La technique à partir des « objets techniques » et des activités les menant à existence

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Les dispositifs d’assainissement de Kanpur et Varanasi : deux éclairages complémentaires

Le choix de Kanpur et Varanasi est motivé par l’idée que leurs caractéristiques sont susceptibles d’apporter des éclairages complémentaires à la question du rôle des techniques dans les changements anthropiques. Ces villes sont historiquement des lieux de changements anthropiques importants et différents. Tandis qu’à Kanpur l’industrialisation massive au XIXème siècle et l’organisation de la population ouvrière dans des syndicats et des partis politiques de gauche témoigne d’une confrontation entre tradition indienne et occidentalisation, Varanasi est une ville qui a été un foyer important de l’ancrage de cette tradition indienne par un processus de traduction des croyances populaires disparates en great tradition, processus que McKim Marriott [1955] nomme universalization. Ces deux villes
Note aux lecteurs : à propos des références bibliographiques, le « e » précédent l’année d’édition signale que la date de publication du document est une réédition et si le lecteur souhaite connaître la date de première édition, il la trouvera dans la Bibliographie en fin de document. De plus, quand j’utiliserai une référence bibliographique sans l’avoir consultée directement, je le préciserai par une note de bas de page qui indiquera qui a cité ou mentionné le propos (exemple : 3 cité par V.T. Oldenburg [e1990, p.100]). Enfin, lorsqu’un propos s’appuiera sur le discours d’une personne interwiewée, la référence de l’entretien sera notée en bas de page. Cette référence sera mentionnée entre crochets et comprendre le code de l’entretien qui correspond à la date de l’entretien en commençant par l’année (exemple : [entretien 070809]). Ces références d’entretiens sont regroupées en présentent ainsi des configurations spatiales différentes par rapport au Gange, de sorte que les espaces en bordure de Gange sont mobilisés par des activités anthropiques différentes. À Kanpur, les habitations sont à distance du fleuve et les abords sont plutôt occupés par des industries, notamment des tanneries. À Varanasi, les bordures du fleuve sont aménagées avec des ghâts3, qui sont occupés quotidiennement par des habitants et des pèlerins pour effectuer leurs pratiques religieuses.
Ces éléments de contexte amènent à penser que les processus de mise en œuvre du GAP ont représenté des enjeux différents dans chacune de ces villes, ce qui éclaire les singularités de la question du rôle des techniques dans les changements anthropiques. L’intention de ce travail n’est pas tant de « comparer » ces processus dans le sens de produire des modèles, des idéaux-types, une typologie expliquant les raisons des ressemblances et des différences. Elle est plutôt de les « confronter », autrement dit de les avoir à l’esprit, de les mettre en relation ou en perspective en vue de renseigner la question posée de façon complémentaire.

Des controverses pour entrée méthodologique

Le choix de Kanpur et Varanasi est lié au fait que la mise en œuvre du GAP est l’occasion de vives controverses. Les controverses sont ici entendues dans le sens accordé par Cyril Lemieux [2007] comme « des situations où un différend entre deux parties est mis en scène devant un public, tiers placé dès lors en position de juge » [ibid., p. 195]. La présence de ce tiers explique selon l’auteur l’acharnement des confrontations, l’importance de l’explicitation des arguments des parties, leur souci de contrôle de l’agressivité et de maitrise des règles de bienséance en présence de ce public. Cette présence explique enfin le rôle instituant des controverses : « ils constituent ouvertement des moments de renversement potentiel des rapports et des croyances jusque-là institués » [ibid., p. 196].
En l’occurrence, ces controverses sont relatives aux solutions techniques d’épuration choisies pour les projets urbains, aux configurations spatiales des extensions de réseaux d’assainissement, mais aussi au fait que ce programme fait intervenir des acteurs internationaux et des techniques conçues et éprouvées sur d’autres continents. Le tiers sollicité est constitué d’une part de spécialistes (experts techniques, juges), d’autre part des habitants des villes concernées et même plus largement des citoyens indiens.
Or comme l’a souligné C. Lemieux [ibid.], l’analyse des controverses présente l’intérêt de cristalliser des moments particuliers de changements (ou au contraire de résistances aux changements), de sorte qu’elles sont des « occasions pour les acteurs sociaux de remettre en question certains rapports de force et certaines croyances jusqu’alors instituées, de redistribuer entre eux ‘grandeurs’ et positions de pouvoir, et d’inventer de nouveaux dispositifs organisationnels et techniques appelés à contraindre différemment leurs futures relations. » [ibid., p. 192]. De plus, les controverses sont méthodologiquement des occasions propices aux explicitations des intentions de changements anthropiques (des projets politiques et sociaux portés par les acteurs de ces projets urbains) et des enjeux soulevés (enjeux techniques mais aussi environnementaux, spatiaux, sociaux, culturels, religieux et symboliques). De ce point de vue, elles orientent également vers une manière de conduire la recherche qui privilégie « un choix de focale : une micro-histoire, une description ‘en profondeur’, et [d’]une démarche anti-rétrospective » [Pestre, 2007, p. 30].
C’est un aspect largement privilégié dans l’enquête de terrain. Celle-ci, principalement constituée d’entretiens menés auprès d’acteurs du GAP à Kanpur et Varanasi, a visé à retracer au plus près les évènements et les propos ayant un lien avec l’existence des dispositifs d’assainissement : les objets techniques, les individus et les organisations impliqués, leurs caractéristiques et relations, les cadres qui rendent possibles les actions et décisions, les opinions des acteurs quant aux solutions techniques choisies ou rejetées, aux autres acteurs, au GAP et au Gange. La restitution de ces enquêtes suivra ce souci de décrire de façon précise et documentée le cours des évènements ayant marqué l’existence des ces dispositifs urbains.

