Concevoir la rencontre de l’innovation sociale

CONCEVOIR LA RENCONTRE DE L’INNOVATION SOCIALE ET DES ASSOCIATIONS SPORTIVES DES QUARTIERS POPULAIRES

Après avoir présenté la relation entre le sport institutionnalisé et les quartiers populaires depuis les années 1980 puis les résultats de l’enquête exploratoire, il convient d’éclairer le concept d’innovation sociale afin d’envisager la dynamique de développement des clubs sportifs. A partir d’une lecture pluridisciplinaire, nous tenterons de donner à la notion une profondeur, une épaisseur, un ancrage épistémologique permettant son usage scientifique. Nous définirons dans cette partie, l’espace sémantique197 du terme d’innovation en le comparant à des notions proches : changement, invention, projet, etc. L’innovation est une notion complexe qu’il convient de définir le plus clairement possible. Elle est très employés, et ce quelque soit les secteurs : en politique, en entreprise, dans les loisirs et le sport, etc. Bien qu’énigmatique, elle est porteuse de sens, elle enchante et fait déchanter ses contradicteurs : « Le fait de la rejeter place le contestataire dans la catégorie des conservateurs, des « ringuards », des passéistes198 ». Il semble agir comme par enchantement pour créer de l’espoir, pour définir un monde idéal où le progrès serait infini. C’est à la fois une mot indigène, un fait social et une catégorie d’analyse. Ainsi, c’est un mot-valise qui sous-tend des investissements affectivo-socio-cognitifs qui recouvrent une réalité multiple et fuyante.

Il s’agit ici de définir non pas la notion telle quelle, car cette entreprise s’avère impossible mais de montrer ses différents usages scientifiques et de baliser son espace sémantique. C’est, en effet en la comparant à d’autres notions, concepts ou théories que le sens commun permet d’utiliser comme synonyme199 que l’on pourra prendre des repères dans la constellation notionnelle qui gravite autour du mot, de l’expliciter, l’objectiver et repérer les éléments pertinents pour notre étude. Dans ce chapitre, une revue de littérature viendra progressivement construire le cadre d’analyse le plus pertinent pour étudier l’innovation sociale par le sport. Considérant avec Jean CORNELOUP que la sociologie sur le sport s’est constituée à travers des échanges voire des emprunts à la sociologie « générale »200, je vais baliser le concept d’innovation en faisant un détour par les sciences sociales ayant proposé des conceptualisations. Les sciences sociales se sont depuis longtemps intéressées à la question des changements sociaux induits, portés ou subis dans le sport. Les approches proposées sont multiples et dépassent les courants, les écoles et les paradigmes. La question du changement social ou du changement sportif domine celle de l’innovation sportive dans la littérature scientifique.

La définition de la notion d’innovation peut se faire de deux manières différentes : soit on définit ce qu’est l’innovation (sa logique propre d’émergence et de développement, son sens, ses effets, etc.), soit on dresse les contours de ce qui n’est pas innovation mais dont le sens commun en permet un usage similaire. Nous choisissons ainsi dans cette partie introductive de mettre en comparaison l’innovation sociale avec le changement social en démontrant que la première est un segment spatio-temporel du second. L’analyse du changement social fait écho à des tendances de la transformation des sociétés dans son ensemble201 alors que l’innovation nous éclaire sur des activités localisées et permanentes de développement et de diffusion de la nouveauté. La focale d’analyse n’est donc pas la même.

La compréhension de l’évolution de la réalité sociale est une aventure ambitieuse qui peut s’avérer périlleuse pour tout chercheur qui en relève le défi. C’est à partir d’un domaine d’activité particulier (le sport par exemple) que l’on peut faire émerger une compréhension du fonctionnement social global. Autrement dit, ce n’est qu’en s’appuyant sur des réalités localisées que la compréhension des changements des sociétés peut se faire. Cependant, y a-t-il un paradigme plus adapté à l’étude des changements sociaux ? Quelle(s) approche(s) propose(nt) la(es) sociologie(s) ? Les historiens décrivent et mettent en lien des faits identifiés sur une ou plusieurs périodes données afin d’en dégager des tendances de transformation. Les comportements individuels et collectifs sont généralement envisagés comme résultant d’une combinaison de facteurs politiques, économiques et culturels. Le projet historique se veut être, d’une manière générale, « la connaissance scientifique élaborée du passé humain202 ». Autrement dit, les changements de société sont au cœur des préoccupations des historiens qui proposent généralement une lecture systémique et évolutive. En ce sens, l’étude du changement social requiert une dimension historique que la sociologie ne peut ignorer.

 

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