LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DE L’URBANISME

LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DE L’URBANISME

Le sort des travaux neufs irréguliers réalisés sur existant 668. Pour éviter toute forme d’anarchie immobilière, le Code de l’urbanisme soumet une série d’opérations portant sur l’utilisation du sol et l’aménagement urbain, à l’obligation d’obtenir une autorisation administrative. Cette mesure régit les opérations de construction et s’étend naturellement aux travaux sur existants. En fonction de la localisation7, de l’ampleur8 ou encore de la nature9 des travaux, certaines opérations de rénovation nécessitent la délivrance préalable d’une autorisation d’urbanisme. Cette autorisation a pour but de vérifier que le projet est conforme à la réglementation nationale et/ou locale en vigueur. Ce qui implique qu’en vertu du pouvoir d’appréciation dont elle dispose, l’administration peut s’opposer à la réalisation d’un projet, dès lors qu’elle l’estime contraire à ses prescriptions. 669. Cependant, comme le relève un auteur, le régime d’autorisation préalable ne permet pas de garantir le respect des obligations imposées par les pouvoirs publics0 . Cette insuffisance est en partie due au fait que toutes les constructions ne sont pas soumises à autorisation préalable. Par exemple, les travaux réalisés sur constructions existantes ne requièrent pas, en principe1, d’autorisation d’urbanisme, ce qui rend difficile l’exercice d’un contrôle de conformité a priori. Enfin, aussi surprenant que cela puisse paraître, il arrive que les autorités commettent des erreurs et délivrent une autorisation, alors que le projet n’est pas conforme à la réglementation. Ainsi, peut-on considérer que c’est en réponse à cette relative inefficacité du contrôle préalable administratif, que le droit de l’urbanisme a sans doute mis sur pied un système répressif. Ce système ayant fait l’objet d’importants remaniements2figure principalement aux articles L. 160-1 et L. 480-1 et suivants du Code de l’urbanisme, et constitue la raison d’être du droit pénal de l’urbanisme. À l’image de tout dispositif pénal, il suppose des éléments d’incriminations (Paragraphe 1) et des sanctions (Paragraphe 2).

Les incriminations relatives à l’exécution irrégulière de travaux neufs

Le droit de l’urbanisme retient quatre situations dans lesquelles une construction est considérée comme irrégulière : c’est le cas lorsque la construction a été édifiée sans l’autorisation requise3 ; lorsque le constructeur n’a pas respecté les termes de l’autorisation ou du titre qui lui a été délivré; lorsque l’autorisation obtenue a été retirée ou annulée en raison de son illégalité, et que l’existant n’a fait l’objet d’aucune régularisation ; en définitive l’existant est réputé irrégulier lorsque, soumis ou non à autorisation préalable, il contrevient aux règles de fond d’urbanisme . À première vue, peut-on penser que l’observation de l’une de ces hypothèses d’irrégularité rend impossible toute forme d’exécution des travaux. Aussi, il est clair que le régime applicable aux constructions nouvelles est transposable au cas des travaux lourds sur existant8. Bien que la projection de travaux illicites puisse léser des intérêts particuliers, elle constitue en tout état de cause, un trouble à l’ordre public. Par conséquent, l’intervention d’un juge pénal, à qui il incombe la tâche de caractériser l’infraction, s’impose. Après avoir dressé la liste des incriminations concernées (A), nous envisagerons leur caractère (B). A. Le champ d’application des incriminations . Le droit pénal de l’urbanisme abrite une multitude d’incriminations. Deux grandes catégories émergent avec force de son champ d’application : il existe dans un premier temps, une catégorie d’infractions dite générale (1), et dans un second temps, une catégorie d’incrimination un peu plus spécifique (2). 1- Les incriminations générales. De telles infractions peuvent être constituées à l’occasion de la réalisation des travaux nécessitant le respect d’un formalisme bien défini. C’est lorsque les travaux envisagés sur l’existant sont d’une importance assimilable à ceux d’une construction nouvelle, et requièrent le respect d’une obligation d’autorisation préalable. Sont principalement concernés, les travaux accomplis sans (a) ou en méconnaissance de l’autorisation qui a été obtenue (b). a) Les travaux exécutés sans autorisation 675. Aux termes de l’article R. 421-13 du Code de l’urbanisme, « les travaux exécutés sur des constructions existantes sont dispensés de toute formalité ». Cette disposition édicte le principe en matière de travaux sur existants0. Cependant, il existe des cas où l’exécution des travaux est soumise, soit à permis de construire, soit à déclaration préalable. En pareil cas, le constructeur ou rénovateur qui réalise les travaux, en l’absenc totale d’autorisation, commet une infraction. Afin de caractériser l’infraction, il revient au juge pénal de se prononcer sur les travaux en cause, et vérifier s’ils sont bien du type de ceux pour lesquels, un permis de construire ou une déclaration de travaux, était obligatoire. À propos du permis de construire : pour rendre son verdict, on peut imaginer que la juridiction répressive va se fonder sur les articles R. 421-14, R. 421-15 et R. 421-16 du Code de l’urbanisme, qui définissent précisément les travaux sur existants concernés. Il ressort de ces dispositions, que sont soumis à permis de construire : « les travaux ayant pour effet la création d’une surface hors d’œuvre brute supérieure à vingt mètres carrés » ; « les travaux ayant pour effet de modifier la structure porteuse ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s’accompagnent d’un changement de destination » ; « les travaux ayant pour effet de modifier le volume du bâtiment et de percer ou d’agrandir une ouverture sur un mur extérieur »; « les travaux nécessaires à la réalisation d’une opération de restauration immobilière au sens de l’article L. 313- 4 » ; les travaux projetés sur un existant situé dans les secteurs sauvegardés dont le plan de sauvegarde et de mise en valeur est approuvé ; enfin, « les travaux portant sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques ». C’est ainsi qu’on comprend pourquoi les juges ont pu estimer que des travaux de reconstitution de la toiture et d’une partie des murs de l’existant, devaient être soumis à permis de construire.Sur le terrain de la déclaration préalable : les travaux sur existants concernés par cette mesure, sont mentionnés à l’article R. 421-17 du Code de l’urbanisme. Il s’agit ainsi des travaux de ravalement ayant pour effet de modifier l’aspect extérieur de l’existant Nous ferons simplement le même constat que Monsieur Patrick E. Durand qui relève la difficulté de laquelle pourrait résulter la distinction entre les travaux de ravalement constituant des travaux d’entretien de l’existant, et ceux ne pouvant être qualifiés comme tel0. En outre, sont concernés par l’exigence de déclaration préalable, les travaux effectués à l’intérieur des immeubles situés dans le périmètre des plans de sauvegarde et de mise en valeur non approuvés ou en cours de révision. Il en est de même pour les travaux impactant les éléments identifiés comme présentant un intérêt patrimonial ou paysager. Enfin, sont assujettis à une déclaration préalable, les travaux créant une surface hors œuvre brute, comprise entre deux et vingt mètres carrés, ainsi que ceux visant à transformer plus de dix mètres carrés de surface hors œuvre brute, en surface hors œuvre nette.Néanmoins, il faut préciser que ces travaux ne peuvent impliquer de déclaration préalable, que s’ils ne se rapportent pas à un projet impliquant des travaux soumis à permis de construire. Si tel était le cas, l’ensemble de l’opération ne relèverait que du champ d’application du permis de construire. Autre précision d’importance, les travaux susmentionnés ne sont assujettis à permis de construire ou à déclaration préalable, que s’ils ne constituent pas des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires. Dans le cas contraire, il résulte de la réforme 2007, qu’ils soient dispensés de toute formalité .Toujours dans la logique des travaux réalisés sans autorisation, la constitution de l’infraction peut aussi résulter de la poursuite des travaux, après que l’autorisation initialement accordée par son auteur, a été retirée7, annulée8 ou s’est purement et simplement périmée9. En effet, la délivrance d’une autorisation d’urbanisme en amont du projet des travaux, n’exclut pas sa remise en cause, en aval. C’est donc naturellement que le juge pénal est tenu, en application des articles L. 480-3 et L. 480-4 du Code de l’urbanisme, de réprimer tous travaux envisagés postérieurement à la disparition de l’autorisation. À l’occasion d’une instance, l’article 111-5 du Code pénal confère au juge répressif le pouvoir « d’interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels, et en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui lui est soumis ». Une subtilité se dégage néanmoins de ce pouvoir, le juge pénal ne peut vérifier que si les conditions d’annulation étaient bien réunies . Il ne saurait en revanche statuer sur le bien-fondé de l’annulation ou de la suspension prononcée . L’incrimination générale est également constituée, lorsque l’auteur des travaux ne respecte pas le contenu de l’autorisation d’urbanisme qu’il a obtenue.

Les travaux exécutés en violation des prescriptions de l’autorisation délivrée 

Il résulte de l’article L. 480-4 du Code de l’urbanisme, que constitue une infraction « le fait d’exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 en méconnaissance […] des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable ». Ainsi, étant donné qu’une autorisation d’urbanisme est toujours délivrée par rapport à une opération bien précise, commet une infraction, celui qui ne respecte pas l’objet principal qu’elle vise. 681. Pour illustration, dans une décision du 11 février 1986, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que constitue une entorse aux prescriptions de l’autorisation, l’exécution de travaux d’une nature ou destination différente de celle prévue par le permis de construire . L’infraction résultant du non-respect des prescriptions de l’autorisation préalable peut également être constituée, lorsque les travaux exécutés par le maître d’ouvrage ne correspondent pas aux dimensions précisées dans le permis. Tel a été le cas dans une affaire vieille de vingt ans dans laquelle, un maître d’ouvrage avait fait réaliser un abri à outils dont la hauteur dépassait la limite fixée par le permis de construire  . La Cour de cassation a par ailleurs, considéré que commet une infraction pénale au sens de l’article L. 480-4 du Code de l’urbanisme, celui qui fait réaliser une terrasse ouverte, alors que le permis exige que celle-ci soit couverte par une toiture traditionnelle  . En marge des infractions générales, le droit pénal de l’urbanisme organise aussi la répression d’infractions plus spéciales.

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