La formation initiale une passerelle vers l’insertion professionnelle

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L’insertion professionnelle

L’enseignement étant une profession complexe, son insertion semble l’être tout autant. L’interdépendance entre les trois volets du développement professionnel (formation initiale, insertion professionnelle et formation continue) peut expliquer le caractère complexe de l’insertion professionnelle de même que la pluralité des définitions y étant associée (De Stercke, 2014).
Le concept d’insertion professionnelle, quoique fortement employé, apparait « plutôt ambigu, polysémique et souvent difficile à circonscrire » (Martineau, et al., 2008, p. 2). Il peut être défini comme un processus en continuité, un processus d’adaptation (Peyrache, 1999!; Martineau, et al., 2008) et d’évolution (Martineau, et al., 2008) ou plutôt comme un passage marquant une rupture « entre deux lieux, de l’établissement de la formation initiale à l’exercice, du milieu d’origine au nouveau, inconnu, d’un côté de la classe à cet autre opposé » (Baillauquès, 1999, p. 25). Or, il ne pourrait s’agir d’un simple changement de statut d’étudiant à employé salarié selon Mukamurera (1999). Il existe une pluralité d’« itinéraires professionnels tels le chômage, l’inactivité, les périodes de recherche d’emploi, le retour aux études, des emplois de nature différente, etc. » (Mukamurera, 1999, p. 33) qui caractérisent la transition vers le marché de l’emploi.
Selon Weva (1999), l’insertion professionnelle est un « processus formel et planifié visant à introduire, à orienter ou à initier les nouveaux enseignants à leur profession afin de maximiser leur satisfaction, leur motivation au travail et leur rendement » (p. 189). Ces visées semblent rejoindre celles de Wong (2004) : former et supporter les nouveaux enseignants en vue de les retenir. C’est par le biais d’un processus de développement professionnel complet et bien organisé, qui implique plusieurs personnes et diverses composantes, que Wong (2004) croit possible la persévérance des enseignants dans la profession. Mais l’insertion professionnelle ne s’effectue pas nécessairement par le biais de situations formelles (Howe, 2006) ou de programmes structurés (Weva, 1999), elle peut se faire par l’entremise de situations informelles (Howe, 2006) ou d’activités non structurées, qui, si elles sont moins dispendieuses et plus authentiques, ne répondent toutefois pas systématiquement aux besoins réels des nouveaux enseignants (Weva, 1999).
Certains auteurs (Karsenti et Colin, 2009!; Nault, T., 2003!; Vonk et Schras, 1987) établissent à environ sept ans, la période d’insertion dans la profession enseignante, qu’ils déterminent comme étant généralement longue et laborieuse. Pour Mukamurera (1999), il « n’apparait pas de critères fiables et universels permettant de fixer le moment de début et de fin de l’insertion » (p. 12) même si cette dernière admet que la période d’insertion pourrait se situer entre cinq et sept ans. Castetter (dans Weva, 1999) estime même que cette période pourrait ne durer qu’une demi-journée. Or, il semble qu’il y a ait d’autres manières de déterminer la période d’insertion professionnelle. Selon Vernières (1997), le concept d’insertion professionnelle renvoie à l’accès à une position stabilisée dans le système d’emploi, d’où se précise le moment jusqu’auquel un individu est en processus d’insertion professionnelle : tant qu’il n’a pas une stabilité d’emploi. En enseignement, la stabilité passe par le statut d’enseignant permanent. Ce statut n’est accessible que par « un passage obligé et parfois difficile » (Nault, T., 2003, p. 22) à des années de précarité. T. Nault (1999) considère également que c’est par la stabilité (la permanence) que l’enseignant quitte la phase d’insertion professionnelle, s’engageant dès lors, dans un processus de formation continue.

