Intégration spectrale par échantillonnage des transitions

Intégration spectrale par échantillonnage des transitions

Intégration spectrale d’observables radiatives en milieu gazeux

Représentations usuelles du coefficient d’absorption

Lorsqu’il s’agit d’aborder des problématiques de rayonnement thermique en milieu gazeux (analyse expérimentale, simulation, inversion, etc.), les ingénieurs et physiciens s’appuient directement ou indirectement sur des bases de données spectroscopiques [Jacquinet-Husson et al., 2011, Rothman et al., 2010, Rothman et al., 2013, Tashkun et Perevalov, 2011]. Ces bases de données, produites par une communauté très active de spectroscopistes, rassemblent, pour de nombreuses espèces moléculaires et pour un nombre considérable de transitions, plusieurs paramètres (voir Sec. 2.3.3) permettant de décrire les phénomènes d’absorption et d’émission d’un gaz. Toutefois, même pour les gaz les plus simples à des températures faibles, le nombre de transitions moléculaires à prendre en compte est extrêmement important (les paramètres de plus de 600 millions de transitions moléculaires sont représentés pour la seule molécule de CO2 dans la base de données CDSD-4000 [Tashkun et Perevalov, 2011]). Traiter cette quantité conséquente d’information représente alors une tâche particulièrement fastidieuse. En effet, le coefficient d’absorption que l’on cherche à représenter à partir de ces bases, dépend à la fois de la température, de la pression, du mélange gazeux et du nombre d’onde. Pour produire un unique spectre d’absorption (c’est-à-dire pour une température, une pression et un mélange fixés), il est nécessaire de sommer de façon déterministe, en chaque nombre d’onde, l’ensemble des contributions d’absorption de chaque transition. La variation spectrale du coefficient d’absorption étant très prononcée, ce calcul doit être réalisé sur des pas spectraux très petits. On considère généralement, qu’à pression atmosphérique, la résolution d’un spectre d’absorption doit être de 0.01cm−1 pour décrire correctement ces variations. Cela signifie que la production d’un spectre d’absorption couvrant tout le domaine infrarouge nécessite entre 106 et 107 calculs de coefficients d’absorption (chacun consistant à sommer plusieurs milliers, voire plusieurs millions de participations de raies). De tels spectres sont qualifiés de spectres haute-résolution. Dans le but de rendre cette somme plus aisée, le modèle spectroscopique est souvent simplifié afin d’avoir à sommer en chaque nombre d’onde une quantité plus faible de transitions (ex : prise en compte uniquement des transitions ayant une intensité supérieure à un seuil donné, troncature des ailes de raie, etc.). Cependant, même avec ces allègements, la production de spectres haute-résolution demeure très coûteuse et nécessite d’être reproduire à chaque changement de modèle de raie, d’hypothèse spectrale, ou encore à chaque nouvelle version de base de données spectroscopique. Une fois ces spectres d’absorption haute-résolution produits, deux pratiques sont couramment rencontrées pour prendre en compte leur information spectrale dans le calcul d’une observable radiative. La première consiste à simplifier ces spectres par des modèles approchés. Un grand nombre de modèles spectraux ont été développés au cours des dernières décennies, devenant de plus en plus précis et de plus en plus performants. Néanmoins, le passage d’un spectre haute-résolution à un spectre simplifié se traduit nécessairement par une perte d’information qui n’est pas acceptable lorsqu’il s’agit de proposer des solutions de référence. La seconde pratique consiste à extraire, directement lors du calcul d’une observable radiative, les coefficients d’absorption contenus dans ces spectres ; on parle alors d’approche raie-par-raie. Ces approches, beaucoup plus lourdes en termes de mise en œuvre que les modèles spectraux simplifiés, sont aujourd’hui considérées comme solutions de référence. Toutefois, lors du calcul radiatif, il est nécessaire, pour obtenir la valeur du coefficient d’absorption en un point donné, de recourir à une interpolation selon un jeu de pressions, de températures, de concentrations moléculaires et de nombres d’onde. Cette étape peut, si la résolution du jeu de spectres (relative aux conditions thermodynamiques ou aux nombres d’onde) est trop faible, conduire à un léger biais de l’estimation de la grandeur d’intérêt. Une autre solution consisterait à calculer rigoureusement, au fil du calcul, le coefficient d’absorption à partir des bases de données spectroscopiques. Les incertitudes dues aux procédures d’interpolation disparaîtraient alors. En pratique, cette solution n’est jamais adoptée car les temps de calcul deviennent très vite excessifs. On préfère généralement, dans des motivations de calcul de référence, l’utilisation de spectres haute-résolution qui offrent l’avantage supplémentaire de pouvoir être réutilisés d’une simulation à l’autre. La quantité conséquente d’information contenue dans ces bases de données a toujours motivé la communauté de la spectroscopie moléculaire à proposer des représentations statistiques. Les exemples les plus significatifs correspondent au développement de modèles statistiques qui permettent l’évaluation de transmissivités moyennées par bande spectrale, à partir de pondérations des intensités ou des largeurs de raies. Cependant, en pratique cette relation directe entre statistiques de raies et transmissivités moyennes s’est perdue rapidement. L’idée d’utiliser des modèles statistiques est restée, notamment avec les travaux de Malkmus ([Malkmus, 1967]), mais ces modèles se sont de plus en plus appuyés sur les spectres d’absorption haute-résolution et non sur les paramètres de transition eux-mêmes. Plus tard, le développement des k-distributions [Lacis et Oinas, 1991, Taine et Soufiani, 1999] a poursuivi cette même logique : les approches restent statistiques mais elles sont désormais uniquement basées sur des spectres haute-résolution, calculés de façon déterministe. Nous soutenons ici que l’on peut attendre d’importants bénéfices, tant numériques qu’en termes d’analyse, si l’on supprime cette étape déterministe de production de spectres haute-résolution. Une part de ces bénéfices est illustrée dans [Feldick et Modest, 2011, Ren et Modest, 2013], où il est montré que la complexité liée à l’intégration spectrale par échantillonnage des nombres d’onde est mieux traitée en s’appuyant sur les paramètres de transitions plutôt qu’en restant au niveau des spectres d’absorptions [Modest, 1992].

