La matrice sociopolitique du modèle développementaliste 

La matrice sociopolitique du modèle développementaliste 

Ce pacte donne lieu à la naissance d’une matrice sociopolitique qui prédominera jusqu’en 1973, c’est-à-dire un modèle de relation entre l’État, les acteurs de la société civile, le système de représentation et la base socioéconomique et culturelle (Garretón, 2007). La nouvelle matrice qui définit l’État de compromis se présente ainsi : «(…) estatal-democrático, nacional-popular y político-partidario, y podría caracterizarse por la imbricación entre política y sociedad civil, incluida la economía, con un rol preponderante y articulador en torno al Estado del sistema de actores políticos o sistema partidario. » 14 Cette matrice, consacrée dans la Constitution de 1925, est le résultat de divers processus de composition et décomposition des relations entre la société civile et l’État, enclenchés dès le début du siècle. Bien qu’elle reconfigure les rapports entre les acteurs, elle n’en reste pas moins l’aboutissement d’une politique menée par les plus hautes sphères socioéconomiques. En effet, tant la modernisation du pays que l’établissement de normes minimales de protection, sont l’expression de la stratégie des élites libérales pour contenir les avancées des secteurs socialistes, communistes et anarchistes dans le monde des salariés. C’est sans conteste la force des organisations des travailleurs qui poussera les élites à trouver des mécanismes d’apaisement face à leurs revendications, mécanismes qui excluent la population de tout processus de participation. La citation suivante d’Alessandri Palma le prouve: «si la evolución se retrasa, triunfa la revolución». 15 La protection sociale est mise en place dans un but politique. Dans ce cadre, la Constitution posera les bases institutionnelles de la nouvelle matrice. La période qui suit se caractérise par une économie stable et moderne, la démocratisation politique du pays, l’établissement d’un système de protection sociale, la laïcité de l’État et le rôle de promoteur social de celui-ci. (Garretón, op.cit.) Cependant, on peut d’ores et déjà constater le poids d’éléments désintégrateurs du modèle ainsi que la présence de logiques superposées, qui l’amèneront inéluctablement à sa crise. À ce propos, Moulián (1982) nous parle de l’absence d’un vrai projet capitaliste modernisateur, du fait de la composition élitiste de l’État et de l’orientation oligarchique des classes dominantes. Les couches moyennes, actives dans l’incitation de l’industrialisation et du progrès étatique, ne sont néanmoins pas capables d’attirer les classes dominantes ni de nouer des alliances avec elles, précisément à cause de la nature oligarchique et hiérarchique des élites. On observe que jusqu’à la rupture institutionnelle de 1973, les classes dominantes liées aux élites des partis traditionnels, notamment au Parti Libéral et au Parti Conservateur, sont issues de l’imbrication des anciennes oligarchies et des nouvelles classes de l’industrialisation. Cependant: «El bloque dominante donde se fusionaban los latifundistas y la burguesía, estaba marcado en el terreno cultural por los rasgos prototípicos del latifundio. Así puede decirse que el elemento de fusión cultural del bloque no eran los elementos burgueses de carácter meritocrático, sino los elementos aristocráticos de la cultura del linaje y de las jerarquías sociales prefiguradas.» 16 La prégnance de ces traits culturels dans les classes dominantes traduit le modèle de rapports établi entre les classes, et augure des obstacles qui entraveront la configuration d’un projet capitaliste dont les intérêts corporatifs soient subordonnés aux logiques de la reproduction capitaliste. La logique de la stratification sociale est davantage marquée par des aspects de différentiation socio-culturelle traditionnelle que par l’alliance de classe propre aux dynamiques du capital. De cette manière, les couches moyennes installent leurs intérêts corporatifs à partir de certains espaces de représentation politique liés notamment au Parti Radical, et les élites sauvegardent leurs intérêts au sein des Partis Conservateur et Libéral. Les secteurs ouvriers sont représentés, quant à eux, par les Partis Socialistes et Communistes dont les dirigeants appartiennent aux couches moyennes. Le Parti Communiste impulse d’ailleurs une politique d’alliance avec les secteurs du centre notamment à travers la recherche d’une politique de coalition électorale. Dans ce cadre, les secteurs marginaux urbains ainsi que la population paysanne sont exclus de la configuration de la représentation politique pendant pratiquement toute la durée