Plan de la thèse

Cette thèse est construite en six chapitres.
Le premier chapitre situe la problématique esquissée à grands traits dans l’introduction. Il vise aussi à définir les concepts clés mobilisés dans ce travail tout en argumentant les choix effectués. Le deuxième chapitre a pour objet d’expliciter le déroulement de l’enquête de terrain, en rendant compte non seulement des méthodes d’observations mobilisées, mais aussi des aléas et des difficultés rencontrées et des réorientations méthodologiques mises en œuvre pour les pallier.
Les trois chapitres suivants visent à présenter les résultats de l’enquête. Le chapitre 3 entreprend la description d’éléments contextuels nécessaires à la compréhension des modalités d’existence des dispositifs d’assainissement dans les villes étudiées : de la configuration organisationnelle de l’assainissement et du programme du GAP en particulier, aux caractéristiques du Gange, en passant par un historique des solutions techniques d’épuration des eaux urbaines.
Les chapitres 4 et 5 sont l’occasion de décrire de façon précise les chroniques de la mise en œuvre du GAP respectivement à Kanpur et à Varanasi. À Kanpur, cette chronique s’articule autour des enjeux associés aux activités des tanneries, tandis qu’à Varanasi, les préoccupations religieuses et culturelles liées au caractère sacré et pur du Gange suscitent des controverses virulentes.
Pour sa part, le sixième chapitre entreprend de montrer en quoi les techniques sont parties prenantes des changements anthropiques. Pour ce faire, il examine les dynamiques de changements relatives aux projets urbains d’assainissement à trois niveaux – politique, organisationnel et social.
Enfin, la thèse se conclut avec un modèle permettant de synthétiser les relations entre les entités des dispositifs urbains et en proposant des hypothèses relatives aux dynamiques de changements anthropiques et techniques à partir des modalités d’existence de dispositifs urbains.

Emploi des pronoms personnels dans l’écriture

Avant d’aller plus avant, il convient de préciser les modalités d’utilisation des pronoms personnels dans l’écriture de ce travail, qui peuvent paraitre étonnantes pour le lecteur. Les hésitations ont été nombreuses et ont finalement conduit à affirmer l’utilisation du « je ».
Ce « je » s’est tout d’abord avéré incontournable pour la rédaction du chapitre 2 relatif aux méthodes d’observation, en raison du caractère ethnographique de l’enquête de terrain. Il s’agit d’un « je » d’observatrice et non pas d’un « je » militant. Dans la mesure du possible, cette utilisation s’est accompagnée d’un souci du respect du principe de neutralité axiologique nécessaire à toute enquête de terrain de ce type.
Concernant les chapitres 1 et 6, ce « je » a été utilisé lorsqu’il était nécessaire d’affirmer des choix et des positionnements de recherche relatifs à des concepts et des résultats. En effet, même si ces choix et positionnements ont été argumentés sur le plan scientifique, il n’en demeure pas moins qu’ils restent personnels et à ce titre, sujet à discussions. Ce « je » a donc pour objectif d’expliciter aussi clairement que possible le point de vue adopté.
Enfin, le « nous » a été utilisé principalement lors des transitions de sections et de chapitres. Il vise à signifier le cheminement de lecture. Il associe à ce titre le lecteur, sans pour autant que son adhésion soit nécessaire et supposée.

Problématique

Les sociétés contemporaines connaissent des changements profonds des façons dont les individus et les sociétés conçoivent le monde et agissent. Or l’omniprésence d’objets techniques semble influencer ces façons d’être au monde. Aussi ce travail ambitionne d’interroger le rôle des techniques dans les changements à l’œuvre : que doivent les changements anthropiques aux techniques ? En quoi les dispositifs urbains sont-ils parties prenants des changements anthropiques ? Dans quelle mesure un programme d’assainissement tel que le GAP participe-t-il à des changements anthropiques tels que des modifications de structuration sociale des castes ? Ces trois questions, de la plus générale à la plus spécifique, constituent le cœur de l’interrogation visée dans cette thèse. Pour l’aborder, ce chapitre précise la problématique esquissée en introduction et présente le cadre théorique et les concepts mobilisés.
La première section présente tout d’abord des façons de considérer les techniques dans leurs relations aux activités anthropiques (1). La section suivante vise à présenter le concept de dispositifs urbains, leurs caractéristiques et les façons dont les descriptions et les analyses de leurs modalités d’existence sont envisagées (2). La troisième section vise à présenter les caractéristiques de structuration sociale par les castes qui amènent à penser que les modalités d’existences de dispositifs urbains d’assainissement en milieu urbain indien sont susceptibles de cristalliser des problématiques de changements anthropiques centraux (3).

Des visages de la technique

Des silex aux i-pods en passant par les arts martiaux, les réseaux de chemin de fer et la chirurgie, les techniques recouvrent des réalités extrêmement diverses, notamment en fonction des époques et des lieux. Selon qu’elles concernent la préhistoire, les sociétés traditionnelles ou les sociétés industrielles, elles sont étudiées par des disciplines variées – archéologie, histoire, anthropologie, sociologie, économie, philosophie etc. En portant leur attention sur des dimensions différentes, les chercheurs les appréhendent depuis divers points de vue.
Pour analyser le poids des techniques dans les changements anthropiques, il convient en premier lieu de définir, ou du moins d’esquisser leurs caractéristiques. Que sont les techniques ? Qu’est-ce qui les caractérise ? Comment aborder les techniques du monde contemporain ? L’objectif de cette première section est de présenter des visages de la technique permettant d’observer les relations et imbrications à l’humain de façon à pouvoir ultérieurement appréhender les dispositifs urbains. Dans un premier temps, l’attention est portée aux « objets techniques » (1.1). La technique sera ensuite envisagée comme manière d’agir indépendamment d’objets techniques, autrement dit comme caractéristique de l’agir humain (1.2). Ce regard permettra de revenir aux relations entre objets techniques et activités humaines en centrant cette fois-ci l’attention sur les manières de mobiliser des objets techniques dans l’action et en tenant compte du rôle des usages et des normes sociales (1.3). Enfin, la généralisation, dans les sociétés contemporaines, d’objets techniques interconnectés et nécessitant l’intervention d’organisations non plus seulement pour leur émergence, mais également pour leur fonctionnement, amènera à considérer la technique comme agencement d’entités hétérogènes (1.4).

