L’acidocétose diabétique en milieu de réanimation

L’acidocétose diabétique, dont la prise en charge est pour l’essentiel bien codifiée depuis plusieurs décennies, reste d’actualité ; non seulement parce que c’est le mode d’entrée dans le diabète pour un pourcentage significatif de diabétiques de type 1, mais aussi parce que de nouvelles causes apparaissent, de nouveaux moyens diagnostiques se généralisent. [1] Elle résulte d’un déficit absolu ou relatif en insuline avec pour conséquence immédiate une hyperglycémie et une cétose, elle même responsable de troubles hydro-électrolytiques. [2] Une meilleure compréhension de la physiopathologie alliée à une prise en charge diagnostique et thérapeutique plus uniforme a permis une nette régression en Occident où sa mortalité varie entre 0% à 15% .[2,3] Cependant, l’acidocétose demeure un problème clinique majeur sous nos cieux. En effet, son incidence continue à augmenter et affecte des populations de plus en plus variées. La mortalité et la morbidité qui lui sont liées restent parlantes. [4,5] Notre travail se propose de faire une étude à propos de 34 cas d’acidocétose diabétique sévère hospitalisés au service de réanimation à l’Hôpital Militaire Avicenne de Marrakech, du Janvier 2010 à Décembre 2012. Les résultats épidémiologiques, cliniques, biologiques, thérapeutiques et évolutifs serontexposés dans un premier chapitre, puis comparés aux données de la littérature médicale. Au terme de la discussion, l’intérêt et la nécessité de la prévention de cette grande urgence métabolique seront soulignés.

Généralités 

Avant l’insulinothérapie, l’acidocétose diabétique aboutissait à un coma entraînant, en quelques heures, le décès. Avec les progrès actuels thérapeutiques et l’éducation des diabétiques, le terme de coma a pris un sens plus large désignant une acidocétose sévère [6]. On parle de décompensation du diabète ou d’acidocétose mais le terme de cétoacidose serait plus approprié car il y a d’abord cétose (production d’acétone) et ensuite acidose (production de déchets acides).

Rappel physiopathologique 

L’acidocétose diabétique est caractérisée par une accumulation de corps cétoniques dans l’organisme, conséquence d’une insulinopénie profonde absolue ou relative et de l’action concomitante d’autres hormones (glucagon, cortisol, GH et catécholamine). L’hyperglycémie, la lipolyse et la cétogenèse jouent un rôle prépondérant dans le développement de cette décompensation métabolique et des troubles hydro-électrolytiques et acido-basiques qu’elles engendrent .

Rôle de la carence en insuline 
L’insulinopénie est responsable d’une lipolyse adipocytaire accrue, libérant des acides gras (AG) dont le métabolisme hépatique produit des corps cétoniques et une augmentation de la production hépatique du glucose (néoglucogénèse, glycogénolyse) qui fournit du glucose aux tissus gluco-dépendants. Cette carence en insuline est absolue dans le diabète de type 1 (DT1) du fait de la destruction des îlots de Langerhans et relative chez le diabétique de type 2 (DT2) lorsque les besoins en insuline deviennent considérablement accrus (situation de stress, affection intercurrente…).

Excès des hormones anti-insuline 
Les hormones de contre régulation jouent un rôle important et synergique dans l’acidocétose diabétique. Leur excès réduit considérablement les effets biologiques de l’insuline.

a. Le glucagon est un puissant hyperglycémiant, il agit à trois niveaux sur le métabolisme hépatique :
• Activation de la glycogénolyse et inhibition de la synthèse du glycogène.
• Blocage de la glycolyse et activation de la néoglucogenèse.
• Activation de la cétogenèse.

b. Le cortisol stimule la lipolyse. Son action hyperglycémiante s’explique par :
• Augmentation des acides aminés précurseurs de la néoglucogenèse.
• Induction des enzymes hépatiques de la néoglucogenèse.
• Inhibition de l’utilisation périphérique du glucose.

c. Les catécholamines ont une action hyperglycémiante et lipolytique (effet ß). Elles stimulent la cétogenèse et inhibent la sécrétion d’insuline. Les catécholamines interviendraient particulièrement dans certaines agressions aiguës (infarctus, traumatisme, choc, stress psychologique), causes déclenchantes de la décompensation acidocétosique.

Hyperglycémie
L’hyperglycémie est la conséquence d’un excès de production de glucose en rapport avec l’absence de transport insulino-sensible du glucose dans le tissu adipeux et le muscle, la glycogénolyse hépatique (75 g/24h) et surtout la néoglucogenèse (125 g/24h) . En revanche, le rein est un organe clé dans l’élimination de cet excès de glucose, entraînant une polyurie osmotique et limitant en général à 4 g/l (22mmol/l) l’hyperglycémie en absence d’insuffisance rénale [19-21]. Tous ces phénomènes contribuent, à l’exception de la glycosurie, à élever la glycémie d’où diurèse osmotique, hypovolémie et déshydratation.

