La constitution des données

La constitution des données

Le chercheur recueillera des informations de natures fort diverses : les unes lui seront immédiatement utiles, d’autres deviendront per­ tinentes plus tard, d’autres encore demeureront parfaitement inutiles. Il est évident que la ruse consiste à recueillir le maximum des données utilisables et le minimum qui ne serviront à rien, mais aucune assurance n’est attachée aux informations qu’on nous donne. analyser. La constitution des données désigne le processus de sélec­ tion, de simplification et de transformation des informations brutes. «C’est essentiellement par un exercice systématique de classification de l’information que le chercheur parvient à transformer les faits en données. Le terme «données» est réservé pour qualifier l’informa­ tion traitée» (Mace, 1988 : 92 En fait, la réduction débute avant même que la cueillette des informations commence, lorsque le chercheur choisit son sujet de recherche, sélectionne le site d’observation, retient les questions qu’il posera. De plus, la réduction prépare l’analyse : la façon d’orga­ niser les données jette les bases sur lesquelles elle s’élaborera. Le chercheur commence déjà à découper l’entrevue, à y retrouver les éléments de base et les unités de sens. Il entreprend déjà d’identifier les éléments de base, de les séparer et de déconstruire l’entrevue en ses composantes élémentaires. Pour Je meilleur et pour Je pire, la mémoire oublie, massivement et rapidement. Cette propension à l’oubli touche aussi le chercheur. Il est donc essentiel de développer des moyens pour obvier à l’oubli, et l’écriture est un de ceux-là. Sans Je recours soutenu, constant et régulier à l’écriture, le chercheur n’est pas en meilleure position pour analyser et comprendre la situation que les personnes qu’il interroge ou observe. C’est aussi la tâche fondamentale du cher­ cheur qualitatif, et Lofland ( 1971 : 101-102) prétend même que la prise de notes constitue sa raison d’être. Cette opération est capitale car l’attention qu’on lui accorde influencera de manière détermi­ nante l’analyse subséquente du matériel. Fixer les observations sous forme de notes que le chercheur peut faire remonter au présent, voilà le moyen par excellence de comprendre une situation donnée. Après chaque séance d’observation ou chaque entrevue, le cher­ cheur s’astreint donc à rédiger ce qu’il a vu, entendu, ressenti ou pensé .

Recueillir et transcrire les données ne suffit pas, encore faut-il s’y retrouver lors de l’analyse. Il n’est donc pas inutile d’insister sur la clarté des transcriptions et de leur classification, car le chercheur sera peut-être forcé de rédiger son rapport longtemps après avoir corn- Comme leur nom l’indique, les notes méthodologiques se rappor­ tent au déroulement concret des opérations de recherche. Elles décrivent les opérations tentées ou planifiées et elles rappellent la synchronisation des événements. Le chercheur y consignera com­ ment il a procédé au choix de telle ou telle unité d’observation, les problèmes qu’il a rencontrés, l’écart entre le plan initial et celui réa­ lisé, les raisons et les critères qui ont orienté ces réaménagements, les choix qu’il a fallu faire et les questions qu’il a fallu trancher, la solu­ tion trouvée aux problèmes qui se sont présentés. Pourquoi a-t-il fallu réorienter le plan ? Pourquoi interroger tel type de personnes plutôt que tel autre ? Pourquoi réaménager le guide d’entrevue ? Vo ilà autant de détails qui se retrouveront dans les notes méthodo­ logiques. L’accumulation de ces notes retracera en quelque sorte l’histoire méthodologique du projet de recherche et la chronique des événements. Ce sont des remarques, des aide-mémoire qui constituent une critique des tactiques employées et une évaluation de leur efficacité.

Ces notes doivent être aussi complètes que possible et il est important de commencer à les rédiger dès le début, dans cette période où le chercheur fait des choix méthodologiques importants qui se répercuteront sur l’ensemble de son travail. Par-dessus le mar­ ché, ces choix méthodologiques sont faits dans une période d’enthousiasme et de grand intérêt qui marquent souvent les débuts, et où l’attention est écrira les questions qu’il se pose, les explications qui lui viennent à l’esprit, les liens qu’il établit entre les différents phé­ nomènes observés, entre les opinions des différents auteurs qui se sont exprimés sur le sujet. C’est dans ces notes qu’il développera ses hypothèses, ses propositions, ses concepts, ses interprétations, ses préconceptions, ses intuitions. Il écrira ses réflexions, élaborera des morceaux d’analyse, testera sommairement ses modèles théoriques, s’il en utilise. La rédaction de notes théoriques est reliée de près au travail de l’intuition. Dès que le chercheur a une idée qui lui semble utile pour expliquer les données, il doit la noter immédiatement. Il retiendra probablement une idée forte qui l’a frappé, mais ce n’est pas si cer­ tain : une bonne idée peut se perdre si on ne la note pas. Il faut si elles s’avèrent fausses, elles seront soumises à la cri­ tique et serviront de repoussoir, si elles sont justes, elles seront mises à contribution dans l’analyse.

 

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