La technique à partir des « objets techniques » et des activités les menant à existence

Les objets techniques comme prolongement de l’Homme et traces

Les activités liées aux objets techniques sont une caractéristique anthropique. Henri Bergson [e2003] considère même que la capacité de fabriquer des objets est ce qui permet de distinguer l’homme du règne animal et de caractériser l’Homo faber : « En définitive, l’intelligence, envisagée dans ce qui en paraît être la démarche originelle, est la faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils et d’en varier indéfiniment la fabrication.4 » [ibid., p. 88]. Cette vision est intéressante dans le sens où elle met en exergue l’importance de la technique dans les activités humaines, et plus généralement dans le rapport de l’Homme au monde.
S’appuyant sur cette capacité anthropique de fabriquer des objets, André Leroi-Gourhan [1964] va même plus loin en considérant que la technique est un moyen pour l’Homme d’extérioriser sa capacité d’action dans des objets ou outils, lesquels constituent alors une sorte de prolongement du corps humain : « Nous percevons notre intelligence comme un bloc et nos outils comme le noble fruit de notre pensée ; l’Australanthrope, lui, parait bien avoir possédé ses outils comme ses griffes. Il semble les avoir acquis non pas par une sorte d’éclair génial qui lui aurait fait un jour saisir un caillou coupant pour armer son poing (hypothèse puérile mais favorite de bien des ouvrages de vulgarisation) mais comme si son cerveau et son corps les exsudaient progressivement. » [ibid., p. 151]. Pour cet ethnologue et archéologue, tandis que les étapes menant à l’« humanisation » sont marquées par des changements morphologiques5, l’évolution ultérieure de l’homme ne s’effectuerait plus par la biologie mais par la technique, c’est-à-dire de façon extracorporelle.
Ainsi, pour A. Leroi-Gourhan, « l’infrastructure techno-économique » constitue l’autre face de l’existence des groupements humains, elle mérite à ce titre d’être au cœur des analyses sociologiques6. Ceci explique l’intérêt de l’étude des « objets techniques » pour comprendre les changements anthropiques mais cette approche ne permet pas en soi d’aborder les modalités par lesquelles des objets techniques émergent.
De plus, les objets techniques constituent des traces des activités anthropiques. C’est ce que souligne l’archéologie qui accorde une place centrale aux « objets ». Ils sont autant de traces matérielles des activités humaines passées et constituent le cœur de leurs investigations.
Si dans un premier temps, la discipline oriente ses recherches sur des objets relevant de l’art, les travaux de A. Leroi-Gourhan [1964] et plus largement la rencontre avec des ethnologues suscite un intérêt pour les objets techniques [Demoule, 1994]. Ces rapprochements stimulent des recherches visant la compréhension de la dimension sociale de ces objets, avec notamment les modalités de production, d’usage, de circulation et de rejet.
Concernant par exemple la production, l’analyse archéologique peut aller « jusqu’à identifier un artisan particulier (qu’il produise des pots, des outils de métal ou de pierre), ceci afin non seulement d’étudier les circuits de production et de distribution, mais aussi d’étudier les mécanismes d’apprentissage, les erreurs ou les écarts à la norme » [ibid., p. 19]. A propos de l’usage, elle permet de souligner l’existence de processus de recyclages des objets techniques, avec des successions d’usages au cours de leur existence : « fonctions successives d’un même outil, retaillé ensuite, s’il s’agit d’une matière rare, en outil différent mais plus petit ; fragments de poteries brisées utilisés comme rejetons, comme fusaïoles (poids à lester les fuseaux) comme matériau de construction dans un four ou un mur, ou même pilés pour dégraisser l’argile de nouvelles poteries » [ibid., p. 20].
Enfin, Jean-Paul Demoule souligne que l’émergence de nouveaux objets techniques au cours de l’histoire de l’homo sapiens est souvent plus signifiante socialement et idéologiquement que d’un point de vue utilitaire. Cette remarque va à l’encontre des approches fonctionnalistes des techniques, largement majoritaires, et amène d’emblée à considérer la dimension symbolique des objets techniques.
Pour A. Leroi-Gourhan, l’humanisation s’établit en plusieurs étapes mobilisant des modifications morphologiques. Tout d’abord, l’aquisition de la station debout permet la libération de la main des contraintes de motricité et rend ainsi possible la préhension et la fabrication d’outils. De plus, l’acquisition de cette fonction de préhension par la main permet par corrélation une libération de la face de la fonction de recherche de nourriture. La station bipède induit en outre une modification de la tenue de la tête sur le tronc, ce qui permet une augmentation de la surface de la voute cranienne et une augmentation du cortex cérébral. Ces phénomènes couplés favorisent le développement d’activités techniques et symboliques ainsi que du langage.
« Alors que Durkheim et Mauss ont luxueusement défendu le ‘fait social total’ ils ont supposé l’infrastructure techno-économique connu. Dans une telle perspective, toute la vie matérielle baigne dans le fait social, ce qui est particulièrement propre à montrer […] l’aspect spécifiquement humain du groupement ethnique, mais qui laisse dans l’ombre l’autre face, celle des conditions biologiques générales, par quoi le groupement humain s’insère dans le vivant, sur quoi se fonde l’humanisation des phénomènes sociaux. » [ibid., p.210-211]

Les objets techniques à partir de l’« intention »

