La localisation des activités économique

La localisation des activités économique

Un modèle de diffusion périphérique, à la fois centripète et centrifuge 

Le débat sur l’étalement urbain fait la part belle au logement et néglige le rôle important joué par le développement de l’activité. En se concentrant sur ces dernières, nous pouvons aussi bien souligner les effets en matière de consommation foncière et de structuration de l’espace urbain. En fait, les activités économiques ont toujours tendance à poursuivre un mode de déplacement périphérique important et intensif. Ces localisations restent une tendance lourde. D’ailleurs, les collectivités territoriales continuent à dédier de vastes espaces au développement économique à la périphérie des agglomérations. On constate aujourd’hui que la lutte contre l’étalement urbain est une problématique récurrente, mais on    associe toujours l’étalement urbain à la fonction résidentielle comme s’il n’y avait pas d’étalement urbain par les activités. « Une commune qui va refuser de construire des logements au motif de la lutte contre l’étalement urbain va aussi subventionner une zone d’activité au  bord de la nationale avec cette espèce d’idée folle qui consiste à imaginer qu’on fait des  emplois avec des hectares, alors que toutes les études des économistes en France comme à  l’étranger qui étudient les facteurs de localisation des entreprises ne vont pas dans ce sens. » (Comby, 2004) Les activités économiques industrielles, artisanales, logistiques et commerciales se sont implantées dans des zones d’activité dédiées, à proximité immédiate des grands axes de communication routiers et d’échangeurs. Selon l’observatoire des projets d’ensembles commerciaux de Procos, 593 projets (soit 7 432 000 m²) sont déjà prévus d’ici 2015, ce qui place la France dans le « hit‐parade » des Européens en matière de prolifération d’immobilier commercial. 80 % des surfaces en projet (5 900 000 m²) concernent des opérations de périphérie, dont 52 % des parcs d’activités commerciales (3 780 000 m²) et 28 % des centres commerciaux (2 120 000 m²). Les centres commerciaux de centre‐ville (890 000 m²) ne représentent que 12 % des surfaces en projet. »De nombreux travaux ont permis de mettre en évidence les déterminants de ces localisations périphériques. On observe ainsi un double‐mouvement: centripète pour les fonctions stratégiques, et centrifuge, lié en particulier à un schéma global de diminution des prix du foncier du centre vers la banlieue. » (Petitet, 2011).   De plus, les zones d’activités ne promeuvent guère la densité. En effet, ces dernières sont très souvent dotées de grandes surfaces de stationnement. D’après Petitet, ils s’agit même du modèle de la boîte posée sur son terrain en attente de stockage ou d’extension. Les COS observés La localisation des activités économique, un système d’acteurs complexe impactant surl’étalement urbain desvilles 10 sont souvent de l’ordre de 0,3, ce qui, pour l’habitat, correspond à celui des lotissements pavillonnaires.   Il semble particulièrement difficile de sortir de cette dynamique, de stopper ces mouvements de délocalisation des activités vers les périphéries des agglomérations, ou d’envisager des relocalisations plus centrales. Se posent en effet non seulement le problème de la disponibilité d’un foncier adapté et à un coût acceptable, mais également celui de l’acceptabilité d’une plus grande mixité fonctionnelle. Cette dernière se traduirait : pour les habitants, par une nouvelle promiscuité avec des activités volontiers rejetées à l’extérieur des villes ; et, pour les entreprises, par des contraintes réglementaires et de fonctionnement sans doute beaucoup plus importantes. Compte tenu de leur densité et de leur taux d’occupation, les zones d’activités existantes offrent sans aucun doute des capacités foncières suffisantes pour couvrir les besoins des activités économiques pour de nombreuses années. Un réaménagement de ces zones serait donc beaucoup plus pertinent que la poursuite de l’ouverture de nouvelles zones, seraient‐elles plus vertes ou HQE. Il est donc indispensable de réfléchir très sérieusement à la requalification des zones d’activités périphériques existantes.       La nature de ces grands types de consommateurs d’espace sont variés: ‐ Zones logistiques en tout genre, dépôts de bus,…chassés des villes qui veulent à la fois se densifier et se mettre à l’abri des circulations indésirables. ‐ Infrastructures majeures, aérodromes et pôles d’échanges intermodaux ‐ Industries, progressivement chassées du tissu urbain depuis 40 ans (raisons : grands espaces, pression de nouveaux processus industriels, normes environnementales) ‐ Zones commerciales, qui apportent la taxe professionnelle.

