La dimension intrinsèquement évolutive de la fonction de ministre des Affaires étrangères

La dimension intrinsèquement évolutive de la fonction de ministre des Affaires étrangères

La problématique centrale de la présente étude met en relief la dimension objective que la force des usages confère à l’action diplomatique du ministre des Affaires étrangères en marge de la lettre constitutionnelle. Plus précisément, l’étude de l’évolution de cette institution postule une dynamique qu’instrumentalise l’histoire diplomatique de la France. De l’Ancien Régime qui l’a vue naître à la Vème République où on la dit affaiblie dans son autorité politique, la fonction ministérielle a été souvent l’enjeu des rapports de force entre le Pouvoir et le Droit. L’état de crise est, à cet égard, un paramètre intrinsèque à son évolution. de représentant de l’État à part entière à la fin du XIXème siècle30. Se faisant, l’héritage historique du ministre des Affaires étrangères est-il de nature à contrebalancer, sous le régime présidentialiste, la thèse de son déclin politique que défend, avec force, la doctrine politologue et dans des termes plus mesurés, la doctrine juridique? La dimension évolutive soustendue par l’hypothèse de l’autorité politique moribonde du chef du Quai d’Orsay amène immanquablement à éclairer son présent par des renvois au passé aussi riche que chaotique. et protestantes. A cette date, le Roi Henri III attribue à Loys de REVOL31 la charge de « secrétaire d’État aux Affaires étrangères ». Dans leur traversée du temps, ses successeurs ont majoritairement bénéficié des aléas de l’Histoire pour consolider les ressorts de leur fonction. Il en résulte pour le responsable actuel du Quai d’Orsay, un legs à la fois abouti au plan  politique32 et flexible au plan fonctionnel. La volonté constante des gouvernances successives de ne pas hypothéquer la marge d’action du ministre en enfermant sa fonction dans un cadre normatif trop restrictif a, sans doute, fortement contribué à cet état de fait. Mais, cette souplesse favorise, également, une diversité de pratiques, ce qui rend difficile d’accès le cadre conceptuel des Affaires étrangères.

 De manière générale, que l’on souscrive ou non à l’idée d’une conception juridique – ou d’une « représentation juridiste » selon l’expression du Professeur Jacques COMMAILLES33 – de l’évènement historique, il convient de s’entendre sur ses implications dans le fonctionnement, au sens le plus large du terme, d’un système juridique qui serait en l’espèce hybride. L’objet d’étude traiterait, en effet, d’un lien incarné entre l’ordre interne et l’ordre international. Une telle démarche induirait a priori des préoccupations plus méthodiques que matérielles. C’est que l’Histoire du ministre des Affaires étrangères ne manque pas de substance en tant qu’elle coïncide avec l’émergence de l’ordre juridique  international moderne d’une part, et qu’elle s’enracine avec les premières théorisations de la souveraineté de l’État princier d’autre part. Toutefois, la profusion des faits, tantôt constructifs, tantôt purement anecdotiques, rend précisément difficile l’appréhension de ladite substance.  18. Tâtonnant souvent, reculant parfois, la démarche épistémologique est hésitante et, sans doute, apparaît-elle in fine d’autant plus bancale qu’il est matériellement impossible d’analyser tous les évènements qui ont pu intéresser de près ou de loin le ministre dans sa fonction ou son action depuis la création de sa charge à nos jours. Chacun de ces évènements peut d’ailleurs présenter des portées très différentes selon le contexte particulier dans lequel il est appréhendé. Bien plus, le fait que la fonction de ministre des Affaires étrangères s’inscrive, comme toute institution humaine, dans un long processus évolutif ne signifie pas, pour autant, qu’elle brille par sa linéarité. Son contenu et son amplitude varient, plus ou moins insensiblement, au gré de la personnalité des ministres successifs et des changements de régime politique. Dès lors, deux questions préliminaires se posent : par où commencer et que privilégier comme champ historique d’investigation ? que de la science politique34. Cette réalité confinerait même à une évidence dès lors que l’on ambitionne une étude sur leur responsable gouvernemental en titre… s’il n’y avait eu, précisément, un corps de règles et des principes juridiques contraignants pour délimiter et protéger le cadre d’exercice de ses fonctions. A cet égard, la diversité des sources positives de l’action du ministre des Affaires étrangères ne doit pas favoriser d’incohérences, ni de contradictions. L’État français serait le premier à en souffrir.  français, Paul PRADIER-FODÉRÉ fut parmi les premiers universitaires à professer un cours de Droit diplomatique. Bien qu’il prit « pour base de [son] enseignement le droit public européen », il ambitionnait de consolider à l’étranger le prestige de l’école libre des sciences politiques, créée en France quelques temps plus tôt. Pour l’auteur, « la France peut [en] être fière, à juste titre », au regard notamment de l’éclectisme de son programme d’enseignement qui « embrasse toutes les connaissances nécessaires à l’homme d’État, au diplomate, à l’administrateur, et qui forme pour les services publics, sous la direction de professeurs éminents, la plupart célèbres, des candidats munis d’une éducation intellectuelle solide, d’une science vivante et pratique, applicable surtout aux besoins du présent, sans négliger l’érudition, qui rattache le présent au passé » [in Cours de droit diplomatique à l’usage des agents politiques du ministère des Affaires étrangères des États européens et américains, Tome I, A. Pedone, 2nd éd., 1900, p. X, note (1)]. Plus explicite est l’aphorisme de son collègue allemand Johan Ludwig KLÜBER : « on apprend la diplomatie en étudiant les sciences politiques » (in Droit des gens moderne de l’Europe, Librairie Guillaumin et Cie, 1861, p. 8).

 

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