Herbert Alexander Simon [e1996] s’intéresse pour sa part aux processus menant à l’émergence des objets techniques. Il les considère d’ailleurs comme des « artefacts », dans le sens où ils sont issus de la rencontre entre l’homme et le naturel. Ils sont des choses qui n’ont nulle dispense pour ignorer ou pour violer les lois de la nature. Mais elles s’adaptent aux buts et aux intentions de l’homme. Elles sont ce qu’elles sont afin de satisfaire son désir de voler ou de bien manger. Lorsque changent les buts de l’homme, changent aussi les artefacts… et réciproquement » [ibid., p. 29].
Aussi, H.A. Simon définit l’artefact à partir de deux aspects.
Tout d’abord, il provient d’une « intention » humaine et il se caractérise en conséquent par les buts qu’il permet d’atteindre, les fonctions qu’il remplit ou encore les besoins qu’il satisfait ;
De plus, il est issu d’un « processus de conception » allant dans le sens de cette intention et au cours duquel sont définis de façon itérative des objectifs, des alternatives et des décisions7.
Pour H.A. Simon, la conception se prolonge avec l’usage puisque celui-ci est l’occasion de changements d’intention pouvant induire des reconceptions de l’artefact. L’évolution d’un artefact relève en fait de l’activité du concepteur qui reconsidère l’artefact au regard de motifs externes (changements de besoins ou d’intentions, changements des artefacts avec lesquels il est en interaction) ou internes (par exemple un perfectionnement grâce à un changement d’architecture ou de matériau) [Forest, Micaelli, 2007].
Si cette approche apporte des outils fertiles à la compréhension des processus d’émergence des objets techniques par les « concepteurs », elle laisse dans l’ombre les autres acteurs qui prennent part à cette émergence et qui influencent les décisions et choix effectués.

Les objets techniques, constructions sociales

Les auteurs qualifiés de « constructivistes sociaux » s’intéressent aux objets techniques à un niveau beaucoup localisé, à la dimension collective et sociale des processus de décisions et des actions permettant l’émergence des objets techniques. L’approche dite Social Construction Of Technology (SCOT) proposée par Wiebe E. Bijker et Trevor Pinch [1987] consiste à analyser l’émergence d’objets techniques – qu’ils nomment artefacts – en tant qu’« alternation of variation and selection » [ibid., p. 28] à partir de rapports entre des groupes sociaux. Prenant l’exemple du développement des vélos, ils font ressortir l’importance de la façon dont certains groupes sociaux, qu’ils nomment « relevant social groups », font valoir leur perception d’un objet technique comme problématique – « meanings given to the artifact », et à partir de là, se mobilisent pour promouvoir un nouvel objet technique – une variante du précédent – qui réponde de façon plus adéquate aux problèmes qu’ils considèrent comme de prime importance. Le modèle consiste à faire ressortir l’émergence de variantes, leur abandon ou au contraire leur sélection.
Parmi les groupes sociaux clés dans l’existence de l’objet technique, il convient de distinguer les usagers, le plus souvent non organisés, de ceux qui conçoivent l’objet technique : ingénieurs, ouvriers, électriciens. Ces derniers – même s’ils sont également usagers dans d’autres situations – ont des perceptions des problèmes des objets techniques existants, notamment au regard de leurs usages. Soulignons en outre que les concepteurs d’objets techniques à l’époque contemporaine sont le plus souvent des groupes d’humains et non des individus isolés, à l’image de l’artisan8. Plus encore, les activités permettant l’émergence d’objets techniques sont même le plus souvent le fait d’« organisations »9, comme nous le verrons ultérieurement.
En fait, l’approche constructiviste fait ressortir les conflits entre les différents groupes sociaux qui s’intéressent à l’objet technique – conflits entre perceptions des problèmes, conflits entre fonctions techniques à prioriser, conflits entre valeurs d’usage à respecter – et elle éclaire les raisons de l’émergence de différentes solutions techniques, les tâtonnements, l’abandon de certaines, le choix d’autres. Toujours selon l’exemple mobilisé par W.E. Bijker et T. Pinch [ibid.], la sécurité et la vitesse peuvent être perçues comme des critères plus ou moins prioritaires selon les groupes sociaux considérés – entre les jeunes hommes sportifs et les autres, en particulier pour le genre féminin – suscitant des conflits entre deux tailles de roues avant – grandes pour les bicyclettes nommées « grand-bi » ou petites pour les bicyclettes « de sécurité ». De la même manière, l’impératif du port des jupes longues d’un point de vue moral au XIXème siècle pour les femmes entre en conflit avec l’intérêt technique du point de vue de la vitesse des bicyclettes « grand-bi ». Finalement, le problème de sécurité amènera progressivement à leur disparition.
L’intérêt de l’approche constructiviste réside enfin dans l’importance de la prise en compte de la capacité de ces groupes sociaux à faire valoir leur voix et droits ; capacité qui est liée à leur rôle du point de vue économique et social et à leurs relations à d’autres groupes sociaux incarnant différents types de pouvoir.
Toutefois, elle n’intègre pas les dimensions politiques de ces enjeux et les contraintes d’ordre réglementaire qui dans le cas des dispositifs urbains tout du moins, sont importantes.
Cette considération ne veut pas dire que les techniques des sociétés anciennes ou traditionnelles étaient exclusivement le fait d’individus, comme en témoignent les constructions des cathédrales. Il s’agit plutôt de souligner le fait que les historiens et anthropologues qui se sont intéressés aux techniques de ces sociétés n’ont que très peu pris en considération la dimension collective de l’élaboration des objets techniques.
9 Dans cette recherche, le terme « organisation » désignera les formes contemporaines d’associations d’humains qui visent un but défini et explicite. Il inclura indifféremment les entreprises, les consultants, les états, les administrations, les agences publiques, les acteurs politiques, les associations. Cette acception se distingue de celle de M. Weber pour qui ce terme renvoie à une union statutaire à laquelle les individus choisissent contractuellement d’adhérer, et qu’il distingue donc de l’État, lequel est associé au terme « institution » [Salvador, 2006]. En l’occurrence, le terme d’« institution » sera pour sa part mobilisé pour définir les types de règles qui participent à cadrer les actions des acteurs (2.4).

Les objets techniques porteurs de politiques

Langdon Winner [1980] s’intéresse à la dimension politique des objets techniques : Rather than insist that we immediately reduce everything to the interplay of social forces, it [the theory of technological politics] suggests that we pay attention to the characteristics of technical objects and the meaning of those characteristics. » [ibid., p. 123]. Il entreprend ainsi d’examiner dans quelle mesure les objets techniques « contiennent » des caractéristiques politiques.
Pour ce faire, il prend notamment l’exemple de ponts conçus à New York entre les années 1920 et 1970 par Robert Moses, dont la faible hauteur visait à empêcher le passage de bus, et plus précisément à établir une discrimination sociale et raciale : « Automobile-owning whites of ‘upper’ and ‘confortable middle’ classes, as he called them, would be free to use the parkways for recreation and commuting. Poor people and blacks, who normally used public transit, were kept off the roads because the twelve foot tall buses could not get through the passes. » [ibid., p. 124]. D’ailleurs, il souligne que la longue existence de ces ponts fait perdurer ces discriminations, allant bien au-delà de la durée de vie de son concepteur.
L’approche politique souligne le rôle de l’acteur et des objets techniques dans la construction du monde, dans le sens où ils participent à l’ordonnancement des activités humaines en rendant possibles des usages et en empêchant d’autres. Comme dans l’exemple évoqué, l’orientation des activités humaines par les objets techniques peut être intentionnelle. Mais cette orientation peut également ne pas avoir été prévue, explicitée ou du moins conscientisée. Ainsi, les difficultés d’accès à nombre de lieux d’utilisateurs handicapés sont moins dûes à une intention allant dans ce sens qu’à un manque de prise en compte des spécificités de ces utilisateurs.
Enfin, l’intérêt de cette approche est de proposer d’établir un parallèle entre les objets techniques et les lois dans le sens où tous deux participent à l’ordre social et politique de la société : « The issues that divide or unit people in society are settled not only in the institutions and practices of politics proper, but also, and less obviously, in tangible arrangements of steel and concrete, wires and transistors, nuts and bolts. » [ibid., p. 128].
Pour conclure, cette première sous-section a permis d’appréhender la technique à partir des objets techniques ». Elle a fait ressortir des caractéristiques de ces objets techniques : ils sont porteurs de « traces » des activités humaines pouvant participer à la compréhension de la société dans laquelle ils existent, mais aussi d’intentions des concepteurs et de projets politiques. Elle a évoqué l’idée que les activités visant l’émergence de ces objets techniques étaient des caractéristiques même de l’Humanité. Elle a enfin précisé que ces activités relevaient de processus de conception se prolongeant tout au long de leur existence, mais aussi de constructions sociales.
La sous-section suivante porte sur les activités anthropiques qui renvoient à la technique sans pour autant concerner des objets techniques, autrement dit des « manières d’agir ».

La technique comme « manière d’agir »

Les « techniques du corps » selon Marcel Mauss

Les « manières d’agir » peuvent concerner un objet technique ou non. En effet, Marcel Mauss [e2002a] estime ainsi que l’anthropologie fait l’erreur de considérer qu’il n’y a de technique que là où existent des objets techniques. Aussi envisage-t-il l’étude des techniques du corps », comme par exemple les façons de marcher ou de nager. Observant des similarités de ces façons d’agir au sein de sociétés ou groupes sociaux, il attire l’attention sur la dimension sociale des habitudes en introduisant le terme latin d’« habitus » : « Il ne désigne pas ces habitudes métaphysiques, cette « mémoire » mystérieuse, sujets de volumes ou de courtes et fameuses thèses. Ces « habitudes » varient non pas simplement avec les individus et leurs imitations, elles varient surtout avec les sociétés, les éducations, les convenances et les modes, les prestiges. Il faut y voir des techniques et l’ouvrage de la raison pratique collective et individuelle, là où on ne voit d’ordinaire que l’âme et ses facultés de répétition. » [ibid., p. 7].
M. Mauss définit la technique comme « acte traditionnel efficace » [ibid., p. 9], dans le sens où elle concrétise un acte individuel en accord avec le groupe. Plus précisément, l’ « acte » constitue le lien de l’individu au monde. L’adjectif « efficace » fait référence à l’évaluation de cet acte à la fois par l’individu et le groupe. Cette évaluation s’effectue au regard de critères construits socialement, car ils concernent les valeurs et normes partagées. L’adjectif « traditionnel » renvoie alors à la relation de l’individu porteur de l’acte à autrui par le langage – corporel, vocal, écrit – lequel permet un partage et une transmission entre groupes. Cette tradition est définie comme l’ensemble des savoirs de la société et considérée de façon dynamique, dans le sens où elle se trouve continuellement réactualisée, justement par ces relations de paroles et les actes.
En évacuant volontairement la matérialité de la technique et centrant l’attention sur l’agir, l’approche de M. Mauss stimule des travaux portant sur les théories de la « pratique ».

