La planification stratégique processus à la fois social et politique

PLANIFICATION

Au-delà de la réflexion large sur les futurs possibles et souhaitables à long terme, il est apparu nécessaire dans le cadre de la présente étude de se pencher sur les mécanismes qui contribuent à gérer le cheminement vers ces futurs possibles et souhaitables. Dans le cadre de l’action publique, on parlera du champ de la planification à long terme, dont nous présenterons également notre définition en fin de chapitre.

DEFINITIONS

Il n’existe pas de définition clairement établie ou consensuelle de la planification. Cela s’explique notamment par le contexte idéologique qui a nourri le développement et les critiques vis-à-vis de cette approche. La planification ne repose pas sur un corpus théorique cohérent, elle se développe depuis les années cinquante autour de divers courants, et se traduit par un grand nombre de pratiques et de théories issues de différentes disciplines (sciences politiques, théorie de la décision, urbanisme, aménagement du territoire, etc). Une analyse des définitions permet malgré tout de dégager différentes catégories, dont Nathalie Risse a fait la synthèse : « 1. La planification correspond à une réflexion sur l’avenir : elle constitue autrement dit, une vision future de la réalité. 2. La planification repose dans le contrôle de l’avenir : elle ne repose pas uniquement sur une vision future de la réalité mais sur une description des actions qui pourraient être entreprises pour orienter cet avenir. 3. La planification est un processus de décision : elle repose sur la détermination préalable des actions ainsi que des ressources humaines et physiques nécessaires pour atteindre un objectif donné à un horizon temporel donné. Elle suppose notamment l’identification d’options, l’analyse de chacune d’elles et la mise en place d’un processus de sélection de ces options. 4. La planification est une procédure normalisée dans un système décisionnel intégré, visant à produire des résultats articulés : elle implique la définition de moyens permettant de répondre à des objectifs prédéfinis selon une démarche structurée (réalisation d’une série d’étapes selon une séquence définie). 

Méthodes participatives de prospective et de planification pour un développement durable 

La planification est un processus à la fois social et politique qui implique différents acteurs, représentants des intérêts variés. Elle se traduit par une suite d’opérations techniques qui servent à nourrir le processus.» 29 La planification fait partie d’un processus global de gestion (« processus permanent et régulé, visant à assurer le fonctionnement d’un système »), aux côtés des fonctions d’organisation, de direction et de contrôle, ces quatre fonctions encadrant la mise en œuvre (de l’objet concerné par la démarche de gestion).30 La planification est donc un instrument de gestion, un processus d’aide à la décision qui vise essentiellement à prévoir les ressources nécessaires pour atteindre des objectifs déterminés, selon un ordre de priorités établi, permettant ainsi le choix d’une solution préférable parmi plusieurs alternatives.31 Les produits d’un processus de planification peuvent être des « documents de planification » de formes et appellations variées (plans, rapports, etc.). Mais il s’agit toujours de déclarations d’intentions, qui servent à la fois de moyens de communication et de contrôle. Certains affirment toutefois que l’on peut faire de la planification sans produire de plans, ce qui complique considérablement l’utilisation du terme « planifier » et de ses dérivés : « une organisation peut planifier (prendre le futur en considération) sans s’engager dans une planification (une procédure formelle) même si elle produit des plans (des intentions explicites) ».

ÉVOLUTION

Les contours de la notion de planification peuvent être précisés au travers d’une brève description de l’évolution de cette approche, en partant des critiques émises à l’encontre du courant de la planification classique. Tout d’abord, il est intéressant de noter que dans les organisations privées, les premiers efforts de planification se manifestent dès la fin du 19ème siècle. À partir de la fin de la seconde guerre mondiale, aux Etats-Unis d’abord (chez General Motors, par exemple), les entreprises s’attachent de façon plus systématique à prévoir et organiser la croissance de leurs activités.