Les modèles d’insertion professionnelle

Plusieurs modèles d’insertion professionnelle ont été proposés pour décrire ce passage obligé en enseignement. En voici quelques-uns qui se sont démarqués. Füller (1969) propose un modèle d’insertion professionnelle en trois phases. Durant la première, l’enseignant s’engage peu dans la tâche d’enseignement, ses préoccupations étant davantage centrées sur lui-même : il est en survie. Durant la seconde, l’enseignant se concentre maintenant sur la qualité de son enseignement ainsi que sur la structure organisationnelle de l’école et de la classe. Enfin, durant la troisième phase, l’enseignant se préoccupe des élèves et de son impact sur leurs apprentissages.
Gervais (1999) aborde l’insertion professionnelle sous plusieurs dimensions, lesquelles elle nomme des frontières que le nouvel enseignant devait arriver à franchir. La première frontière s’axe sur l’efficacité dans le travail, elle se veut une frontière dite fonctionnelle. La seconde est une frontière inclusive, à savoir une acquisition de la culture professionnelle pour une inclusion au groupe. La dernière se veut une frontière hiérarchique par laquelle le nouvel enseignant parviendra à la reconnaissance sociale.
Comme mentionné précédemment, T. Nault (1999) identifie un modèle d’insertion professionnelle en trois étapes. La première étape est celle de l’anticipation. À la suite de la diplomation, le finissant vit une période d’euphorie. Il anticipe ses débuts dans la profession. La deuxième étape se nomme première rencontre ou choc de la réalité. C’est l’entrée dans le milieu professionnel, laquelle est vécue généralement difficilement. Finalement, la dernière étape de l’insertion professionnelle est la consolidation des acquis, lors de laquelle les compétences professionnelles de l’enseignant se confirment.
Les trois précédents modèles sont relativement similaires. Ils se découpent en trois étapes consécutives à travers lesquelles l’enseignant progresse vers la maitrise de la profession enseignante (voir Figure 1). Le modèle de Mukamurera se distingue des autres : il ne décrit pas l’insertion professionnelle de manière séquentielle, mais plutôt de manière multidimensionnelle (Mukamurera, et al., 2013). Il s’appuie sur des recherches qui rendent compte de la non-linéarité et de la discontinuité des trajectoires en insertion (Mukamurera, 1999). La première dimension se rapporte à l’intégration au marché du travail, à savoir, aux conditions d’accès à l’emploi. La deuxième dimension touche les conditions de travail liées à la tâche. La troisième est associée à la socialisation organisationnelle, vue comme un enjeu majeur dans le processus d’insertion professionnelle des enseignants. Il exige une entrée du personnel dans l’organisation scolaire laquelle porte une culture, des valeurs, des attentes et des règles spécifiques. La quatrième dimension correspond à la professionnalité, c’est-à-dire au développement et à la maitrise des compétences professionnelles. La cinquième dimension est axée sur les aspects personnels de l’insertion sur les plans psychologique et émotionnel (Gingras et Mukamurera, 2008!; Mukamurera, et al., 2013).
Figure 1 : Modèles d’insertion professionnelle

Miser sur l’insertion professionnelle pour vaincre l’abandon de la profession

Karsenti et Collin (2009) envisagent l’amélioration des systèmes d’insertion professionnelle des nouveaux enseignants comme « l’une des solutions les plus prometteuses » au problème de l’abandon de la profession (p. 4). Une phase d’insertion est en fait considérée comme étant décisive dans la pratique future de l’enseignant et dans le développement d’une identité professionnelle positive (Sauvé, 2012) de même que dans la consolidation des savoirs et des compétences (Karsenti et Collin, 2009). La période initiale dans l’enseignement est très importante : elle a des effets sur le développement professionnel de l’individu, son efficacité et sa durée de carrière (Zuljan et Pozarnik, 2014) de même que sur sa satisfaction au travail (Howe, 2006!; Zuljan et Pozarnik, 2014). Le soutien aux nouveaux enseignants dans leurs premières années de pratique est une recommandation commune faite par plusieurs chercheurs pour pallier les difficultés vécues par le nouvel enseignant (Weva, 1999), dont l’épuisement professionnel et l’abandon de la profession (Borman et Dowling, 2008!; Colbert et Wolf, 1992!; CSEE, 2008!; Howe, 2006!; Martineau, 2006!; OCDE, 2005!; Sauvé, 2012!; Sénéchal, et al., 2008!; Shakrani, 2008!; Tardif, 2009). Le CSEE (2008) estime d’ailleurs « qu’un encadrement et un soutien systématiques des enseignants débutants au cours de la première année de leur vie professionnelle devraient constituer à la fois un droit et une obligation pour l’enseignant nouvellement qualifié » (p. 9) et les mesures suivantes devraient notamment y être associées : une réduction de la tâche sans conséquence sur la rémunération, le soutien de la part de conseillers pédagogiques et la participation à un programme obligatoire d’encadrement. Karsenti (2015) propose également « un horaire de travail allégé » (p. 8), mais aussi un système de mentorat, un plan de soutien pour l’insertion professionnelle au sein duquel chaque acteur scolaire jouerait un rôle et des ressources pédagogiques telles que du matériel scolaire aux nouveaux enseignants.
Une étude menée en Californie dans des milieux scolaires difficiles où plus de 50 % des enseignants quittent annuellement a pu montrer l’impact positif des programmes de soutien à l’insertion professionnelle. L’étude rapporte que 95 % des jeunes enseignants affectés au projet enseignaient encore dans le même milieu trois ans plus tard (Colbert et Wolf, 1992). Borman et Dowling (2008) rapportent également que les taux d’abandon sont moins élevés dans les milieux où les enseignants reçoivent un soutien par divers dispositifs d’insertion professionnelle.
En 2004, le CSE a rédigé un avis au MEES : Un nouveau souffle pour la profession enseignante. Dans cet avis sont présentées trois orientations pour le développement de la profession enseignante dans une perspective de professionnalisation et de valorisation.
L’une d’elles est de soutenir le développement continu des compétences professionnelles du personnel enseignant et de reconnaitre officiellement l’expertise développée. L’un des axes de développement s’y rattachant (axe 4) vise à « baliser l’insertion des nouveaux enseignants dans une perspective d’équité, en considérant leur formation initiale comme le seuil d’entrée dans la profession » (CSE, 2004, p. 5). Le CSE décrit en ces termes cet axe de développement :
Le Conseil est d’avis qu’une insertion professionnelle mieux soutenue dans l’enseignement permettrait de rendre la profession plus attrayante et valorisante. En reconnaissant l’importance de soutenir les enseignants débutants, on reconnait également la complexité et la difficulté de l’exercice de cette profession et on montre davantage l’importance que l’on accorde à la qualité des services d’enseignement dispensés aux élèves. Par ailleurs, si l’on ne tient pas compte de l’inexpérience des enseignants débutants, c’est donc que l’on ne reconnait pas non plus la valeur de l’expérience des enseignants en poste pour ce qui est d’assumer la complexité de leur fonction. Dans le cadre des consultations du Conseil, plusieurs organismes ont insisté sur l’importance à accorder à l’entrée dans la profession enseignante et aux modalités d’insertion professionnelle devant favoriser une intégration harmonieuse des nouveaux enseignants. Actuellement, les modalités d’entrée dans la profession ne semblent pas de nature à favoriser le développement des compétences professionnelles du nouveau personnel enseignant et à assurer un enseignement de qualité pour les élèves. Le problème de l’insertion dans l’enseignement est grave et il témoigne d’un manque de reconnaissance de la profession. Il prend deux formes particulières qui sont vécues de façon parfois concomitante. De façon imagée, on pourrait les nommer ainsi : survivre jusqu’à l’embauche (le problème de la précarité) et survivre après l’embauche (les conséquences des règles d’affectation du personnel enseignant sur le poste attribué) (p. 51).

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