La flore adventice du sorgho (Sorghum bicolor [L.] Moench)

La flore adventice du sorgho (Sorghum bicolor [L.] Moench)

Les adventices 

Une définition délicate 

Au commencement, il n’y avait pas d’adventices. Les plantes poussaient dans leur écologie naturelle et faisaient partie de la végétation d’une zone donnée. En Afrique de l’Ouest, tout comme dans d’autres régions du monde, la notion d’adventice n’est apparue que lorsque l’homme a commencé à détruire la végétation naturelle et à la transformer afin qu’elle réponde à ses besoins en matière d’agriculture et de loisirs, ou à des fins purement esthétiques (Akobundu, 1987). Mauvaises herbes et adventices en français, weeds en anglais et unkraut en allemand sont peut-être les termes les plus importants de la malherbologie. Cependant leur définition pose des difficultés insurmontables (Godhino, 1984). Si pour la botanique une adventice est une espèce végétale étrangère à la flore indigène dans lequel elle est accidentellement introduite et peut s’installer (Rodriguez 2015), l’agronomie et la malherbologie définissent les adventices (mauvaises herbes) comme des plantes herbacées ou ligneuses indésirables à l’endroit où elles se trouvent (AFNOR, 1977 ; Merlier, 1982 ; AFPP, 2011 ; Rodriguez, 2015). En écologie, le terme adventice désigne une plante introduite accidentellement dans des milieux modifiés par l’homme (Godhino, 1984). Cette définition se rapproche de celle anglaise de Baker (1965) ‘‘A plant is a weed if, in any specific geographical area, its population grows entirely or predominantly in situations markedly disturbed by man (without of course, being deliberately cultivated plants)’’. Cependant certains auteurs remettent en cause ces définitions et parlent de ‘‘Plants for which man has not yet found a use’’ (Anderson, 1977). Ces auteurs considèrent les adventices comme des espèces auxquelles on n’a pas encore trouvé d’utilité, ce qui souvent n’est pas le cas. Des individus d’une espèce peuvent être des mauvaises herbes alors que d’autres sont cultivés, ou servent à l’alimentation de l’homme (e.g. Echinochloa crus-galli), ou à d’autres fins (Godinho, 1984). D’ailleurs pour Longchamp (1977), une mauvaise herbe n’est pas mauvaise en soi, tout dépend des inconvénients qu’elle présente pour l’homme. C’est dans ce contexte bibliographique très vaste, souvent incomplet et imprégné de partispris, que se situe la notion de « mauvaise herbe ». Les définitions de spécialistes peuvent néanmoins aider à mieux cerner les fonctions de ces espèces (Chauvel, 2014). La connotation péjorative de l’expression « mauvaise herbe » tend à éliminer cette locution dans les instances scientifiques et naturalistes au profit d’« espèce adventice ». Ce glissement sémantique est actuellement très net allant jusqu’à la dénomination d’Unité de recherche en « Malherbologie et Agronomie » en Unité de « Biologie et gestion des adventices » pour se fondre dans l’ensemble plus large d’« Agroécologie » (Chauvel, 2014). 

