbre la plus largement distribuée et la plus importante en terme de biomasse de la forêt boréale canadienne (Bradshaw et al., 2000 ; Hogg et al., 2002a). La biologie du peuplier a été iotensivement étudiée (Bradshaw et al., 1996) à cause de son importance écologique et économique. En effet, la croissance rapide du peuplier faux -tremble lui confère un iotèrêt très important dans l’industrie du bois depuis ces 15 dernières années (Peterson et Peterson, 1992). Le peuplier faux-tremble joue un rôle crucial dans la recolonisation des territoires après perturbation grâce à sa régénération rapide et dans le maintien de la diversité des écosystèmes, fournissant habitats et nourriture pour de nombreuses espèces animales. Le peuplier est aussi reconnu comme étant un excellent modèle expérimental, que ce soit en génétique, en physiologie, ou encore dans les interactions hôtes-pathogènes et hôtes-iosectes à cause de son mode de propagation par drageonnement qui peut produire de grands clones (peuplement d’individus génétiquement identiques) (Bradshaw et al., 1996).

Ce mode de reproduction végétative permet le développement de nouvelles tiges (ou ramets) à partir d’une racine mère d’un peuplement résiduel, assurant ainsi sa régénération rapide. Traditionnellement, les arbres sont considérés comme iodépendants les uns des autres et sont ainsi en compétition pour les ressources. Cependant, grâce à la racine mère, les drageons qui se développent peuvent partager des élèrnents tel que l’eau, les élèrnents mioéraux ou encore les hydrates de carbone nécessaires à leur croissance initiale (Zahner et DeByle, 1965). Si des ramets partagent des substances, ils pourraient donc communiquer entre eux, et ne devraient plus être considérés comme des entités discrètes où la compétition pour l’eau et la lumière seraient, par exemple, le priocipal facteur affectant la dynamique de ces peuplements.

Le drageonnement 

Suite à une perturbation maJeure (feux, coupe totale, épidémie d’insectes, etc.), le drageonnement du système racinaire des arbres tués par la perturbation s’initie rapidement et abondamment. Par exemple, après une coupe totale d’un peuplement de peupliers de 7 hectares dans le sud-ouest du Colorado, le drageonnement a permis d’observer, seulement après 1 an, une densité de 76 600 drageons par hectare, alors que la densité s’élevait à 2500 drageons dans un peuplement non coupé (Crouch, 1983). Plusieurs études ont ainsi confmné ce drageonnement abondant qui peut former de 50 000 à 100 000 tiges par hectare (Bella, 1986; Brais et al., 2004). Les drageons qui se développent ont pour origine les primordia (tissus cellulaires à leur premier stade de développement visible) qui sont formés à partir des cellules méristématiques de l’assise subéro-phellodermique du cambium racinaire, cambium situé à la périphérie de la racine et responsable de la mise en place des tissus externes comme le liège ou le phelloderme (Schier, 1973). De nombreux progrès ont été faits dans la compréhension des facteurs physiologiques et environnementaux qui contrôlent la dynamique du drageonnement, de l’initiation à la croissance des drageons (Frey et al., 2003). L’initiation des drageons est en partie sous contrôle hormonal, régulée par le rapport de deux hormones (Hicks, 1972) :
-l’auxine, produite par les tissus aériens (au niveau des bourgeons) qui a pour effet d’inhiber le drageonnement et d’activer la croissance racinaire. Son action serait indirecte, agissant en interaction avec d’autres hormones telles que l’éthylène (Aiunad et al., 1987).
– La cytokinine, produite aux extrèmités des racines en croissance, permet quant à elle l’initiation du développement de la partie aérienne en contrecarrant l’effet de l’auxine. Les peuplements non perturbés ne drageonnent pas, ou presque, jusqu’à ce que deux processus importants favorisent l’initiation des drageons (Perala, 1978): premiérement, le drageonnement est inhibé par la dominance apicale (Farmer, 1962), processus physiologique qui limite le développement des bourgeons latéraux au profit du bourgeon apical de la tige. Or, après une perturbation, la dominance apicale est fortement réduite. La partie aérienne étant supprimée (tuée), un déséquilibre hormonal se produit: le taux d’auxine diminue par rapport au taux de cytokinine, initiant ainsi le processus de drageonnement. Le second facteur qui favorise l’initiation des drageons est la température du sol qui augmente généralement après une perturbation (Frey et al., 2003), favorisant la dégradation de l’auxine (Schier et al., 1985) et la production de la cytokinine au niveau des racines (Hungerford, 1988). Ainsi, le déséquilibre du rapport auxine/cytokinine est accentué par l’augmentation de la température du sol permettant l’initiation des drageons.

