L’anthropisation des cours d’eau pressions et impacts environnementaux

L’anthropisation des cours d’eau pressions et impacts environnementaux

Les pressions anthropiques en général

L’Homme implanté près des cours d’eau en exploite les nombreuses ressources (eau, nourriture, graviers, potentiel hydro-électrique, voie navigable, aspects récréatifs…) tout en se protégeant des risques inhérents à ces environnements fluviaux (inondations, érosions latérales, pollutions, maladies…) (Downs et Gregory, 2004). L’intensité et la nature des pressions exercées sur les cours d’eau ont considérablement évolué à travers l’histoire, depuis les « sociétés hydrauliques » du Proche-Orient et de la Chine en activité il y a près de 5 000 ans (Wittfogel, 1956, cité par Downs et Gregory, 2004 ; Gregory, 2006). Les pressions indirectes portent sur l’occupation des sols et sur la structure du réseau de drainage du bassin versant. Ces paramètres déterminent les flux liquides et solides qui parviennent jusqu’au cours d’eau et façonnent la dynamique fluviale (Grosprêtre, 2011). L’urbanisation est ainsi devenue l’une des principales sources de perturbation anthropique des systèmes fluviaux depuis les années 1950 (Chin, 2006). Les pressions directes affectent le lit mineur et les berges. Il en existe trois types (Wasson et al., 1998) :  l’entretien : élimination de la végétation, nettoyage du bois mort… ;  les terrassements : extractions, curage, recalibrage, rectification, reprofilage ;  les ouvrages : barrages, seuils, épis, endiguements, protections de berges. Les cours d’eau ont le plus souvent été aménagés en combinant plusieurs de ces techniques. La chenalisation regroupe par exemple une variété d’opérations : curage, recalibrage, rectification, reprofilage, endiguements, protections de berges, entretien (Brookes, 1988). Ces interventions composites ont couramment été entreprises dans les projets d’aménagement à buts multiples qui ont vu le jour durant la première moitié du 20ème siècle dans certains grands bassins fluviaux mondiaux, par exemple sur la Tennessee River (Etats-Unis) et la Yellow River (Chine) pour la protection contre les inondations, la navigation et la production hydro-électrique (Downs et Gregory, 2004). Le Rhin supérieur, objet de la présente thèse, a été aménagé dès le 19ème siècle, comme la plupart des grands axes fluviaux européens (Danube, Rhône…). Il a subi des phases successives de chenalisation, de construction d’épis et de barrages. Nous présentons plus en détail ces trois types de travaux.

 Les travaux en rivière

La chenalisation

La chenalisation concerne tous les aménagements qui modifient le tracé en plan, la section en travers ou la pente, et qui visent ou aboutissent directement ou indirectement à une accélération des écoulements (Wasson et al., 1998). Cette intervention a été utilisée dans le passé principalement pour augmenter la débitance et protéger les terrains riverains contre les inondations. Elle a également souvent été entreprise pour améliorer la navigabilité, fixer les berges ou assécher les terrains pour l’agriculture, l’industrie et le développement urbain (Brookes, 1988). Les digues sont l’élément structurant de la plupart des travaux de chenalisation. Ouvrages longitudinaux s’opposant au passage de l’eau, leur première construction remonte à 4 000 ans, quand un ancien bras du Nil a été aménagé en canal afin d’irriguer des cultures (Bethemont, 2000). Les grands travaux de chenalisation des plaines alluviales européennes ont eu lieu essentiellement au 19ème siècle. La plupart des rivières alpines et périalpines adoptait alors un style en tresses, résultant à la fois de la détérioration climatique du Petit Age Glaciaire (1550-1850) et de la forte pression agro-pastorale exercée sur les bassins montagnards, ces facteurs ayant augmenté les débits liquides et accru la charge sédimentaire fournie par les processus de versants (Bravard et Peiry, 1993). Les travaux ont consisté à concentrer les eaux du lit majeur, parfois large de plusieurs kilomètres, en un chenal unique entre des digues de hautes et de basses eaux distantes de quelques centaines de mètres. Le Danube (Hohensinner et al., 2004), le Rhône (Poinsard et Salvador, 1993) et ses affluents, Drôme, Durance, Isère, Arve (Bravard et Peiry, 1993), ont ainsi été chenalisés, au même titre que le Rhin supérieur (Humbert et Descombes, 1985). 

Les épis

Les épis sont des ouvrages transversaux, ancrés dans la berge et barrant une partie du lit mineur. Leur fonction est de modifier les conditions d’écoulement (Degoutte, 2006). Sur l’Elbe (Allemagne) et la Waal (delta du Rhin), les premiers épis ont été construits aux 15ème et 16ème siècles pour favoriser la sédimentation dans des secteurs où les écoulements divergeaient, et ainsi gagner des terres agricoles (Weitbrecht, 2004 ; Middelkoop, 1997). Les épis peuvent également servir à protéger une berge de l’érosion (Degoutte, 2006). Sur les grands axes fluviaux européens, ces ouvrages ont principalement été employés pour améliorer la navigabilité. Par exemple, le profil en long du Rhône a été régularisé en adoptant un système de digues et de tenons (épis reliant les digues à la berge), puis en construisant les « casiers Girardon », combinant digues, tenons, épis noyés, plongeants et seuils de fond (épis noyés prolongés jusqu’à la berge opposée) (Poinsard et Salvador, 1993). La méthode intégrait les lois empiriques établies par Fargue sur la Garonne (Jamme, 1969). Ces techniques ont ensuite servi de modèle pour l’aménagement de la Loire (Olivier, 2004) et du Rhin supérieur au début du 20ème siècle (Humbert et Descombes, 1985).  

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