Nuisibilité des adventices 

La nuisibilité est l’ensemble des phénomènes qui se produisent au cours d’une année de végétation et qui se traduisent par une perte soit de quantité (nuisibilité directe), soit de qualité (nuisibilité indirecte) du produit récolté. La nuisibilité des mauvaises herbes concerne aussi la possibilité de réinfestation par les organes de propagation dans une parcelle ou dans les parcelles voisines (AFPP, 2014). Cette nuisibilité est très variable d’une adventice à une autre. La nuisibilité des mauvaises herbes dans une culture annuelle est à relier principalement à leurs effets négatifs sur la croissance et le développement de la plante cultivée. En termes d’interactions biologiques, les effets mesurés traduisent les résultats de la concurrence entre mauvaises herbes et plante cultivée. Ils sont causés par divers processus biologiques comme la compétition, l’allélopathie ou tout autre processus d’exploitation (Caussanel, 1989). On distingue la nuisibilité primaire, qui correspond à un effet indésirable de la population d’adventices sur la culture et la nuisibilité secondaire qui correspond aux dommages que la flore potentielle ou réelle peut avoir sur la capacité de production ultérieure (Caussanel, 1989). On distingue ainsi une flore potentielle liée au potentiel semencier et une flore réelle ou flore de surface qui se met en place à partir du potentiel semencier et qui se renouvelle plus ou moins bien en fonction de la nature et de la date de semis de la plante cultivée, des techniques agronomiques et des facteurs climatiques et pédologiques. Ainsi la nuisibilité chez les adventices englobe 2 sortes d’effets : la nuisibilité due à la flore potentielle et la nuisibilité due à la flore réelle. La nuisibilité due à la flore potentielle est celle dont il faudrait tenir compte si, pour chaque espèce, chacun des organes de multiplication conservés dans le sol à l’état de repos végétatif (semences, bulbes, tubercules, etc..) donnait un individu à la levée (Caussanel, 1989). Cependant, ce risque doit être réduit dans les prévisions car même s’il existe une relation entre stock et levées, la densité des levées dans une culture ne représente qu’une faible proportion du nombre de semences enfouies dans la couche arable (Debaeke, 1988). Plusieurs expérimentations sur différentes cultures situent les levées entre 5 et 10% du nombre de semences enfouies (Barralis, 1972 ; Debaeke, 1988 ; Caussanel, 1989 ; Barralis et al. 1996, Rahman et al., 2006). Pour autant, la levée constitue un maillon décisif de la nuisibilité des adventices et de la reproduction de leur stock de semences. Ainsi, la possibilité d’admettre une relation stable entre stock de semences viables 22 sur la couche travaillée et flore levée est d’une double utilité en permettant d’une part de prévoir les risques d’infestation futures et d’autre part de décider de l’opportunité d’une intervention herbicide de prélevée ; elle facilite par ailleurs l’évaluation rapide du stock semencier d’une parcelle et donc le jugement de l’effet des systèmes de culture (Debaeke, 1988). La levée au champ est une étape importante du cycle de développement d’une mauvaise herbe annuelle, et la connaissance des relations entre le stock semencier et la densité des levées est un élément majeur pour la prévision des infestations et la définition de stratégies raisonnées de désherbage. Elle est considérée comme un paramètre critique pour tout modèle de gestion des mauvaises herbes (Forcella et al, 1992). Cette nuisibilité est due aux plantes qui lèvent réellement au cours du cycle de la culture. Chaque espèce adventice possède sa propre nuisibilité (nuisibilité spécifique) qui contribue à la nuisibilité globale du peuplement adventice dans des conditions d’offre environnementale définies (Caussanel, 1989). Lorsque la nuisibilité due à la flore adventice réelle n’est prise en compte que par ses effets indésirables sur le produit récolté, cette nuisibilité est dite primaire. Si les dommages dus à l’action conjuguée de la flore réelle et de la flore potentielle s’étendent aussi à la capacité ultérieure de production, soit au niveau de la parcelle (accroissement du potentiel semencier du sol notamment), soit au niveau de l’exploitation agricole (création et multiplication de foyers d’infestation, contamination du sol ou du matériel végétal, nuisances et pollution), la nuisibilité est qualifiée de secondaire (Caussanel, 1989). La nuisibilité n’est pas toujours évidente à déterminer. En effet, celle-ci peut être d’ordre direct, les adventices étant compétitives de la culture ou provoquant des retards de croissance par allélopathie, ou d’ordre indirect, en augmentant le temps de travail lors de la récolte ou en favorisant des maladies ou insectes par leur présence (Le Bourgeois & Merlier, 1995). A contrario, les adventices peuvent être bénéfiques en créant des réservoirs d’auxiliaires et en participant à la biodiversité du milieu. La nuisibilité directe est la plus facile à quantifier mais cela peut tout de même se compliquer lorsque l’on raisonne à l’échelle de la rotation c’est-àdire la nuisibilité secondaire par augmentation du stock semencier (Delval, 2013). 