Un secteur structurant et générateur de flux importants

 La croissance urbaine et l’étalement sont des phénomènes anciens, accentués depuis un siècle  du fait des progrès dans les transports (transports collectifs et banalisation de l’automobile).   Ils relèvent en partie de  choix d’aménagement fortement consommateurs de foncier et  conduisent notamment à la dissociation entre lieux d’emploi et lieux de résidence. Les conséquences de l’étalement sont sources de débats sur le caractère souhaitable ou non de    la ville étalée et de la ville compacte. « Elles se traduisent par un accroissement de l’emprise   foncière des agglomérations urbaines : la superficie des villes européennes a augmenté de 78 % depuis 1955 (population : + 33 %). Elles se traduisent également par un allongement des   trajets (déplacements domicile‐travail, notamment), par une primauté donnée à la voiture et    par une augmentation des émissions de CO2. » (Bourdeau‐Lepage, 2010) Un accord unanimement partagé stipule que le couple transport/usage du sol est au cœur des dynamiques de  structuration de l’espace urbain. D’ailleurs, « les indicateurs mis en balance pour appréhender le développement durable sont l’accessibilité  permise par les transports et les coûts induits (coûts au sens large, pas seulement économiques  et financiers). » (Lefebvre, 2010) . Les enjeux de développement durable concernant la localisation des entreprises portent principalement sur les  mobilités domicile‐travail : peut‐on modifier ces comportements de mobilité ? Peut‐on  associer des formes de mobilité à des types de lieux de travail ? En quoi une organisation   multipolaire des emplois permet‐elle de réorganiser favorablement la mobilité des personnes ? Il y a un lien entre localisation résidentielle et localisation des emplois : les actifs très éloignés de leur lieu d’emploi sont minoritaires. « Il y a un lien entre la localisation des emplois et le type de mobilité qu’elle génère : plus l’emploi est loin du centre, plus son aire d’attraction est large avec utilisation de la voiture personnelle. Les dynamiques récentes de localisation des emplois augmentent les distances de déplacement domicile‐travail et l’usage du véhicule personnel provoquant un élargissement des aires d’attraction de tous les pôles d’emploi. » (Aguilera, 2010)

L’activité économique, moteur ou simple composante de l’étalement urbain? 

D’après O.Piron (2007), l’étalement urbain procède beaucoup plus par microdécisions individuelles ou par décisions politiques que par des actes volontaristes explicites. En outre, les activités impulsent un type d’habitat spécifique: la maison individuelle avec garage incorporé hors zone urbaine. En effet, la faible densité en emplois au m², pour les zones logistiques comme pour l’industrie moderne en France sont incompatibles avec toute desserte en transports en commun, notamment en raison des larges plages horaires. « Quant aux ouvriers qui y travaillent, ils ne peuvent en aucune façon habiter en zone dense, avec des parkings chers et des risques d’embouteillage pour aller travailler. La plupart de ceux qui y ont un emploi est par conséquent captive de la voiture individuelle. Ils ne sont pas chassés de la ville, mais ils suivent l’emploi » (Piron, 2007). D’après lui, on place souvent pour le calcul avantage entre prix de l’habitat et prix du transport, la distance au centre‐ville comme point de référence. Or, justement, les personnes souhaitent se rapprocher de leur travail en habitant en espace périurbain, il devient donc incohérent de se rapporter au centre‐ ville, vers lequel ils se déplacent nettement moins. Mais cette vision des choses n’est pas partagée de tous les autours. D’une certaine manière, O.Piron définit l’emploi comme moteur de l’étalement urbain, dans le sens où en plus de l’étalement urbain direct qu’il génère, il attire indirectement un étalement urbain résidentiel pour les personnes souhaitant se rapprocher de leur lieu de travail. Cependant, pour J.Comby (2004), l’emploi est aujourd’hui de moins en moins directeur de la localisation de la population. « Les choix de localisation résidentielle dépendent de moins en moins des localisations de l’emploi, s’agissant des jeunes retraités qui représentent le gros bataillon de la pyramide des âges en  France, ils sont de nouveaux demandeurs de localisations résidentiels. Ils constituent des centaines de milliers de ménages qui ne sont  plus liés à l’emploi et qui vont choisir leur  localisation, parce que ça peut être un endroit qui plait, parce que c’est le bord de la mer, il y a  le soleil, on est en sécurité, etc.…mais pas du tout parce qu’il y a des emplois à côté. » Toujours d’après ses dires, c’est  bien le contraire qui est en train de se passer ; c’est parce qu’il y a des gens qui s’installent  que des emplois viennent se greffer autour pour assurer des services à la population qui a  décidée de s’installer là. (Comby, 2004) En outre, des travaux utilisant des modèles à équations simultanées ont été développés pour   intégrer simultanément la localisation des populations et des entreprises. Ces études soulignent   l’importance du rôle de l’étalement de la population dans celui de l’emploi, dans le sens où les emplois suivent la population. L’effet de la décentralisation des emplois sur la  déconcentration de la 12 population est plus controversé et semble de moindre importance. Selon  Schmitt (1996 et 1999), un accroissement de 1% de l’emploi dans la périphérie des pôles se  traduirait par une augmentation de 0.4% de la population de ces zones. La multiplicité des facteurs de localisation des ménages et des firmes, leur influence variable selon les catégories d’agents et les interactions existant entre les comportements des populations et des  entreprises rendent délicate l’identification et l’estimation de la contribution des déterminants de  l’étalement urbain Krugman et Venables (1995) ont explicitement introduit le rôle des effets d’entraînement   intersectoriels dans la concentration spatiale. Les firmes ne sont plus liées, dans leur choix de   localisation, uniquement aux consommateurs mais aussi entre elles: lorsqu’il existe des coûts de   transport sur les intrants, les firmes en amont et en aval sont incitées à se concentrer dans la même   région, et ce d’autant plus que les économies d’échelle et la part de l’industrie dans l’économie sont élevées. Ainsi les avis divergent concernant le facteur moteur de l’étalement urbain est il est peut‐ être plus censé d’affirmer que ce dernier est la résultante de facteurs simultanés, jouant en proportions différentes en fonction des cas. Ce qui est vérifiable, c’est que l’habitat comme l’activité jouent un rôle essentiel dans le développement d’une région. Dans les petits villages français qui sont de plus en plus désertés par les habitants et les commerces, il est très difficile de définir lequel des deux facteurs est le moteur de cette désertification: le résidentiel en raison de l’exode rural vers les villes ou les petits commerces en raison du manque à gagner? Cette question est à approfondir et nous tenterons d’y répondre dans la seconde partie. 

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