Influence des facteurs distributionnels sur la mise en place des déterminants

Influence des facteurs distributionnels sur la mise en place des déterminants

Nous avons fait le constat au chapitre précédent d’une production concomitante de déterminants, fillers et omissions au sein de chacune des sessions analysées. Plusieurs  hypothèses distributionnelles ont été proposées et testées pour expliquer cette variation pré- nominale, et de façon plus générale, pour expliquer la mise en place progressive des formes adultes (cf. chapitre 2). On trouve notamment dans la littérature des travaux sur la dimension phono-prosodique du développement des fillers et des déterminants (Veneziano et Sinclair, 1997 ; Kilani-Schoch et Dressler, 2000 ; Demuth, 2001), ainsi que des études sur l’influence du statut sémantique du nom (Bassano et al., 2008) ou du contexte lexico-syntaxique (Pine et Lieven, 1997) sur la production des formes pré-nominales. Dans une approche phono-prosodique, Demuth considère entre autres que le déterminant ne peut pas se développer hors du pied binaire, ce qui expliquerait d’après elle la présence simultanée d’omissions et de déterminants. En se focalisant spécifiquement sur les fillers, Veneziano et Sinclair (1997, 2000) ou Kilani-Schoch et Dressler (2000) ont également mis en évidence la sensibilité de l’enfant au contexte phono-prosodique, en particulier dans la première période dite ‘pré-morphologique’ et dans une moindre mesure au sein de la seconde période, dite ‘proto-morphologique’. Ces conclusions sont partagées par Bassano qui envisage quant à elle une mise en place des déterminants en deux temps, d’abord soumise à des contraintes prosodiques, puis à des facteurs sémantiques. La distribution des formes pré-nominales serait, dans cette perspective, prédéterminée par le nombre de syllabes du nom, et plus tard, par son statut sémantique (caractère animé/inanimé, concret/abstrait du nom). Enfin, dans une approche lexico-syntaxique, le travail de Pine et Lieven a montré qu’en anglais, les déterminants sont produits d’abord dans le cadre de structures figées et associés de façon privilégiée à des noms ou des structures syntaxiques spécifiques.

En nous appuyant sur les méthodes adoptées dans le cadre de ces travaux, nous chercherons à voir dans nos données si i) la structure syllabique du nom et du syntagme nominal peuvent expliquer la présence vs. absence de forme devant le nom ii) le statut sémantique du nom conditionne le type de forme pré-nominale produite iii) le contexte lexical et syntaxique influence le type de déterminant produit, et plus largement, le type de forme pré-nominale. Ce chapitre est organisé en trois parties. Dans une première section, nous nous intéresserons à l’influence de la structure syllabique, dans une seconde, à l’influence du statut sémantique du nom associé à la forme pré-nominale et dans une dernière partie (section 3), nous nous pencherons sur l’impact du contexte lexical et syntaxique dans lequel le syntagme nominal est produit. dimension prosodique du développement des fillers et des déterminants (cf. par exemple Veneziano et Sinclair, 2000 ; Veneziano, 2014b ; Demuth, 2001, Demuth et Tremblay, 2008) ont proposé que la production des formes (qu’il s’agisse de déterminants ou de fillers) puisse être conditionnée par une préférence pour un pied binaire. Demuth fait notamment l’hypothèse que la hiérarchie prosodique (telle qu’elle a été développée par Nespor et Vogel (1986) ou Selkirk (1984)) ne serait acquise par l’enfant que progressivement et que les constituants prosodiques ne seraient pas tous accessibles dans un premier temps du développement. Les déterminants ou les fillers seraient ainsi prosodifiés directement au niveau du pied (binaire) puis seulement ultérieurement prosodifiés au niveau du syntagme phonologique.

Dans la lignée de ces travaux que nous venons de citer, nous chercherons dans ce premier point du chapitre à observer si la variation en position pré-nominale peut s’expliquer par une préférence de l’enfant pour une structure bisyllabique. Si l’on s’en tient par exemple aux résultats de Demuth et Tremblay (ibid.) sur le français, nous pouvons faire deux hypothèses : i) les fillers et déterminants seront avant tout produits devant des noms d’une ou trois syllabe(s) ii) les noms de deux et quatre syllabes génèreront quant à eux une proportion plus importante d’omissions. syntagmes phonologiques. Au point 1.2 sera traitée la question du nombre de syllabes contenues dans les syntagmes phonologiques et aux points 1.3 et 1.4, nous discuterons respectivement de la distribution des formes pré-nominales devant les noms mono- et bisyllabiques et de la distribution des formes devant les noms de plus de deux syllabes. Un bilan de nos observations – axé sur la question de la préférence pour un pied binaire – sera proposé au point 1.5.

 

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