La mise en cohérence des politiques

La période 2007-2010 et la mise en œuvre

La revue des politiques publiques conduite à partir de 2007 aboutit à des décisions de transformation des missions assurées par les services, et des métiers des agents. Nous chercherons à montrer dans cette partie que la période 2007-2010 se caractérise par un paradoxe. L’ampleur des transformations décidées dans l’organisation du travail des services départementaux ouvre des chantiers d’adaptation de la main d’œuvre très importants. De nombreuses questions soulevées par ces chantiers ne sont pas traitées par les services centraux des ministères qui renvoient la responsabilité de cette adaptation aux services opérationnels. Mais parallèlement les dispositifs qui permettent de répartir les effectifs et de procéder à des mouvements de personnels font l’objet d’un mouvement de re centralisation, qui conduit à enlever de l’autonomie aux cadres de terrain dans les choix de gestion de leurs emplois et de leur personnel. On retrouve ainsi des phénomènes de pseudo-décentralisation des ressources humaines observées dans les pays d’Europe marqués par le New public management. En ce qui concerne le ministère du travail, la RGPP poursuit le mouvement de rationalisation entamé à l’occasion du plan de modernisation de l’inspection. Pour améliorer la protection des salariés et simplifier les contrôles pour les entreprises, la décision est prise de fusionner les différentes inspections (travail, transport, agriculture, affaires maritimes), et de les placer sous la seule autorité du ministère du travail. Cette fusion est effective au travers du décret du 30 décembre 2008. Elle doit permettre d’harmoniser les méthodes de travail entre les sections, de rationaliser certains processus, tels que l’examen des ruptures conventionnelles de contrat ou des accords collectifs d’entreprise, et de rationaliser les fonctions support de l’inspection du travail.

La mise en cohérence des politiques

Les pratiques d’organisation des sections d’inspection et de management de leur action sont différenciées selon les départements. La reconfiguration de nouvelles sections avec l’intégration des agents venant du secteur des transports ou de l’agriculture nécessite un diagnostic et un travail de re construction qui se fait au cas par cas. Les administrations centrales ne peuvent pas donner d’orientations très précises sur les schémas d’organisation. D’autant plus que les services centraux ne peuvent pas assurer une diffusion homogène sur le territoire de la transformation programmée de la structure d’emplois. Une illustration en est faite au travers de la politique nationale qui a consisté à revoir à la hausse le niveau de qualification de la filière administrative. L’idée est de diminuer le nombre d’agents de catégorie C en profitant des départs à la retraite, au profit d’un plus grand nombre d’agents de catégorie B et A. Pour cela, des recrutements en catégorie A sont prévus en sortie des instituts régionaux d’administration, et des concours sont organisés pour promouvoir les meilleurs agents de catégorie C dans les corps de catégorie B. Or le re pyramidage prend du temps. Par ailleurs, les possibilités de recrutements et de réussite aux concours internes sont contrastées sur le territoire. La diffusion de nouveaux profils ne peut donc être assurée de façon homogène qu’en s’inscrivant sur un temps long. Les directeurs départementaux du travail sont obligés de revoir au cas par cas l’organisation des sections sous leur responsabilité en tenant compte de la réalité des effectifs dont ils disposent, sans pouvoir bénéficier d’un cadrage national très précis sur la manière de procéder.

La façon dont la décision de suppression de l’activité de l’ingénierie concurrentielle se traduit dans la politique de gestion des emplois du ministère du développement durable et du ministère de l’agriculture, conduit au même constat, et porte sur des effectifs plus importants : c’est aux services déconcentrés de « se débrouiller » pour adapter les emplois et les compétences. Il n’est pas question de grands mouvements de main d’œuvre au plan national. Chaque directeur doit localement conduire les transformations de la structure d’emplois de sa direction : encourager des agents dont les métiers sont supprimés et qui ne se reconvertissent pas vers les nouveaux métiers à quitter la direction, recruter des agents ayant les bons profils, assurer les mouvements et les reconversions internes nécessaires. Dans cet objectif, un directeur départemental souhaite pouvoir gérer librement une masse salariale.

Une ventilation trop détaillée des effectifs autorisés dans une unité, en les répartissant par catégorie d’emplois et/ou en les fléchant selon les missions à remplir, ne permet pas de procéder aux micro-ajustements qui sont indispensables dans l’organisation réelle du travail de l’unité. Les exemples sont nombreux pour illustrer ce besoin d’ajustement local. Là où les calculs théoriques peuvent évaluer à deux agents le besoin pour conduire une mission donnée, la présence d’un agent très performant dans la structure peut suffire. A l’opposé un directeur peut avoir envie de renforcer un service dont le niveau de performance n’est pas très bon malgré la présence d’un effectif théoriquement suffisant. Il peut aussi se voir affecter un nombre d’emplois pour mener une politique publique donnée, et envisager la nécessité d’y affecter un peu plus de personnels s’il diagnostique un besoin local spécifique ou s’il se le fait imposer par d’autres acteurs de son environnement (un préfet peut-être plus sensible à cette politique, par exemple). Le plus souvent, il existe des formes de polyvalence dans l’activité des fonctionnaires d’une unité départementale ; les directeurs peuvent les faire travailler pour le compte de plusieurs politiques. Enfin, associer trop strictement un niveau d’exercice d’une mission à un niveau de qualification de l’agent n’a pas beaucoup de sens dans la fonction publique, quand on sait que les candidats aux concours sont très souvent sur diplômés par rapport aux références des catégories auxquelles ils accèdent. Dans une unité, un directeur peut très bien être amené à faire travailler un agent de catégorie C sur une mission où serait « théoriquement » alloué un emploi de catégorie B. Un directeur n’a pas forcément envie de se voir affecter un emploi de catégorie A et la possibilité de recruter sur cette catégorie si le marché local de l’emploi ne lui permet pas de recruter facilement sur cette catégorie, et qu’à l’inverse il aurait l’opportunité de recruter un agent de catégorie B qui serait tout à fait capable de remplir la mission. Tout ce qui conduit à flécher trop précisément les emplois alloués à leur unité est ainsi perçu par les directeurs comme autant de rigidités qui ne leur permettent pas de mettre en cohérence les effectifs et les compétences avec les besoins en matière d’organisation du travail, et la réalité du marché de l’emploi local.

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *