LA RUPTURE UNILATÉRALE AUX RISQUES ET PÉRILS DE SON AUTEUR

LA RUPTURE UNILATÉRALE AUX RISQUES ET PÉRILS DE SON AUTEUR

Présentation

L’article 1212 de l’ Ordonnance du 10 février 2016 dans son alinéa 2 précise que « La responsabilité du contractant qui met fin unilatéralement au contrat ne peut être engagée qu’en cas d’abus ». Pour minimiser l’absence du recours préalable au juge dans la rupture du contrat et dans le but de protéger les parties, la jurisprudence a jugé nécessaire d’autoriser une rupture unilatérale du contrat, mais sous condition. En effet, ça sera aux risques et périls de son auteur et sa mise en œuvre est bien définie ( §1).   L’acte unilatéral comporte en lui un risque d’abus, un contrôle judiciaire même a postériori, serait la garantie de l’inexistence de tout risque d’illégalité et d’injustice. En matière de contrat à durée indéterminée – où la rupture unilatérale est autorisée- le juge contrôle le respect des conditions. Avec l’admission jurisprudentielle de la rupture unilatérale du contrat, le juge s’est vu sortir du jeu de l’anéantissement des liens contractuels. Il fallait trouver un moyen pour rétablir son pouvoir d’appréciation, donc un contrôle éventuelle et a postériori a été instauré afin de lui permettre d’avoir un rôle dans la procédure de rupture contractuelle. « Le juge perd certes son rôle d’ordonnateur de la résolution ; il garde néanmoins le pouvoir de contrôler après coup l’attitude des parties» 212;(§2), il se voit octroyer le pouvoir de valider la rupture et de retrouver ainsi son pouvoir de prononcer la rupture, mais d’une façon indirecte. § 1 – LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT DE RUPTURE UNILATÉRALE 128. Présentation.- La possibilité de rompre un contrat unilatéralement n’apparait dans aucun article du code civil, mais l’ordonnance du 10 février 2016, l’admet dans son article 1224. Il est précisé que « La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ( … ) ». L’arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 13 octobre 1998 constitue le point de départ d’une révolution en droit des contrats. Dans le droit positif français, cette révolution concerne en particulier la rupture des contrats. La jurisprudence a en effet admis que tout contrat peut être rompu unilatéralement, sans recours préalable au juge. On savait déjà dans notre développement précédent que les contrats à durée indéterminée, pouvaient être rompus unilatéralement, cette jurisprudence a englobé tous les contrats. Les juges, en admettant ce principe, n’ont pas laissé les choses au hasard. Ils ont posé un certain nombre de conditions d’application ou de mise en 212 N. RZEPECKI, note sous Cass. 1ère Civ., 13 octobre 1998, op.cit, p. 1416. 94 œuvre, afin que la rupture soit recevable et ne soit pas perçue comme abusive. Le droit de rompre unilatéralement un contrat n’est pas un droit absolu et une liberté d’exercice, il est encadré par certaines règles qui le régissent. La jurisprudence a posé en effet les bases de ce droit (A). D’un autre côté, elle a aussi mis en lumière le champ d’application du droit de rupture unilatérale du contrat, qui reste une procédure toute à fait nouvelle en droit positif français (B)

LES BASES DU DROIT DE RUPTURE UNILATÉRALE DU CONTRAT

Une base jurisprudentielle.- « Attendu que la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls » 213 . La chambre commerciale de la Cour de cassation a réaffirmé la position de la première chambre civile elle précise que « La gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important les modalités formelles de résiliation contractuelle »214 . Par cet arrêt, la jurisprudence vient de donner une légitimité et une base légale au droit de rupture unilatérale. Cela dit, la consécration du droit de rupture unilatérale remonte bien avant la jurisprudence Tocqueville. En effet, un juge du fond avait jugé qu’un vendeur pouvait rompre un contrat de vente unilatéralement devant le refus incessant de son acheteur de le payer215. Ce qui est tout à fait logique. Le refus de payer le prix justifie que l’autre partie mette fin, par un acte unilatéral au contrat conclu avec son client. Dans une affaire de 1979, la Cour d’appel de Colmar affirme qu’un concédant peut rompre un contrat conclut avec un concessionnaire d’une façon unilatérale si son partenaire « Manque si gravement et si durablement à ses obligations essentielles, que le concédant sous peine de subir un   préjudice irréparable par sa nature ou son ampleur, ne peut limiter sa riposte à l’exception d’inexécution » 216 . Dans une autre affaire, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait également reconnu qu’un contrat pouvait être rompu unilatéralement. En l’espèce, la Cour affirme qu’en cas de négligence ou d’incapacité d’achever les travaux, un maître d’œuvre pouvait alors rompre le marché signé avec une entreprise unilatéralement, si l’entreprise n’est pas en mesure de finir des travaux déjà engagés et que le délai prévu dans le contrat pour l’exécution avait expiré depuis plusieurs jours217 . La Cour avait donc affirmé que la  » Négligence et la désinvolture  » d’une partie à un contrat, constitue une justification légitime pour que l’autre partie rompe le contrat d’une façon unilatérale. Avec l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, la rupture unilatérale du contrat est devenue un droit pour les parties. Les rédacteurs de l’ordonnance ne se sont pas inspirés de la jurisprudence Tocqueville, dans l’admission de ce principe, en effet, si la jurisprudence exige un « comportement grave » de l’un des contractant, il semblerait que l’article 1224 de l’ordonnance ne mentionne en aucun cas le comportement des parties, mais, l’inexécution. L’article précise que la rupture unilatérale du contrat peut intervenir « En cas d’inexécution suffisamment grave, ( …) ». Mais là aussi, un flou subsiste, il n’existe aucune définition. On se demande quelle inexécution peut-on qualifier de suffisamment grave ? Ce manque de clarté rend au juge son pouvoir d’appréciation. Il lui revient alors, de définir si l’inexécution en cause, est suffisamment grave. L’ordonnance a tout de même suivie l’évolution de la pratique contractuelle, mais si le but était d’échapper à la lenteur des procédures judiciaires pour résoudre un contrat, il semblerait que ce but n’est pas atteint. Car le recours au juge serait toujours indispensable et il aurait fallu apporter plus de précisions, quant aux conditions de la rupture par notification.

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