 La nuisibilité directe 

La nuisibilité directe affecte prioritairement le potentiel de rendement de la culture (Caussanel, 1989). Il est représenté par un seuil de nuisibilité biologique qui est défini comme étant le niveau d’infestation à partir duquel une baisse de rendement de la culture est mesurée pour une espèce adventice considérée. Ce seuil est modifié par un ensemble de paramètres. Il 23 dépend des couples d’espèces considérées (culture et adventice), des densités de peuplement adventice, de la densité de semis, des stades de croissance respectifs, des structures spatiales des cultures et des adventices (Viox, 2004) Cela peut s’exprimer par le nombre de pieds suffisants au m2 pour faire chuter le rendement. Cependant, les expérimentations ont montré que la seule densité n’est pas l’unique facteur à considérer pour fixer les seuils de nuisibilité ; il faut aussi considérer : la période de concurrence, la nature des adventices, la répartition des plantes sur le terrain sont des facteurs tous aussi importants (Arvalis, 2013) En somme, les effets de nuisibilité directe sont causés par les phénomènes de concurrence entre plantes cultivées et adventices, ceux-ci comportent les phénomènes de compétition et d’allélopathie. La Compétition La compétition se définit comme la concurrence qui s’établit entre plusieurs organismes pour une même source d’énergie ou de matière lorsque la demande est en excès sur les disponibilités (Lemée, 1967). Chez les plantes, cette compétition pour les ressources peut se faire sur divers plans, aussi bien au niveau racinaire pour l’utilisation de l’eau ou de l’azote du sol (Dunahyin, 2007), qu’au niveau foliaire pour l’exposition à l’ensoleillement (Page et al., 2010). Le port, la hauteur, la vitesse de croissance, la durée du cycle sont des facteurs biologiques intrinsèques à l’espèce qui influencent la compétitivité (Hannachi, 2010). La compétition par la lumière Au-dessus de la surface du sol, la ressource lumineuse est essentielle à la croissance des plantes et devient source de compétition lorsqu’elle est limitante. Cette ressource est essentielle à la croissance des plantes car elle leur permet, via le processus de photosynthèse, de produire des assimilats carbonés qui rentrent dans la constitution des différents organes aériens et souterrains de la plante. La lumière est une ressource unidirectionnelle. Bien que la direction des rayons lumineux varie au cours d’une journée, la plante qui sera plus haute que les autres captera la lumière tandis qu’elle provoquera un ombrage et donc une plus faible disponibilité de la ressource pour les plantes plus basses (Tardy, 2015). La compétition pour les ressources du sol En dessous de la surface du sol se trouvent un grand nombre de ressources utiles à la croissance des plantes. On y trouve des macro et micro nutriments (comme l’azote et le phosphore) et la ressource hydrique. Ces ressources ne sont pas présentes de manière 24 homogène dans le sol et ne sont pas toutes accessibles de la même façon. Contrairement à la lumière les plantes ont un avantage compétitif proportionnel à leur occupation du sol par les racines : on dit que la compétition pour les ressources du sol est « symétrique » par rapport à la taille des plantes. L’acquisition et l’utilisation des ressources du sol reposent sur quatre principaux processus : la demande de la plante, le transport des ressources dans la plante, l’exploration du sol dans l’espace et l’exploration du sol dans le temps. Ces processus dépendent essentiellement de la structure du système racinaire des plantes, et de leurs aptitudes à croitre en profondeur, en largeur et à prélever la ressource (Tardy, 2015). L’Allélopathie L’allélopathie est un phénomène d’interaction différent, de nature chimique, faisant intervenir l’émission par certaines plantes (origine donc biotique) et/ou leurs résidus (origine donc abiotique) de molécules toxiques pour d’autres plantes (Charles et al., 2012). Ces interactions chimiques entre végétaux comprennent celles qui s’exercent soit directement entre les plantes (cholines), soit indirectement par l’intermédiaire de microorganismes pendant la vie active des végétaux et au cours de la décomposition de leurs résidus (Caussanel, 1989). Ces médiateurs chimiques sont des métabolites secondaires dont les terpènes les alcaloïdes les molécules aromatiques etc. (Valantin-Morison, 2008).

La nuisibilité indirecte 

Ce sont les autres effets indésirables des mauvaises herbes (adventices) concernant l’impact sur la qualité de la récolte, sur la qualité sanitaire de culture (les mauvaises herbes pouvant être réservoirs ou hôtes de divers parasites) et la capacité ultérieure de production (augmentation du stock semencier) (Arvalis, 1995). Pour certains auteurs les différentes formes de nuisibilité peuvent être groupées en 4 types : gêne des pratiques culturales, altération de la qualité de la récolte, baisse du rendement de la culture et réserve d’ennemis des cultures (Chicouène, 2014).