Lipolyse et cétogenèse 
La carence insulinique et l’excès d’hormones anti-insuline induisent un accroissement de la lipolyse, ce qui entraîne une libération des acides gras libres et du glycérol, qui au niveau du foie, sont oxydés en Acétyl-coenzymeA (Acétyl CoA). De toutes les voies de réutilisation de l’Acétyl CoA, la synthèse des corps cétoniques est la voie préférentielle [6,12,17]. Cette cétogenèse est fortement accrue par l’influx des acides gras vers le foie, mais aussi par l’accroissement de la concentration de l’Acétyl-carnitine-transférase (ACT) indispensable au transfert de l’Acétyl CoA du cytoplasme à la matrice intramitochondriale. L’activité de cet enzyme est sous la dépendance du taux de Malonyl CoA (substrat utilisé dans la lipogenèse), ainsi la diminution de sa concentration stimule l’activité de l’ACT, et par conséquent l’apport d’Acétyl CoA nécessaire à la formation des corps cétoniques [16,18,22]. La cétogenèse aboutit à la formation de l’acide acéto-acétique, l’acide bétahydroxybutyrique (par réduction de l’acide acéto-acétique) et l’acétone (par décarboxylation de l’acide acéto-acétique) [12,21]. Dans le plasma, les corps cétoniques sont totalement dissociés, ils peuvent être oxydés, décarboxylés ou éliminés par les urines : cétonurie responsable toute fois d’une perte accrue de potassium (K+) et de sodium (Na+). Leur accumulation et leur dissociation en anion et ion H+ sont responsables de l’acidose métabolique .

Acidose métabolique : 
L’acidose résulte d’une production importante d’acides cétoniques et leur accumulation dans le sang. Elle stimule les centres respiratoires (dyspnée de Kussmaul), favorisant ainsi l’élimination de l’excès en ions H+ et active les systèmes tampons intracellulaires qui échangent les ions H+ contre Na+ et K+ .

En l’absence de traitement précoce, l’acidose grave peut provoquer une dépression respiratoire et être responsable d’une diminution de la contractilité myocardique et du tonus vasculaire, entraînant un collapsus cardio-vasculaire aggravant d’éventuels états ischémiques (infarctus myocardique, attaque cérébrale), de même qu’une inhibition de l’excrétion rénale de l’acide urique responsable d’une hyper-uricémie .

Table des matières

INTRODUCTION
PATIENTS ET MÉTHODES
I. Type d’étude
II. Lieu et durée d’étude
III. Critères d’inclusion et d’exclusion
IV. Méthodes de recueil des données
RÉSULTATS
I. Epidémiologie
1- Fréquence
2- Age
3- Sexe
4- Profil évolutif de la maladie
5- Pathologies chroniques sous-jacentes
6- Service d’origine
II. Données Cliniques
1- Délai de prise en charge
2- Signes physiques
III. Données paracliniques
1- Examens biologiques
2- Examens bactériologiques
3- Examens radiologiques
4- Electrocardiogramme
IV. Facteurs déclenchants
V. Score de gravité
VI. Données thérapeutiques
1- Traitement médical
2- Ventilation artificielle
VII. Données évolutives
1- Durée d’hospitalisation
2- Complications
3- Mortalité
DISCUSSION
I. Généralités
1- Définition
2- Rappel physiopathologique
II. Epidémiologie
1- Fréquence
2- Age
3- Sexe
4- Profil évolutif de la maladie
III. Données cliniques
1- Délai de prise en charge
2- Signes physiques
2-1 Etat neurologique
2-2 Fréquence respiratoire
2-3 Fréquence cardiaque
2-4 Température
2-5 Autres signes physiques
IV. Données paracliniques
1- Glycosurie-Cétonurie
2- Glycémie
3- Profil électrolytique
4- Numération et Formule sanguine
5- Autres éléments biologiques
6- Examens bactériologiques
7- Examens radiologiques
8- Electrocardiogramme
V. Facteurs déclenchants
1- Causes infectieuses
2- Mauvaise compliance au traitement
3- Causes organiques
4- Autres causes
VI. Score de gravité
VII. Données thérapeutiques
1- Insulinothérapie
2- Réhydratation et apport électrolytique
3- Antibiothérapie
4- Prophylaxie anti-thrombotique
5- Alcalinisation
6- Ventilation artificielle
7- Epuration extra-rénale
VIII. Evolution
1- Durée d’hospitalisation
2- Complications
3- Mortalité
IX. Prévention
CONCLUSION

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