du pacte mésocrate. Le monde rural change progressivement sa position à partir de la loi de syndicalisation : ses organisations sociales intègrent surtout des coalitions du centre tandis que certains s’orientent vers la gauche. De leur côté, les populations en situation de marginalité gagnent en représentation grâce à l’organisation sociale et aux actions de récupération, notamment les occupations de terrain revendiquant l’établissement de bidonvilles, depuis les années 1960. Leurs intérêts seront récupérés par les secteurs politiques liés au catholicisme social réformiste ainsi que par les partis de gauche. Ces groupes de population n’obtiennent de la visibilité qu’au milieu des années 60 sans pourtant parvenir à constituer une réelle représentation politique. Ainsi organisée, la représentation des intérêts politiques de la matrice sociopolitique de l’État de compromis s’établit par rapport à : la présence puissante des couches moyennes constituées par les salariés du privé et les fonctionnaires ; l’hégémonie des classes dominantes oligarchiques et bourgeoises (représentées autant par les partis traditionnels que par le nouveau secteur du catholicisme social issu des secteurs conservateurs) ; les ouvriers organisés autour des mouvements sociaux menés par les partis communiste et socialiste. Après quarante ans de validité, cette matrice se radicalise du fait de l’interpénétration des sphères politique et sociale, vers la fin des années 1960 et surtout au début des années 1970. Certains partis politiques deviennent les articulateurs de la demande sociale et les interlocuteurs des citoyens face à l’État, restructurant de fait la politique des élites traditionnelles qui avait prédominée depuis l’aube de la République. C’est au cours de cette période que l’on assiste à une imbrication entre le leadership des partis et les diverses formes d’organisation sociale émergentes. Malgré les avancées indéniables en termes de démocratisation sociopolitique à cette époque, le modèle productif-modernisateur fait crise sur le plan économique à partir des années 1950. Il demeure pourtant au cœur de la matrice, d’où la dénomination de cette phase comme celle du « développement frustré ». C’est dans le cadre de cette crise prolongée du modèle qu’une technocratie naissante entre en scène, dans le but de proposer des stratégies de sauvetage de la matrice politico-économique et sociale en vigueur. Le rôle des agences telles que la CEPAL (Commission Économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes) est d’accompagner l’État dans la formulation de politiques publiques capables de combiner croissance et protection. À partir de là, une première vague de cadres spécialisés apparait au sein de la bureaucratie ; des « intellectuels » des politiques publiques participent à la gestion du modèle à partir de la fin des années 1950 (Moulian, 1982), soutenus par l’expertise des agences internationales. Il s’agit de la première apparition de techniciens du politico-social au cœur de l’État et, par là-même, de la mise en place précoce d’une rationalité technique pour penser les articulations de l’État avec la société civile, dans le domaine du social. Le but étant de sauver la matrice économique et politique, l’appareil étatique fera appel à ce soutien technique afin de gérer la prolifération des mesures de protection de la masse salariale et d’assistance envers les exclus du monde du travail, notamment à partir des années 1960. Le social devient une clé politique pour affronter la crise du modèle, cette fois-ci sous l’égide de décideurs techniques et politiques, qui appartiennent aux sphères centralistes de l’exécutif. Malgré les réformes menées à la fin de la période, la matrice exclura d’importants secteurs de la population, tant de la médiation politique que des bénéfices du bien-être. Ce projet modernisateur configure ainsi un modèle incomplet qui n’intègrera finalement ni le secteur populaire urbain ni les secteurs ruraux. En définitive, le projet capitaliste incomplet qui se trouve à la base de la matrice nationale-populaire, présente deux grandes caractéristiques : d’un côté, il ségrégue les couches moyennes des élites politiques malgré leur engagement dans le processus modernisateur, en raison de la prédominance du caractère culturel oligarchique des classes dominantes ; le modèle exclut également de la participation à la prise de décisions, donc des sphères du pouvoir, les couches populaires ouvrières. D’un autre côté, le développement de l’État social se réalise à partir de cette alliance avec les couches moyennes en excluant aussi les secteurs non-salariés des bénéfices de la sécurité sociale. 