Table des matières

LISTE DES ACRONYMES, ABREVIATIONS ET SIGLES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
RESUME
ABSTRACT
INTRODUCTION
CHAPITRE I: SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
1.1. Le sorgho
1.1.1. Taxonomie et diversité génétique
1.1.2. Origine et diffusion
1.1.3. Biologie et Phénologie du sorgho
1.1.4. Besoins environnementaux du sorgho
1.1.5. Bioagresseurs du sorgho
1.1.6. Techniques culturales et post récolte
1.1.7. Transformation et usages
1.1.8. La production du sorgho
1.2. Les adventices
1.2.1. Une définition délicate
1.2.2. Nuisibilité des adventices
1.2.3. Les leviers de gestion de la flore adventices
1.2.4. Les méthodes de luttes intégrées contre les mauvaises herbes
1.2.5. Les avantages de la présence des mauvaises herbes
CHAPITRE II: PRESENTATION DE LA ZONE D’ETUDE
2.1. Le milieu d’étude
2.2. Reliefs et types de sols
2.3. Le climat
2.4. L’hydrographie
2.5. La végétation
CHAPITRE III: FLORE ADVENTICE DU SORGHO
3.1. Introduction
3.2. Méthodologie
3.2.1. Réalisation des relevés
3.2.2. Exploitation des données
3.3. Résultats
3.3.1. Spectre taxonomique
3.3.2. Spectre biologique
3.3.3. Spectre chorologique
3.3.4. Variabilité floristique
3.4. Discussion
3.5. Conclusion
CHAPITRE IV: IMPORTANCE AGRONOMIQUE DES ESPECES DE LA FLORE DU SORGHO55
4.1. Introduction
4.2. Méthodologie
4.2.1. Le degré d’infestation
4.2.2. L’Indice Partiel de Nuisibilité
4.3. Résultats
4.3.1. Degré d’infestation des espèces
4.3.2. Nuisibilité des adventices
4.4. Discussion
4.5. Conclusion
CHAPITRE V: DYNAMIQUE DES LEVEES DES ADVENTICE DU SORGHO
5.1. Introduction
5.2. Méthodologie
5.2.1. Dispositif expérimental
5.2.2. Traitement des données
5.3. Résultats
5.3.1. Structure de la flore levée
5.3.2. Fréquence d’occurrence des espèces
5.3.3. Importance relative des levées en fonction des conditions de fertilisation et de l’année
5.3.4. Importance et chronologie des levées au cours du cycle cultural
5.3.5. Variation de la diversité en fonction des conditions culturales et de l’année
5.4. Discussion
5.4.1. Diversité de la flore
5.4.2. Densité des levées
5.4.3. Importance et chronologie des levées au cours du cycle cultural
5.4.4. Variation de la diversité en fonction des conditions culturales et de l’année
5.5. Conclusion
CHAPITRE VI: ETUDE DE LA CONCURRENCE DES ADVENTICES VIS A VIS DU SORGHO
6.1. Introduction
6.2. Matériel et méthode
6.2.1. Matériel végétal
6.2.2. Principe de l’expérimentation
6.2.3. La préparation du sol
6.2.4. Traitements
6.2.5. Dispositif expérimental
6.2.6. Le calendrier cultural
6.2.7. Observations et mesures
6.2.8. Traitements statistiques
6.3. Résultats
6.3.1. Variation de la production de feuilles en fonction de l’année, de la fertilisation et des traitements de binage
6.3.2. Variation de la hauteur des plantes en fonction de l’année, de la fertilisation et des traitements de binages
6.3.3. Variation du diamètre au collet en fonction de l’année et de la fertilisation
6.3.4. Variation de la feuille drapeau en fonction de l’année, de la fertilisation et des traitements de binages
6.3.5. Variation de la production en biomasse du sorgho en fonction de l’année et de la fertilisation et des traitements de binage
6.3.6. Variation du rendement en panicules en fonction de l’année et de la fertilisation
6.3.7. Variation du rendement en grains du sorgho en fonction de l’année et des traitements de binage
6.3.8. Variation du poids mille grains en fonction de l’année et de la fertilisation
6.3.9. Relation entre paramètres de croissance, de rendement et le rendement en conditions fertilisée et non fertilisée
6.3.1. Détermination de la période critique de concurrence des adventices vis-à-vis du sorgho
6.4. Discussion
6.4.1. Variabilité de la croissance du sorgho en fonction des traitements de binage
6.4.2. Variabilité du rendement du sorgho en fonction des traitements de binage
6.5. Conclusion
DISCUSSION GENERALE
Flore adventice
Importance agronomiques des espèces
Dynamique de levées des adventices
Concurrence adventice
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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