Techniques, habitus et schèmes

Le sociologue Pierre Bourdieu [e1994] travaille le terme d’« habitus » à partir d’une analyse de la société traditionnelle kabyle. Certes, ce travail ne porte pas sur l’agir technique en particulier, mais il le concerne. Ces habitus consistent en des dispositions incorporées lors de processus de socialisation qui relèvent de l’impensé et qui sont à la fois structurées par les expériences passées et structurantes des expériences présentes. Pour P. Bourdieu [ibid.], l’action s’effectue selon une confrontation entre ces dispositions et le contexte de la situation présente et l’action actualise ainsi les dispositions en stimulant celles qui sont les plus ajustées la situation. P. Bourdieu vise en somme à proposer une théorie de l’action qui se situerait dans une sorte d’entre-deux : entre d’une part une action libre à l’instar d’une improvisation, et d’autre part une action contrainte comme application d’une règle explicite.
Pour sa part, le psychologue Jean Piaget, permet, grâce à son concept de « schème » d’action ou de perception, de rendre intelligible la ‘boîte noire’ de l’organisation psycho-physiologique mobilisée lors des actions, autrement dit ce qui se situe entre « stimuli » et « réponse » : « Nous appellerons schèmes d’actions ce qui, dans une action, est ainsi transposable, généralisable ou différenciable d’une situation à la suivante, autrement dit ce qu’il y a de commun aux diverses répétitions ou applications de la même action. Par exemple, nous parlerons d’un ‘schème’ de réunion pour des conduites comme celle d’un bébé qui entasse des plots, d’un enfant plus âgé qui assemble des objets en cherchant à les classer et nous retrouverons ce schème en des formes innombrables jusqu’en des opérations logiques telles que la réunion de deux classes (les ‘pères’ plus les ‘mères’ = tous les ‘parents’, etc.) » [Piaget, 1973, pp. 23-24]10.
Mais ces schèmes ne constituent pas simplement un stock de types d’action dans lequel l’individu puiserait pour agir. J. Piaget les considère plutôt comme des instruments d’« adaptation » qui s’effectuent par le biais de deux fonctions à la fois opposées et indissociables : l’assimilation et l’accommodation. Dans les situations déjà connues et répétées par l’individu, le schème serait réactualisé par l’action, l’action participant alors à son assimilation. À l’opposé, dans des situations nouvelles, Piaget envisage la possibilité pour l’individu de créer des schèmes tout à fait originaux, par accommodation. Mais la plupart des situations se situent entre ces extrêmes : elles présentent des similarités avec les situations passées, tout en comportant des singularités. C’est alors que l’individu s’adapte à partir des schèmes : il mobilise des schèmes assimilés, et par accommodation, il peut les transposer (d’une situation à une autre), les coordonner (entre eux) ou encore les différentier dans le but de les rendre compatibles aux singularités de la situation.
Finalement, la combinaison de ces fonctions d’assimilation, et d’accommodation permet de mieux comprendre ce que P. Bourdieu nomme « actualisation », tout en soulignant la part de liberté et de créativité dont jouit l’individu dans l’action, et ce en rendant explicite les modalités par lesquelles l’individu rend son action singulière.
Bernard Lahire [e2001] souligne une limite de l’approche de l’habitus proposée par P. Bourdieu. B. Lahire critique sa façon de considérer les habitus comme homogènes et cohérents dans toutes les sphères de la vie sociale : « pour que l’on ait affaire à un acteur porteur d’un système de dispositions ou de schèmes homogène et cohérent, il faut des conditions sociales tout à fait particulières qui ne sont pas toujours réunies, et qui ne le sont même qu’exceptionnellement. Émile Durkheim, qui utilisait la notion d’habitus dans le sens d’un rapport au monde très cohérent et durable, évoquait ce concept à propos de deux situations historiques particulières : les ‘sociétés traditionnelles’ et le ‘régime de l’internat’. » [ibid., p. 27-28]. Cette limite est associée au terrain même d’investigation de P. Bourdieu, qui s’apparente finalement à une société traditionnelle où la plupart des activités sont partagées de façon similaire par l’ensemble de ses membres. Or, selon B. Lahire [ibid.], les sociétés contemporaines présentent des contextes sociaux et des situations d’actions multiples et différenciées11. L’individu, qu’il nomme « acteur pluriel », a été habitué à se trouver dans ces contextes variés et à se voir investi de positions distinctes : « fils ou fille », « écolier ou écolière », « père ou mère », « mari ou femme », « amant ou maîtresse ». Plutôt que d’être tout à la fois, il est, selon les lieux et les moments, successivement et alternativement les uns ou les autres. Cette pluralité de comportements selon les situations d’action renvoie finalement à la notion de « rôle », qui correspond à ce qui singularise l’individu, ce qui définit sa position sociale dans la situation. Au cours des processus de socialisation, l’individu a non seulement incorporé des schèmes d’action, mais il a aussi été habitué à mobiliser ceux-ci au regard de leur compatibilité avec les contextes sociaux et les rôles qu’il assure dans ceux-ci. Autrement dit, il a appris à adapter ses comportements aux situations d’action dans lesquels il peut se trouver, sans pour autant se sentir trop divisé par d’éventuelles contradictions entre ses différents comportements.
Cette approche des habitus hétérogènes selon les situations d’action sera fertile lorsqu’il sera question des activités d’organisations. Elle permettra d’appréhender les apparentes contradictions entre des actions d’individus selon que ces actions ont lieu au sein de l’organisation, ou bien dans des contextes sociaux où les habitus sont différents de ceux de l’organisation.
Pour terminer, l’appréhension de l’agir humain à partir des schèmes ou des habitus permet, selon Philippe Perrenoud [1976], d’évacuer la question de leur conscientisation par l’individu : ils sont mobilisés dans l’action sans que l’individu ait besoin d’en être conscient ou d’être en mesure de les verbaliser. En particulier, « la notion de schème n’exclut ni n’impose qu’il lui corresponde un schéma d’actions, par exemple une norme, au niveau des représentations » [ibid., p. 478]. Autrement dit, les schèmes ou habitus que l’on retrouve dans les « usages » ne renvoient pas nécessairement à des « normes » et des « valeurs ».
Pour autant, ces normes sociales d’action et ces valeurs existent et il est des domaines où elles sont particulièrement prégnantes. Aussi, la sous-section suivante va porter sur les questions d’« usages » et de « normes », en revenant aux « techniques instrumentées », autrement dit aux actions mobilisant des objets techniques.