Premier réseau : le régime de sécurité sociale et la protection stratifiée 

Ainsi que nous l’avons abordé dans la première section, l’action du Chili sur le plan de la sécurité sociale, précoce à l’échelle régionale, résulte de l’explosion sociopolitique de la question sociale liée au modèle extractif et à l’industrialisation de la fin du XIXe siècle. Dans ce cadre donc, le pacte mésocrate qui fonde la matrice sociopolitique nationale-populaire en 52 vigueur jusqu’à 1973, donnera naissance à un système de sécurité sociale étatique vers les années 1920. La nature de ce modèle s’ancre dans l’approche bismarckienne de la sécurité sociale. C’est-àdire, une logique « d’assurance sociale adossée au travail salaire (…) fondant la protection sociale sur la solidarité professionnelle et privilégiant la technique des contributions sociales ».17 Ce modèle d’État social trouve son origine à la fin du XIXe siècle en Allemagne, à partir de la préoccupation des élites politiques pour mettre fin aux conflits d’intérêts entre le capital et le travail. Il désigne, à l’origine, un État bureaucratique et paternaliste. Suivant ce paradigme, la reconfiguration des forces entre les élites et les travailleurs donnera lieu à la mise en œuvre des premières politiques sociales au Chili. Il préfigure un État social qui se concentre sur le monde du salaire, afin d’établir l’accès à certains domaines de droits. Cet objectif est d’ailleurs lié aux prétentions d’améliorer les performances des travailleurs (ou potentiels travailleurs) sur le plan du travail, ainsi que d’établir un accord autour des réformes du système productif. Aux origines du régime de sécurité sociale, se trouve une volonté de démarchandisation de la protection pour les salariés (Farias, 2014) qui ne comptent, jusque-là, que sur des initiatives mutuelles privées pour s’assurer contre certains risques, surtout liés à leur activité professionnelle. La promulgation de la loi d’Habitation Ouvrière puis celle du Secours Ouvrier et des Caisses, dessine un régime de protection à caractère corporatif. Le Secours Ouvrier est le plus important de ces trois organismes dans la mesure où il représente près de 80% des affiliés à la sécurité sociale dans les années 1950. Cet aspect nous illustre, si besoin est, le fondement intrinsèquement excluant de la distinction sociale dans la distribution de l’accès aux droits, par rapport à la distribution occupationnelle du monde salarial de l’époque. En effet, pendant les trois périodes observées dans la formation de l’État social chilien, bien que la masse salariale des fonctionnaires et employés augmente, au fur et à mesure que l’État grandit et le pays se modernise, le processus d’industrialisation fait aussi accroitre les secteurs ouvriers, agricole et mineur. Cependant, la corrélation des forces entre les élites et les couches moyennes feront reculer les revendications des secteurs populaires et les avantages qu’ils demandent. Dans ce cadre, les bénéfices de ce système de sécurité sociale sont immédiatement mis en place en ce qui concerne les Caisses et seulement de manière progressive pour le Secours. Les couches moyennes chercheront à créer un système de protection tout en se différenciant des secteurs ouvriers, grâce à leurs liens avec les partis politiques.

