JEU DE PARTICULES DANS UN DISCOURS CONTIN

JEU DE PARTICULES DANS UN DISCOURS CONTIN

Nous avons passé en revue dans les sections précédentes les résultats de nos analyses concernant six particules, à savoir /$#/, /m#/% , /ka1 /, /t!2 /, /t »1 / et /ta2 /, qui apparaissent en tête des lexèmes les plus fréquents dans notre corpus. Parmi elles, les deux premiers – /$#/ et /m#/- servent exclusivement à remplir des fonctions grammaticales, comme le confirment nos analyses [cf. 5.2 ; 5.3], et par conséquent nous ne les comptons pas parmi nos PEN. En revanche, les quatre autres, i.e. /ka1 / en position post-nominale d’un côté, et /t!2 /, /t »1 / et /ta2 / en position post-verbale de l’autre sont, d’après nos analyses, employés dans des fonctions grammaticales ainsi que énonciatives. Dans le cadre de la présente étude, nous nous concentrons particulièrement sur leurs rôles énonciatifs, et nous avons développé nos hypothèses en les illustrant d’exemples tirés du corpus. Nous abordons maintenant la dernière étape de notre étude, pour montrer le jeu d’ensemble des particules énonciatives en discours continu. Pour ce faire, nous avons choisi deux extraits qui durent chacun environs une minute et demie, l’un appartient à un discours spontané, l’autre à un discours « préfabriqué ». Le premier a eu lieu entre deux locuteurs masculins et le deuxième entre deux locutrices%%. Dans chacun des deux extraits, les particules concernées sont numérotées, et commentés l’une après l’autre. Des raisons pratiques vont certainement contraindre à présenter la transcription phonétique sans glose, accompagnée seulement de la traduction globale en français, à sa suite

Le jeu des PEN dans un discours spontané

Il s’agit ici d’un entretien à la radio avec un comédien célèbre, récompensé plusieurs fois pour ses interprétations. A l’approche de ses 60 ans et après une longue carrière, il devient apparemment une source d’inspiration pour beaucoup de jeunes débutants non seulement dans le monde du cinéma mais aussi en général. Ainsi l’intervieweur tente d’aiguiller l’entretien vers des sujets qui puissent intéresser la jeunesse. <$1> présentateur <$1> comédien dénommé Kyaw Hein, dit U Kyaw (Monsieur Kyaw), terme utilisé également comme pronom personnel ‘je’ ainsi que ‘vous’, selon le contexte, utilisation normale en birman. […] peu clair à l’audition.

Les jeunes … quelle que soit l’époque, les jeunes par définition (leur nature ) veulent savoir, tester, expérimenter. // (Ils) cherchent une reconnaissance. // Ils essaient tout à cette fin. // Parmi eux … moi (U Kyaw) aussi, j’ai été jeune. // Ainsi … (j’ai) grand … grandi. // Mais quand (on) passe de la vie de jeune à la vie d’adulte, pour certains, ils réussissent bien pendant leur jeunesse. // Quand ils deviennent adultes en revanche, ils deviennent médiocres. Il y a des cas comme ça. // Pour d’autres, ils ne savent pas le sens de la vie pendant leur jeunesse. // Seulement quand ils deviennent âgés … deviennent adultes, leur vie prend un sens, et devient utile. Il y a des cas comme ça. // Quoiqu’il en soit, moi (U Kyaw) je m’intéresse aux gens qu’ils soient jeunes ou adultes. // Puisqu’on ne redevient pas jeune, je souhaite que (les jeunes) soient conscients dès leur jeunesse qu’on deviendra adulte un jour, et qu’(ils) aient la connaissance théorique comme pratique, qui les préparent bien. // Moi (U Kyaw) aussi, pendant ma jeunesse (j’avais) ce projet d’avenir, et c’est pour ça que je dois continuer à travailler (depuis ma jeunesse) jusqu’à maintenant, à l’âge de 60 ans. // Quant à ceux qui travaillent avec moi, ils doivent faire quelque chose à leurs manières aussi, vous voyez. // Mais pour ce qui est évident … depuis la jeunesse, à cette époque aussi … les jeunes sont les jeunes, bien entendu. // Maintenant aussi (les jeunes sont) tout simplement des jeunes. // Mais si on est conscient dès la jeunesse qu’on deviendra adulte et s’est bien préparé, ce sera(it) utile et (la vie) sera(it) plus significative.