Table des matières

INTRODUCTION
Le problème : techniques et changements anthropiques
Le Ganga Action Plan : un programme pour comprendre l’existence des dispositifs urbains
Les dispositifs d’assainissement de Kanpur et Varanasi : deux éclairages complémentaires
Des controverses pour entrée méthodologique
Plan de la thèse
Emploi des pronoms personnels dans l’écriture
CHAPITRE 1 PROBLEMATIQUE
1 DES VISAGES DE LA TECHNIQUE
1.1 La technique à partir des « objets techniques » et des activités les menant à existence
Les objets techniques comme prolongement de l’Homme et traces
Les objets techniques à partir de l’« intention »
Les objets techniques, constructions sociales
Les objets techniques porteurs de politiques
1.2 La technique comme « manière d’agir »
Les « techniques du corps » selon Marcel Mauss
Techniques, habitus et schèmes
1.3 Des usages normés des objets techniques
Quelles distinctions entre « pratiques », « usages », « normes » et « valeurs » ?
Influence des usages et des normes sur la conception, l’utilisation et la circulation des objets techniques
1.4 Des agencements d’entités hétérogènes
2 LES DISPOSITIFS URBAINS COMME CHAMP D’INVESTIGATION
2.1 Des dispositifs urbains : constitution matérielle et organisationnelle
Dispositifs : hybrides et entre-deux
Notion de « dispositifs urbains »
« Dispositifs techniques et spatiaux de l’urbain » de l’équipe EDU
« Dispositifs » plutôt que « systèmes » ou « réseaux »
2.2 Configurations spatiales et stratifications historiques de leurs objets techniques Spatialité
Durée d’existence
2.3 Des modalités d’existence des dispositifs urbains
2.4 Des « cadres d’action » des dispositifs urbains
2.4.1 Des rationalités de l’action
La pluralité des rationalités chez M. Weber
La rationalité limitée chez H.A. Simon
2.4.2 Influences des institutions sur l’action et typologie de règles chez W.R. Scott
3 LES CASTES, LES ENJEUX DE PURETE ET L’ASSAINISSEMENT URBAIN
3.1 Le pur et l’impur comme principe organisateur des castes
3.2 Les castes en milieu urbain contemporain
3.3 Les Ganga Action Plan cristallisateurs des problématiques de changement de structuration sociale des castes
Les brahmans, la pureté et le Gange
Les castes d’intouchables et la dépendance de la hiérarchie à la perpétuation de leurs activités
dégradantes
CHAPITRE 2 METHODES D’OBSERVATION
1 PREALABLE A L’ENQUETE DE TERRAIN : ELABORATION DES OBJECTIFS ET EXPLORATION
1.1 Un sujet d’urbanisme relevant d’approches multiples
1.2 Expériences en Inde antérieures à l’enquête de terrain
1.3 Préparation de l’enquête : définition de la question initiale et choix des terrains
1.4 Mission exploratoire et repositionnement de la question de recherche
2 LES DEUX VILLES ETUDIEES : VARANASI ET KANPUR
2.1 Des similitudes
2.2 Imbrication de l’histoire de Kanpur avec ses industries
2.3 Varanasi, ville traditionnelle et religieuse
2.4 Ville hétérogénétique versus ville orthogénétique
3 CONDITIONS DE L’ENQUETE DE TERRAIN : DIFFICULTES ET CREDIT
3.1 Enjeux de l’utilisation de l’anglais et de la présence d’un interprète
3.2 Enquêter en Inde en tant que femme européenne
3.3 Enquêter sur le Gange sacré en tant que non hindoue
3.4 Importance de la constitution d’un crédit pour les enquêtés brahmans
4 CONSTITUTION DE L’ENQUETE DE TERRAIN : OUTILS D’INVESTIGATION ET D’EXPLOITATION
4.1 Entretiens in situ ou en présence d’objets intermédiaires
4.2 Des entretiens avec des acteurs de l’existence des dispositifs d’assainissement
4.2.1 Prises de notes et journal de bord
4.2.2 Frises chronologiques
4.3 Des entretiens avec des utilisateurs des dispositifs d’assainissement
4.3.1 Des entretiens avec les employés de la station d’épuration UASB : interprétariat
4.3.2 Des Focus Group Discussions auprès de villageois
CHAPITRE 3 ÉLEMENTS DE CONTEXTE DES CHRONIQUES
1 TROIS POUVOIRS FACE AUX ENJEUX D’ENVIRONNEMENT
1.1 Émergence d’une législation pour la gestion des eaux usées en Inde
1.2 Répartition des responsabilités concernant l’assainissement urbain
1.3 Les Public Interest Litigation, outils de l’activisme judiciaire en matière d’environnement
2 QUELQUES CARACTERISTIQUES DU GANGE
2.1 Le Gange du point de vue symbolique et culturel
2.2 Le Gange du point de vue hydrologique et socio-économique
2.3 De la prise en compte de la pollution du Gange
3 LE GANGA ACTION PLAN
3.1 Origines du Ganga Action Plan
3.2 Objectifs du Ganga Action Plan
3.3 La configuration organisationnelle du Ganga Action Plan
4 LE PROBLEME DE L’EPURATION DES EAUX USEES URBAINES
4.1 Émergence du problème des « eaux usées » et de leur épuration en Europe
4.2 Hégémonie des procédés à boues activées et problème de cette solution dans les pays dits
en développement
4.3 Émergence d’une niche technologique : les stations d’épuration UASB
CHAPITRE 4 LE GANGA ACTION PLAN FACE AUX ENJEUX DES EAUX DE TANNERIES A KANPUR