La croissance des drageons nouvellement formés va également dépendre de nombreux facteurs physiologiques et environnementaux :
-La température du sol est un facteur déterminant dans les premiéres phases de la croissance (Schier et Zasada, 1973). Une faible température diminue la capacité racinaire à puiser l’eau (Wan et al., 1999) et réduit la croissance des jeunes peupliers.
– Les nutriments, dont la disponibilité pour les ramets augmente après un feu. Le feu permet en effet d’accélérer le recyclage des nutriments (les matiéres fibreuses du bois se décomposent lentement, les cendres contiennent les éléments nutritifs nécessaires à la croissance des ramets). Chez le peuplier faux-tremble, le calcium est le nutriment qui a reçu le plus d’attention (Frey et al., 2003). Le peuplier accumule une grande quantité de calcium dans sa biomasse (Alban, 1982) et est plus productif sur un sol riche en calcium (Perala, 1990)
– Les hydrates de carbone non structuraux (H.C.N.S.), réserves de glucides, représentent au niveau des racines l’énergie disponible pour la croissance de la plante, mais n’interviennent pas dans l’initiation des drageons (Tew, 1970). Il n’y a par contre aucun doute quant à leur rôle sur le développement de ceux-ci : leur croissance est fortement corrélée avec la concentration en hydrates de carbone de la racine parentale (Landhiiusser et Lieffers, 2002). La concentration en hydrates de carbone des racines peut varier en fonction des clones, des sites et de l’âge du peuplement (Schier et Johnston, 1971). Cette concentration varie également tout au long de l’année, régulée par les changements de saison (Landhiiusser et Lieffers, 2003), la distribution et l’utilisation des métabolites issus de la photosynthèse pour la croissance (Hansen, 1967 ; Larson et Gordon, 1969), et par la respiration racinaire (DesRochers et al., 2002), plus ou moins importante selon les saisons. Au printemps et tôt dans l’été, les réserves en hydrates de carbone sont utilisées pour la croissance des tiges et des feuilles, une faible concentration est ainsi observée dans les racines (DesRochers et al., 2002). La concentration en hydrates de carbone augmente au cours de 1 ‘été (le pic de H.C.N.S. observé dans les racines se situe aux alentours du 1 er septembre) dû à l’arrêt de l’élongation de la partie aérienne et des feuilles. Une fois ce pic observé, la concentration en H.C.N.S. diminue à cause de la croissance des racines en automne (DesRochers et al., 2002; Landhiiusser et Lieffers, 2003). Chez le peuplier faux-tremble, la variation de la concentration en hydrates de carbone selon les périodes de l’année différe du schéma classique des espèces à feuilles caduques, où la concentration est maximale en automne et minimale après l’éclosion des bourgeons (Siminovitch, 1981). La faible concentration observée en automne serait due à la croissance racinaire et à un fort taux de respiration racinaire (DesRochers et al., 2002).

Les hydrates de carbone présents dans la racine mère permettent aux drageons d’assurer leur croissance initiale; ceux-ci dépendent donc fortement de la racine parentale pour leur croissance et cela au moins pendant 25 ans après le drageonnement (Zahner et DeByle, 1965). Contrairement à Sandberg (1951 dans Schier, 1982) qui suggéreait qu’au bout d’une saison de croissance les drageons n’étaient plus dépendants de la racine parentale à cause du développement de racines indépendantes, la racine parentale continue à jouer un rôle tout au long de la vie du peuplier faux-tremble. En effet, les connexions racinaires ne disparaissent pas avec l’âge (DeByle, 1964; DesRochers et Lieffers, 200la) et même après avoir développé leur propres racines, les peupliers faux-trembles restent connectés à la racine parentale et sont toujours interconnectés entre eux (DesRochers et Lieffers, 200la). Cependant, l’importance la racine parentale pour la croissance diminuerait à mesure que de nouvelles racines sont produites et que les plus grosses racines meurent (Zahner et DeByle, 1965).

Lorsque les drageons se développent, leur croissance va modifier la morphologie de la racine mère. Un drageon aura une partie distale et une partie proximale de la racine-mère, ceci étant relatif à chaque drageon : la partie distale de l’un sera la partie proximale de l’autre. La différence morphologique entre ces deux parties de la racine-mère vient du fait que la partie distale croît plus vite que la partie proximale, car les jeunes peupliers développent la continuité vasculaire (formation d’un cambium et d’un systérne vasculaire secondaire) avec la racine-mère du coté distal des drageons (Brown, 1935). De plus, la partie distale joue un rôle plus important que la partie proximale pour la croissance radiale et en hauteur des peupliers (Zahner et DeByle, 1965). Si la partie distale de la racine mère d’un ramet était coupée, la croissance était plus réduite que si c’était la partie proximale. La partie distale d’un ramet étant la partie proximale d’un autre ramet relié et vice- versa, le fait qu’un ramet utilise peu la partie proximale de la racine pour sa croissance suggère qu’il y a une faible compétition entre les ramets connectés.

Table des matières

CHAPITRE l : INTRODUCTION GÉNÉRALE
1. 1 Le drageonnerment
1.2 Système racinaire partagé
1.3 Conséquences de la réduction du rapport tige/racine chez le peuplier fauxtremble
1.4 Expérimentation
1.5 Bibliographie
CHAPITRE 2 :RÉPONSE PHYSIOLOGIQUE À LA DÉFOLIATION VIA UN LIEN RACINAIRE CHEZ LE PEUPLIER FAUX-TREMBLE (POPULUS TREMULOIDES M!CHX.)
2.1 Résumé
2.2 Abstract
2.3 Introduction
2.4 Matériels et rnéthodes
2.4.1 Sites d’étude
2.4.2 Détection des rarnets
2.4.3 Mesures initiales
2.4.4 Mesures suivant la défoliation
2.4.5 Analyses en laboratoire
2.4.6 Analyses statistiques
2.5 Résultats
2.6 Discussion
2.7 Conclusion
2.8 Bibliographie
2.9 Remerciements
CHAPITRE III :CONCLUSION GÉNÉRALE

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