Récapitulation

Dans cet échange qui a lieu à l’ouverture de l’entretien, l’intervieweur (<$1>) commence par une question qui cherche une vraie réponse sans a priori, au sujet des jeunes à l’époque de la jeunesse de son invité (<$2>). Ainsi, l’intervieweur termine sa question par /l!3 /, forme réduite de /%#.l!3 /, qui marque la fin des questions ouvertes. En réponse, la question de l’invité se termine par /ta2 .l!3 /, où /ta2 / joue son rôle énonciatif : ici le locuteur cherche une précision (contrairement à une nouvelle information). Lorsque l’invité (<$2>) est prêt à répondre après la clarification de la question, il commence par son thème ‘les jeunes’ en le signalant par /ka1 /. Dans ce discours continu, il communique cinq propos différents qui sont tous marqué par /ka1 / : les jeunes en général (N° 3) ; les jeunes quand ils deviennent adultes, dont il parle en deux catégories (N° 11 et 14) ; lui-même (U Kyaw) en tant que commentateur (du sujet, qui s’intéresse aux gens) (N° 18) ; les autres qui travaillent avec lui (N° 24); et enfin de nouveau les jeunes (N° 28) qui est le dernier thème dans ce tour. [N.B. Lorsqu’il parle de sa propre vie (N° 23), l’expression temporelle du passé ne permet pas l’emploi de /ka1 / en tant que PEN]. En outre, entre les deux thèmes (N° 11 et 14), où le locuteur parle ‘des gens (les jeunes qui deviennent adultes)’, il introduit un nouveau thème ‘la vie’ /b#.wa1 / : dans cet énoncé qu’il a commencé par /t#.co1 / ‘certains (jeunes)’, lorsqu’il change de thème à /b#.wa1 / ‘la vie’, ce second thème est également marqué par /ka1 / (N° 15). D’autre part, le locuteur ajoute /t »1 / à certains thèmes marqués par /ka1 /, plus précisément à deux reprises. Dans le premier cas pour /lu2 .’!2 / ‘les jeunes’, le SN qui débute son discours à plusieurs propos, /t »1 / ne semble avoir d’autres fonctions que mettre l’accent sur le SN marqué comme thème par /ka1 /, c’est-à-dire signaler à son interlocuteur qu’ayant stabilisé ce dont il veut parler (que représente le SN+/ka1 /), il est &’* prêt à passer à autre chose (N° 3) : son rôle n’est certainement pas obligatoire sur le plan syntaxique et « secondaire » sur le plan énonciatif car le thème est déjà signalé par /ka1 /. En fait /ka1 / semble nécessaire dans cet énoncé, comme c’est typique pour les premiers énoncés du discours, et aussi prédisposé par sa valeur sémantique (/lu2 .’!2 / représente ‘tous les jeunes’ en général) : lorsqu’il s’agit de thème qui traite une catégorie (i.e. l’ensemble de plusieurs composants), le thème est marqué par /ka1 /, ce qui va de pair avec nos observations sur l’association tendancielle entre le SN au pluriel et /ka1 /. Dans le deuxième cas aussi, /t »1 / met un accent sur le thème ‘les gens qui travaillent avec U Kyaw’, et de plus le contraste du thème précédent ‘U Kyaw lui même’ (N° 24). Ainsi l’ensemble /ka1 .t »1 / exprime le sens équivalent à ‘quant à’.

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