LA PLANIFICATION RATIONNELLE

Dans les années 1950-1960, dans le cadre d’une approche fordiste, apparaît la planification rationnelle, sur base d’une volonté de rendre plus « scientifique » le processus de planification. Jusque-là, la planification, essentiellement urbaine, prise en charge par les architectes, était un exercice de planification physique et de design, plus perçu comme une affaire d’art et d’intuition. La planification rationnelle est une démarche procédurale qui se veut logique, cohérente et systématique. Elle se base essentiellement sur l’utilisation d’expertise et sur l’idée que « la science permet de guider l’action publique, d’éclairer les processus décisionnels et de résoudre les problèmes fondamentaux ». 34 En effet, au sortir de la seconde guerre mondiale, des organes de planification sont mis en place, tels que le Commissariat au Plan en France et le Bureau de programmation économique en Belgique en 1959 (qui deviendra le Bureau du Plan en 1970). Ceux-ci ont pour fonction principalement d’élaborer, en concertation avec les partenaires sociaux, les plans successifs qui constitueront un cadre de référence pour la politique économique, essentiellement industrielle à l’époque, qui vise à orienter les investissements vers les secteurs, perçus comme porteurs, et vers le développement des équipements collectifs. Au début des années soixante, on assiste à un essor de la planification dans les entreprises, stimulées notamment par l’existence de cadres de référence construits au travers des projections économiques des plans nationaux. Les entreprises s’attellent alors à ce qu’on a appelé pendant un temps aux Etats-Unis de la planification à long terme (long range planning), qu’on appellera ensuite planification d‟entreprise.35 Dès les années soixante, la planification rationnelle fait l’objet de diverses critiques relatives au poids des experts et à la non-prise en compte d’une série d’éléments : connaissances non scientifiques et non techniques, considérations substantielles (« besoins sociaux, environnementaux, iniquités, conflits, légitimité et communication »), incertitudes, imprévus et interactions sociales.36 Divers courants vont se constituer afin de pallier ces critiques en intégrant davantage les acteurs et leurs intérêts divergents (planification incrémentielle), la représentation des citoyens (advocacy planning), le choix collectif (planification communicationnelle). 

LA PLANIFICATION STRATEGIQUE

Parmi les courants apparus en réaction à la planification rationnelle, la planification stratégique tente de répondre aux besoins de conscientisation du public, de participation élargie et diversifiés, de prise en compte du milieu extérieur pour définir les actions à entreprendre, etc. 37 La stratégie ne fait pas non plus l’objet de définition stabilisée et unanime. La stratégie peut être définie comme « un plan, un guide, une ligne de conduite d’une action dans l’avenir. Elle peut également être vue comme un modèle ou un comportement cohérent dans le temps. En outre, elle peut être perçue comme une façon de faire, propre à une organisation ou encore comme une position adoptée par une organisation » 38 . Dans le sens le plus proche du concept de planification, elle est envisagée comme visant à « atteindre les objectifs fixés par la politique en utilisant au mieux les moyens dont on dispose » 39. Pris dans ce sens, une différence qui apparaît avec la planification (« concevoir un futur désiré ainsi que les moyens réels pour y parvenir » 40), est que cette dernière vise à prévoir les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs fixés, tandis que la stratégie se base sur les ressources et moyens existants pour définir les actions à mener, voire pour adapter les objectifs eux-mêmes. Cette différence s’estompe fortement lorsque l’on prend en considération le courant de planification le plus actuel présenté ci-dessous (la planification à long terme ou planification stratégique) qui prend en compte une évaluation de l’environnement externe mais également des forces et faiblesses intrinsèque à l’entreprise. La planification stratégique repose essentiellement sur le modèle SWOT (Strengths and Weakenesses, Opportunities and Threats). Selon ce modèle, « l’élaboration d’une stratégie découle de l’évaluation des menaces et des opportunités auxquels fait face une organisation ou une communauté dans son environnement (évaluation externe), et de l‟évaluation de ses forces et faiblesses (évaluation interne) » 41 . Ce courant, s‟il reste encore fort axé sur la communication entre décideurs et groupes en charge de la planification, met aussi en avant l‟importance du débat et de la participation du public. Au niveau des organisations privées, la planification d‟entreprise et la réflexion stratégique à long terme se développe aux environs de 1965 sous l‟effet de l‟accélération des changements (techniques, économiques), des forces d‟inerties internes et de l‟exigence de concertation au sein de l‟entreprise. En 1973, le choc pétrolier déclenche une vague de critiques et de scepticisme qui frappe alors tout effort de prévision et d’anticipation. Mais très vite, on se rend compte de la nécessité de gérer les incertitudes de l’environnement par la planification d’entreprise, du même coup rebaptisée planification stratégique.42 À partir des années quatre-vingt, la planification stratégique dans le monde de l’entreprise, face aux turbulences de l’environnement et au regain de libéralisme, laissera la place au management stratégique. 

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