Deuxième réseau : l’assistance envers les exclus comme politique d’État

La configuration du réseau de l’assistance, à la différence de la voie corporative, ne date pas de cette période. Depuis l’émergence de l’État, la nécessité de la société criolla de protéger les plus démunis de la menace de la misère existe. En effet, suite à la Bataille de Lircay, en 1830, qui marque la fin de la période d’organisation et fonde la République, “(…) los grupos conservadores al mando del gobierno regalista, en conjunto con un clero con tendencias aún galicanas, trabajaron por hacer operativa la protección de los pobres a través de su asilo en las instituciones de beneficencia activas durante el periodo colonial.”18 Tout au début, la bienfaisance républicaine reste un domaine non-spécialiste. C’est au long du XIXe siècle que les efforts pour classifier les types de pauvreté et les activités thérapeutiques donneront lieu à la configuration d’un réseau d’assistance. La préoccupation d’éradiquer la misère, la mendicité puis de traiter la question sociale, se transforme en une bataille contre la barbarie. Vers la fin du XIX et le début du XXe siècle, les catégories de barbarie et de civilisation deviennent le cadre normatif interprétatif de la société chilienne. « (…) a) para los grupos intelectuales y profesionales, la barbarie se encarnaba en la miseria, la mortalidad de los niños y la pobreza de la ciudad de pobres; b) para las clases dirigentes, especialmente para la iglesia, la barbarie se expresaba en la cuestión social y el movimiento obrero que amenazaba el orden instituido y la reversión de los principios de la civilización occidental; (…) En contrapartida, el discurso civilizatorio que subyace a estas barbaries finiseculares, se muestra cargado de un contenido disciplinario y/o educador de la sociedad y de segmentos de ella, con el fin de producir un nuevo orden o restablecer el existente ». 19 C’est dans ce but que l’on voit émerger l’organisation de l’action sociale en tant qu’initiative de l’État. L’alliance entre l’État et l’Église commandera la gestion de la bienfaisance sous l’orientation de l’hygiénisme social. Ainsi, en 1886, est promulguée la loi de la Police Sanitaire puis la réglementation sur la gestion et compétences des Juntes de Bienfaisance, qui auront par but d’ordonner et de coordonner les institutions d’hygiène publique pour contrôler les problèmes de santé liés à la misère. Dans cette donne, l’État organise la mise en place d’un cadre normatif et réglementaire qui permettra : d’un côté, la standardisation de l’intervention des œuvres de charité à partir d’objectifs sanitaires centraux ; d’un autre, la configuration des institutions régulatrices de l’action sociale (qui soit exécutent soit financent soit surveillent). Au fur et à mesure que les institutions se consolident, notamment sur le plan de l’assistance envers les plus pauvres et sur le plan de la santé, l’on assiste à une professionnalisation progressive de l’intervention sociale depuis le niveau central. Soucieuse de traiter les problématiques de la misère urbaine, de la mortalité infantile, des conditions de vie précaires et de la propagation des maladies infectieuses, entre autres, l’intervention sociale se positionne comme un aspect nécessaire du progrès. Ainsi, vers le début du XXe siècle, l’État s’inscrit dans la logique des linéaments des doctrines scientifiques mondiales qui justifient l’action publique sur le plan du social. Cet aspect se traduit par la formulation de politiques sociales centrales. Dans ce cadre, la formation aux métiers dans le domaine de la médecine et de l’assistance sociale accompagne la mise en place d’une intelligence professionnelle, d’un diagnostic, d’institutions et d’agents d’intervention. (Illanes, 2006). L’État prend en main l’organisation de l’action sociale tout en s’appuyant sur la collaboration avec les professionnels de l’intervention (les médecins et les assistantes sociales) et les œuvres du monde privé, notamment sur l’action sociale des congrégations religieuses et de l’Église. La professionnalisation de l’intervention centrale ainsi que le développement des approches interdisciplinaires (en lien notamment avec le droit et la psychologie), aborderont les problématiques sociales à partir du regard scientifique positiviste et finiront par renforcer la voie de l’action d’assistance résiduelle de l’État, tout au long de la première moitié du XXe siècle.

Les piliers de la protection : le rôle de la famille et des acteurs du secteur privé 

La structure de la distribution de l’accès aux droits, organisée à partir des deux réseaux analysés, se constitue autour de deux axes principaux. D’un côté, le rôle central de la famille qui structure la protection primaire, en assurant la reproduction des mœurs et de l’ordre. D’un autre côté, le rôle de collaborateur du secteur privé, d’abord lié à la charité ensuite à la philanthropie organisée, qui se développe dans le but d’ériger un modèle de protection mixte. Bien que l’on observe qu’à partir du XXe siècle, l’accent est mis sur la prédominance de l’État et de son rôle d’articulateur de la protection, autant sur le plan socio-moral que pratiqueinstitutionnel, ces deux caractéristiques du modèle de protection sont transversales, historiquement et politiquement parlant, jusqu’à la reconfiguration de l’État à partir de 1973. Nous allons maintenant nous attacher à l’analyse des éléments caractéristiques de la distribution de l’accès aux droits

La centralité de la famille : entre la responsabilisation et la privatisation des droits

 Le but principal de l’État social est d’assurer la prise en charge collective des fonctions de la solidarité, donc de concevoir un système de redistribution étatique qui, selon Polanyi (2014), prenne la place aussi bien de la réciprocité que du marché. Bien que « au sens strict, la notion d’État-providence signifie la monopolisation par l’État des fonctions de solidarité sociale. (…) L’État-providence est toujours une réalisation partielle » . Il existe ainsi différents degrés de réalisation de cette mission qui varient selon les degrés de démocratisation d’une société. Un système de protection étatique et universelle des droits a en effet pour fondement la reconnaissance des individus en tant qu’ayant droits, reconnaissance propre à une conception démocratique de la nation. De l’avis de Paugam (2009), ce type de protection repose sur l’appartenance à une nation où « (…) les citoyens sont égaux en droits, ce qui implique non pas que les inégalités économiques et sociales disparaissent, mais que des efforts soient accomplis dans la nation pour que tous les citoyens soient traités de façon équivalente ». Cette conception de la protection sur un plan collectif revient à instaurer un régime de protection intégrale d’abord dispensée par les familles, ensuite par les proches puis par la sphère contractualisée de l’emploi. Toutes ces instances configurent différents types de liens sociaux. De cette façon, la réalisation de la protection publique et universelle est consubstantielle au développement du lien de citoyenneté dans une société donnée. Bien que la famille constitue le cœur de la protection des individus en tant que source « naturelle » de lien, sa fonction est progressivement complétée et augmentée par les dispositifs étatiques de distribution de la protection et par les droits instaurés par une société démocratique. L’inspiration du modèle corporatiste conservateur bismarckien, sous-jacent à la conception du système de sécurité sociale chilien, propose l’organisation d’un système qui protège le monde du travail grâce au financement des prestations, versées par le biais des cotisations partagées, et à la création de systèmes publics d’aide sociale destinés à la population non-laborieuse. Dans le modèle bismarckien, la famille est soutenue par l’action publique et la protection devient une affaire d’intégration et de cohésion sociale. Cependant, dans la configuration des politiques sociales au Chili, la famille garde un rôle fondamental en tant que première responsable de la protection, donc de l’intégration. Au début de l’action sociale publique, les interventions visent notamment les familles « incomplètes » donc déficitaires. Les enfants « illégitimes », c’est-àdire les enfants qui n’ont pas la reconnaissance légale du père, constituent la cible première. Cette absence du père, base de la conception de la famille dysfonctionnelle à l’époque, indique une situation d’abandon et de gros risque social dans la mesure où elle présuppose que la famille ne compte pas sur les moyens de protection traditionnels. Ainsi, la centralité du rôle de la famille patriarcale réalise aussi bien la protection économique assurée par la figure du père que la reproduction des mœurs et de l’ordre, rendue possible grâce à l’autorité de celui-ci. Tout au long de la configuration du système de protection étatique, la famille en constitue le cœur en tant que principale responsable du bien-être. Il s’agit d’instituer la protection spécifique des individus dans des situations typifiées, plutôt qu’un système de protection de droits, parce que la famille demeure la première responsable face à la société. En effet, le modèle corporatiste de sécurité sociale mis en place dès le début du XXe siècle, exclura les familles des salariés des bénéfices, pour la simple raison que le devoir de protéger les membres d’une famille revient principalement au chef du foyer puis résiduellement à la collectivité. Ainsi, si l’État soutient le salarié en tant que pilier familial, il lui attribue néanmoins la responsabilité de fournir les moyens de protection des siens.

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