LA RECHERCHE DE LA PERENNITE CONTRACTUELLE PAR LE JUGE

LA RECHERCHE DE LA PERENNITE CONTRACTUELLE PAR LE JUGE

L’INTERET CONTRACTUEL AU SERVICE DE LA PERENNITE CONTRACTUELLE

Longtemps conçu comme la chose des seules parties, le contrat ne pouvait être doté d’un intérêt propre. Toutefois, en raison de la valeur patrimoniale qu’il est susceptible de revêtir, le contrat s’est finalement vu doté d’un intérêt qui transcende celui des parties et conduit à rechercher sa pérennité. Traditionnellement reconnu en droit des sociétés (§1), le droit commun des contrats semble également progressivement reconnaître l’existence d’un intérêt contractuel digne de protection (§2).

LA RECONNAISSANCE TRADITIONNELLE DE L’INTERET SOCIAL

Bien que visé par quelques dispositions13, l’intérêt social ne fait cependant l’objet d’aucune définition légale. Il semble cependant possible de soutenir qu’il se distingue de l’intérêt commun des associés (A) et s’identifie à la pérennité de la société (B). 

L’AUTONOMISATION DE L’INTÉRÊT SOCIAL

La prétendue assimilation de l’intérêt social à l’intérêt commun. A suivre les volontaristes, le contrat n’a vocation qu’à satisfaire les intérêts des parties. La société étant considérée par le législateur comme un contrat, l’intérêt social doit alors nécessairement s’entendre de l’intérêt commun qu’ont les associés à se partager le bénéfice social. Et la confusion entre intérêt commun et intérêt social est au demeurant d’autant plus permise que l’article 33 du Code civil dispose que la société doit être constituée dans l’intérêt commun des associés et que la société doit être gérée dans l’intérêt commun des associés. 526. Appréciation critique. Cette confusion d’intérêts a longtemps dominé et a même connu un nouvel essor lors de la consécration de la société par actions simplifiée. Pourtant, elle ne semble pas correspondre à la volonté du législateur. Pourquoi, sinon aurait-il désigné sous deux vocables différents une même idée ? En outre, si l’article 33 du Code civil dispose que la société doit être constituée dans l’intérêt commun des associés, il n’entend en réalité proscrire que la rupture d’égalité de traitement et non la prise en considération d’autres intérêts. La dissociation entre intérêt social et intérêt commun semble au reste être corroborée par la jurisprudence qui requiert chacun d’eux afin de pouvoir caractériser l’abus de majorité ou qui accepte de sanctionner l’abus de bien social au nom d’une atteinte à l’intérêt social alors même que les associés auraient approuvé cette atteinte. Cela démontre bien sa volonté de protéger l’intérêt même de la société distinct de celui des associés.

L’IDENTIFICATION DE L’INTÉRÊT SOCIAL À LA PÉRENNITÉ DE LA SOCIÉTÉ

Les contours équivoques de l’intérêt de la société. A l’instar de l’école de Rennes, on peut d’abord soutenir que l’intérêt social correspond à celui de l’entreprise, c’est-à dire non seulement à l’intérêt des associés mais également à celui des créanciers, des salariés, de l’administration fiscale, des fournisseurs et des clients20. Plus qu’un contrat, la société apparaît comme une institution et, plus précisément, une technique juridique d’organisation de l’entreprise. En conséquence, son intérêt ne saurait être autre que celui de l’entreprise. Toutefois, hormis l’arrêt Fruehauf21 dont le contexte politique pouvait justifier la prise en compte d’intérêts tiers, la jurisprudence ne semble pas avoir retenu une conception aussi élargie de l’intérêt social. Ensuite, l’intérêt social peut être compris comme celui de la société elle-même. Distinct et supérieur à celui des membres qui la composent, il ne constitue pas une addition des différents intérêts en cause mais les transcende. Cette conception de l’intérêt social s’accorde parfaitement avec l’idée selon laquelle, dès son immatriculation, la société devient une personne morale qui échappe alors en partie aux associés pour devenir un sujet de droit autonome. Le contenu de l’intérêt de la société. Toutefois, la société personne morale n’étant que le fruit d’une construction intellectuelle, elle ne peut faire valoir et exprimer elle-même son intérêt personnel25. Partant, il importe de clairement identifier cet intérêt de la société qui dépasse tous les autres. A notre sens, il convient de l’assimiler à la pérennité de la société afin de satisfaire l’ensemble des intérêts en jeu. D’abord, celui des associés puisque la pérennité de la société leur permet de poursuivre l’objet social ; ensuite, celui des créanciers puisque la pérennité de la société leur permet de poursuivre leurs relations contractuelles ; enfin, celui des salariés puisque la pérennité de la société leur permet de conserver leur emploi. Le rapport Vienot26 proposait d’ailleurs de définir l’intérêt social : « comme l’intérêt supérieur de la personne morale elle-même, c’est-à-dire de l’entreprise considérée comme un agent économique autonome, poursuivant des fins propres distinctes notamment de celles de ses actionnaires, de ses salariés, de ses créanciers dont le fisc, de ses fournisseurs et de ses clients, mais qui correspondent à leur intérêt général commun, qui est d’assurer la prospérité et la continuité de l’entreprise ». Promouvoir la pérennité de la société par le truchement de l’intérêt social présente donc l’avantage de joindre des intérêts distincts. C’est dire si la distinction entre les différentes conceptions de l’intérêt social se révèle somme toute relative28. Puisque la recherche de l’enrichissement social réalise l’enrichissement de chacun des associés, elle s’accorde parfaitement avec la recherche de son efficacité durable. Dès lors, dissocier intérêt commun et intérêt social semble parfaitement inutile29. En effet, à long terme, les associés verront eux aussi leur intérêt satisfait par une distribution prolongée de dividendes. En somme, protéger l’intérêt social revient à satisfaire leur intérêt médiat. Le juge l’a d’ailleurs parfaitement compris31 et ne se limite d’ailleurs pas au seul contrat de société.

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