La visite : Vivre une interaction médiatisée

La visite : Vivre une interaction médiatisée

La question que l‘on se pose est de savoir quel est le type d‘expérience que vit le visiteur ? Comment s‘approprie-t-il l‘exposition ? Ainsi on peut se demander : de quoi s‘agit-il pour lui ? À quoi a-t-il affaire ? L‘exposition est-elle un objet ? Une expérience ou un exercice605 ? Une situation ? Un lieu ? Est-elle spécifique d‘autres lieux que le visiteur fréquente par ailleurs ? Ces questions incitent donc à analyser comment les visiteurs caractérisent leur expérience de visite à partir de la définition qu‘ils se donnent de ces lieux. La relation est-elle d‘ailleurs univoque ? S‘agit-il de donner un statut à un lieu pour décrire le type d‘expérience qu‘il offre ou est-ce à partir de l‘expérience que l‘on fait qu‘on est en mesure de reconnaître un lieu ? L‘enquête sur la fréquentation et l‘image des musées réalisée par le CREDOC, à la demande  l‘habitude d‘aller au musée607. Nos deux enquêtes montrent aussi que les visiteurs privilégient volontiers le registre cognitif pour qualifier le type de bénéfice retiré par la visite de musée. Néanmoins, nos analyses nous permettent d‘une part de montrer qu‘en amont du discours sur le type de bénéfice retiré, la visite est caractérisée comme l‘expérience d‘une situation de communication. L‘exposition y est qualifiée en tant que dispositif de communication et la visite en tant qu‘interaction médiatisée. L‘analyse des commentaires enregistrés au cours de la visite est un matériau précieux, car il renseigne sur la façon dont les visiteurs construisent leur description des objets, des espaces et surtout de leur propre expérience en tant qu‘expérience communicationnelle tout autant sensible que cognitive.

L‘analyse des commentaires des visiteurs tout au long de leur visite révèle que les visiteurs formulent très précisément la nature de l‘expérience qu‘ils sont en train de vivre en expliquant qu‘elle ne consiste pas en une rencontre avec des objets, mais une rencontre avec un dispositif qui leur propose de regarder des objets. L‘interaction avec les objets n‘est pas une interaction immédiate, elle est bien médiatisée par la présence de l‘exposition. On va voir comment se déploient cette prise de conscience et cette qualification de l‘expérience comme expérience d‘interaction médiatisée. D‘abord, la première section de ce chapitre montre que le recours à la figure du dialogue est structurant dans l‘analyse que font les visiteurs de leur expérience : il s‘agit bien d‘une relation entre le visiteur et des concepteurs qui bien qu‘étant anonymes ou non-présents physiquement, font bien partie de la situation de communication. Roland avait analysé cette question pour le texte de littérature en montrant que malgré « la mort » de l’auteur, le désir de le convoquer est au cœur de la lecture. Ensuite, la deuxième section et la troisième section du chapitre analysent que la description des objets par les visiteurs révèle qu‘ils sont toujours appréhendés dans la non-immédiateté. Ce dont parlent les visiteurs qu‘on les y invite ou pas, c‘est du geste de mise en exposition des objets, qu‘on appellera le geste expographique608. L‘épaisseur du média est ainsi confirmée à la fois par l‘intensité du travail supposé de la part des concepteurs et par le statut qui lui est donné de dispositif, en tant qu‘objet autonome ayant sa propre visée et organisant une expérience d‘un type particulier : configuration toujours connue, faisant l‘objet d‘une véritable culture médiatique, et en même temps, configuration inédite, explorée pour la  première fois609. Néanmoins, concernant la qualification l‘expérience de visite, et le type de bénéfice qu‘elle engage pour le visiteur, on se rend compte que les visiteurs jouent le jeu, suspendent leur incrédulité vis-à-vis de l‘illusion produite par l‘exposition (rendre absent le concepteur de l‘exposition) pour plonger volontairement dans un univers et bénéficier de l‘expérience d‘adhésion à un schéma narratif spécifique. C‘est peut-être la caractéristique de la visite, en  tant qu‘elle est expérience de l‘interaction médiatisée, d‘exploiter le jeu entre absence et présence.

L‘INTERACTION : LA FIGURE DU FACE-À-FACE ?

Dans cette première section, on souhaiterait montrer que la visite est décrite par les visiteurs comme une situation où deux instances se font face : les visiteurs eux-mêmes et un concepteur anonyme et absent, mais mobilisé et désiré de la part des visiteurs. Le dialogue comme forme d‘échange est une métaphore prégnante dans le discours des visiteurs, qui se déploie au travers de l‘utilisation de certains marqueurs linguistiques comme les pronoms, les adverbes de conclusion ou de reprise et de la reformulation et la synthèse constantes du propos. C‘est, enfin, la description par les visiteurs du travail interprétatif que la situation postule vis-à-vis d‘eux qui permet de comprendre comment les visiteurs caractérisent cette situation de face-à- face fictif.

 

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