1 L’EVOLUTION DES ACTIVITES DES TANNERIES COMME CRISTALLISATRICES DU PROBLEME ENVIRONNEMENTAL DES EAUX USEES URBAINES
1.1 Évolution de la production du cuir indien dans le contexte international
1.2 Évolution des activités des tanneries dans le quartier Jajmau de Kanpur
1.3 Tannage au chrome à Kanpur et pollution des eaux
1.4 État des lieux du dispositif d’assainissement au démarrage du Ganga Action Plan
2 PREMIERES PRISES EN COMPTE DES PROBLEMES DE POLLUTION DES TANNERIES
2.1 Projet non réalisé pour le traitement des eaux de tanneries
2.2 Les Public Interest Litigation de l’avocat M.C. Mehta
2.2.1 Le procès Mehta 1 contre les industries
2.2.2 Le procès Mehta 2 contre les municipalités
2.3 Premières actions d’Ecofriends et la Public Interest Litigation de Rakesh Jaiswal
3 INTENTIONS DU PROJET INDO-NEERLANDAIS DANS LE CADRE DU GANGA ACTION PLAN
3.1 Objectifs et démarche du projet indo-néerlandais
3.2 Expérimenter l’UASB à Kanpur
3.3 Expérimentations en vue de résoudre le problème des eaux de tanneries
4 ÉMERGENCE D’OBJETS TECHNIQUES DU DISPOSITIF D’ASSAINISSEMENT
4.1 Dispositif d’évacuation des eaux de tanneries
4.2 Dispositif de prétraitement des eaux de tanneries
4.2.1 Tentatives de généralisation des stations de récupération du chrome et de prétraitement dans les tanneries
4.2.2 Difficultés de prétraitement pour les micro-tanneries et CCRP
4.3 Dispositif d’épuration des eaux usées à Jajmau
4.3.1 Station UASB de « démonstration » pour les eaux usées domestiques
4.3.2 Station UASB pour un mélange d’eaux de tanneries et d’eaux domestiques
5 HIATUS ENTRE PROJECTIONS ET EFFECTUATIONS : RESISTANCES AUX CHANGEMENTS ET LIMITES DU DISPOSITIF D’ASSAINISSEMENT
5.1 Limites liées aux usages des tanneurs
5.2 Limites liées aux contrôles par l’UPPCB
5.3 Limites du dispositif au niveau de stations d’épuration
5.4 Incidences de ces limites en aval du dispositif d’assainissement
CHAPITRE 5 LE GANGA ACTION PLAN EN LIEU SACRE : CONFRONTATION DE PROJETS URBAINS A VARANASI
1 ÉMERGENCE DU DISPOSITIF D’ASSAINISSEMENT
1.1 Premiers objets techniques du dispositif d’assainissement pour l’évacuation des eaux usées
1.2 Développement urbain et premières mesures palliatives de la pollution du Gange
1.3 La première phase du Ganga Action Plan à Varanasi
2 ÉMERGENCE ET PRISE EN COMPTE DE LA PROTESTATION DE L’ONG SANKAT MOCHAN FOUNDATION
2.1 Critiques de SMF pour la première phase du Ganga Action Plan
2.2 Mahantji, entre technique et religion
2.3 Projet de l’UPJN pour la deuxième phase du Ganga Action Plan et insatisfaction de SMF 181
3 LE 74EME AMENDEMENT A LA CONSTITUTION INDIENNE ET SES INCIDENCES SUR LA DEUXIEME PHASE DU GANGA ACTION
3.1 Le 74ème amendement, aboutissement d’un projet de décentralisation
3.2 Incidences de cet amendement sur les dispositifs urbains d’assainissement
3.3 L’élaboration du projet de SMF pour la deuxième phase du Ganga Action Plan
3.4 Critiques du projet de SMF par l’UPJN et premières confrontations
4 CONFRONTATIONS DE PROJETS SUR LES SCENES JURIDIQUES ET POLITIQUES
4.1 Mobilisation de la PIL de Rakesh Jaiswal pour faire valoir le projet de SMF
4.2 Un nouvel acteur dans le jeu : la Japan International Corporation Agency
4.3 L’avocat N. Ravindran et le retour de l’activisme judiciaire
4.4 L’intervention du pouvoir exécutif national pour un projet hybride
CHAPITRE 6 DES TECHNIQUES DANS LES CHANGEMENTS ANTHROPIQUES
1 PROJETS URBAINS ENTRE TECHNIQUES ET POLITIQUES
1.1 Des intentions politiques aux techniques visant leur effectuation
1.2 Des confrontations de projets urbains à Varanasi révélant des projets de société rivaux
1.3 Projets d’émergence de réseaux d’assainissement en Europe et en Inde au XIXème siècle
2 IMBRICATIONS ENTRE OBJETS TECHNIQUES, ACTEURS ET CADRES D’ACTION DANS LES PROJETS URBAINS
2.1 Des procédés d’épuration associés à des valeurs et des idéologies
2.2 Des cadres d’action façonnés et instrumentalisés
2.3 Des acteurs aux stratégies fluctuantes, limitées et valorisées
3 DES CHANGEMENTS TECHNIQUES, SOCIAUX ET SYMBOLIQUES
3.1 De l’altération du pouvoir purificateur du Gange ?
3.2 Hiérarchie de castes versus hiérarchie industrielle dans les stations d’épuration
CONCLUSION
Modalités d’existence des dispositifs urbains
Constitution et institution des dispositifs urbains
Position centrale des acteurs individuels et collectifs
Pas de dispositifs urbains sans organisations
Dynamiques d’ajustement et de désajustement des dispositifs urbains
Perspectives de recherche
L’existence des objets techniques entre tendances et contingences
BIBLIOGRAPHIE
DOCUMENTS
SITES INTERNET
INDEX DES AUTEURS
LISTES DE TERMES UTILISES
CONCEPTS CLES
ACRONYMES
TERMES EN HINDI
ANNEXES
Annexe 1 – liste des entretiens
Annexe 2 – questionnaire pour les entretiens auprès des employés de la station UASB à Kanpur
Annexe 3 – questionnaire pour les focus group discussion auprès des villageois en aval de Kanpur
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