Reformulation statistique du coefficient d’absorption 

En négligeant les effets de « line-mixing » (voir Sec. 2.3.3.1), le coefficient d’absorption ka,η(x) pour un nombre d’onde η, au point x s’exprime comme la somme des contributions ha,m,ı,η(x) de l’ensemble des transitions énergétiques ı de toutes les espèces moléculaires m en présence où Nm est le nombre d’espèces moléculaires et Nı(m) est le nombre de transitions pour une espèce m donnée. Puisque cette expression ne constitue qu’une double somme, il est possible de l’exprimer comme une espérance par l’introduction de probabilités arbitraires associées à chaque espèce moléculaire Pm(x) ≡ Pm,η(x) et à chaque transition Pı(x) ≡ Pm,ı,η(x) d’une espèce moléculaire donnée :Les indices m des espèces moléculaires ainsi que les indices ı des transitions constituent alors des variables aléatoires discrètes, respectivement notées M et I, définies par les probabilités Pm et Pı . L’essentiel de la proposition faite dans ce chapitre réside dans cette simple reformulation statistique. Une conséquence directe de cette reformulation est qu’il devient possible, en pratique, d’estimer le coefficient d’absorption ka,η(x) pour un nombre d’onde donné ou même de reconstruire un spectre (voir Fig. 5.1) de façon totalement stochastique par un algorithme de Monte-Carlo. Algorithme 1. Échantillonner une molécule mi parmi l’ensemble des Nm molécules selon les probabilités discrètes Pm(x) associées à chacune des molécules 2. Échantillonner une transition ıi parmi l’ensemble des Nı(mi) transitions de la molécule mi selon les probabilités discrètes Pı(x) associées à chacune des transitions de la molécule mi 3. Calculer le poids de Monte-Carlo : wi = ha,mi,ıi,η(x)/Pmi (x)Pıi (x) en accord avec le modèle de raie considéré, directement à partir des paramètres de transitions contenus dans la base spectroscopique d’intérêt. L’estimation du coefficient d’absorption par cet algorithme est alors donnée par la moyenne arithmétique des Nmc poids wi . Il est également possible d’estimer l’écart-type associé à cette estimation. En d’autres termes, il n’est pas nécessaire de prendre en compte l’ensemble des transitions pour estimer ka,η(x), mais d’en échantillonner un nombre suffisant pour lesquelles on calcule au fil de la simulation les contributions ha,mi,ıi,η(x) à partir des bases de données spectroscopiques retenues. La convergence de l’algorithme sera alors entièrement conditionnée par le choix des Pm(x) et des Pı(x) (qui devront être attribuées à chaque espèce et à chaque transition avant ou pendant le calcul). Les éléments de physique statistique nous permettent de considérer que l’ensemble des molécules et l’ensemble des transitions énergétiques sont représentés en x avec des probabilités de présence plus ou moins importantes. Les images physiques associées à cet exercice de reformulation résident alors simplement dans le fait de sélectionner de façon aléatoire plusieurs molécules ayant des états énergétiques donnés pour estimer le coefficient d’absorption global ka,η. 

Non-linéarité du terme d’extinction

 Si l’on s’arrêtait à ce stade, l’intérêt de considérer statistiquement les coefficients d’absorption demeurerait limité. Notre souhait est d’introduire directement dans l’équation du transfert radiatif une description statistique des coefficients d’absorption pour permettre une intégration spectrale ne requérant ni approximation (liée à une éventuelle interpolation), ni calcul préalable de spectres d’absorption haute-résolution. Pour mettre en évidence les difficultés qu’entraîne cette introduction, considérons la luminance L(x0, u0), intégrée spectralement entre ηmin et ηmax dans un milieu infini, non-diffusant et homogène (le coefficient d’absorption est uniforme).

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