L’aspect juridique et économique de la libéralisation du secteur des télécommunications

Les secteurs d‟utilité publique (télécommunications, électricité, gaz,…) sont souvent présentés comme des monopoles naturels jusqu‟à 1984, dans les pays industrialisés.

LA THEORIE DE LA CONCURRENCE DANS LES ACTIVITES DE RESEAUX

La libéralisation des activités de réseaux tels que l‟électricité, le gaz, les télécommunications, le transport aérien dans de nombreux pays n‟est pas dans les années quatre-vingts une décision qui vient par hasard ou le résultat de l‟intuition des gouvernements, mais elle est bien justifiée par des théories économiques et notamment les théories concernant le monopole et la concurrence car ces industries étaient gérées par ce qu‟on appelle un monopole naturel, puis des changements sont survenus pour remettre en cause le modèle existant sur le marché des télécommunications et entrer dans une vague de déréglementation. Ainsi dans cette section, nous verrons c‟est quoi un monopole naturel ? Pourquoi les télécommunications relèvent-elles d‟un monopole naturel ? Et nous étudierons la théorie la plus répandue dans ce domaine celle de W.Baumol, et R.Wiling (1982). Et enfin pourquoi les Etats ont-ils décidé sa déréglementation ?

Définition du monopole naturel :

« Un monopole naturel est caractérisé par une fonction de coût sous-additive : à production (demande satisfaite) et à technologie donnée, le coût total supporté par le monopole est inférieur à la somme des coûts résultant de tout autre partage de la production, entre plusieurs unités distinctes » .

Ainsi, le monopole naturel étant la structure qui minimise le coût total d‟une production qui se décompose en une partie fixe indépendante du niveau de production et une partie variable, fonction du niveau de production. En raisonnant en unité produite, la partie fixe (coût fixe unitaire) est donc décroissante avec la production. La composante variable (coût variable unitaire) suit, pour simplifier, une évolution en deux temps : tout d‟abord décroissante avec le niveau de production (effet d‟apprentissage) puis croissante (coût de contrôle, de coordination…). Au total, le coût total de la dernière unité produite (coût marginal) est décroissant (la baisse du coût fixe unitaire prédomine) puis croissant (l‟augmentation du coût variable prédomine), ce qui correspond respectivement à des rendements croissants puis décroissants.

Par là, si la demande globale est nettement inférieure à la taille optimale (rendements croissants) le monopole est naturel. Donc, on dit qu‟il y a monopole naturel, lorsque pour tout niveau de production, le coût des facteurs utilisés est minimal lorsque la production est réalisée par une seule firme. Cette condition est nécessaire mais non suffisante. Pour qu‟il en soit ainsi, il faut que toutes les firmes susceptibles de produire des biens aient la même technologie et que leur coût moyen à long terme soit décroissant, c‟est-à-dire qu‟on ait des économies d‟échelle.

Dans la pratique, une telle décroissance du coût moyen est souvent liée à l‟existence de coûts fixes initiaux très élevés et à des coûts variables faibles sur tout ou partie du domaine de production réalisable ne provoquant pas une saturation des équipements mis en place. « On remarquera que la notion de monopole naturel se réfère à la fonction de coût et non au nombre d’entreprises en activité et les rendements croissants impliquent donc nécessairement monopole naturel ; en revanche, la réciprocité est inexacte car il peut y avoir monopole naturel bien que les rendements soient décroissants » .

Ainsi, selon les auteurs de la théorie des marchés contestables notamment Baumol, Panzar et Willing (1982), le critère qui préside au choix du nombre d‟acteurs au sein d‟un secteur repose sur la confrontation entre la fonction des coûts de ces acteurs et les quantités demandées.

Le monopole protégé :

L‟origine du monopole protégé dans les télécommunications émane généralement de la volonté du pouvoir public de contrôler cette activité. En effet, la puissance publique peut décider d‟assurer elle-même par le biais d‟un organisme public, les PTT, les services des télécommunications ou de les confier à une entreprise privée sous la forme d‟une concession, c‟est le cas par exemple d‟ATT aux Etats-Unis, on parle alors d‟un monopole protégé.

Le besoin des pouvoirs publics de contrôler les télécommunications s‟est traduit dans les pays européens et en voie de développement par les nationalisations de l‟industrie ; les buts de la nationalisation étaient divers : planifier le secteur afin d‟accélérer le développement et procéder à une équité territoriale vis-à-vis de la population rurale.

En revanche, les USA ont opté en faveur de la réglementation de l‟activité dont le but était d‟inciter le monopole à se comporter comme s‟il existait une concurrence, c‟est-à-dire de manière efficiente. Dans les deux cas, le but de la protection publique était d‟assurer simultanément « l‟efficacité allocative et l‟égalité redistributive »  , tout en empêchant l‟opérateur des télécommunications ou l‟organisme public d‟abuser de sa position monopolistique et en sanctionnant l‟entrée d‟autres opérateurs supposés néfastes pour le réseau.

Dans le premier cas, celui des monopoles publics, ils se régulaient eux-mêmes dans la mesure où il existe une collusion quasi complète entre les opérateurs et leur ministère de tutelle. Pour ce qui est de la réglementation, il convenait de soumettre le monopole à un système de contrôle et d‟incitation, garantissant sa bonne gestion ainsi que la prise en compte de l‟intérêt des utilisateurs.

Monopole naturel appliqué aux télécommunications : 

Si l‟histoire des télécommunications a, pendant longtemps, retenu comme modèle de développement des réseaux le modèle fondé sur le monopole naturel, ceci se justifie pour aux moins deux raisons :

– La première raison est liée à l‟indivisibilité de ce secteur, dans un domaine fort capitalistique, fort consommateur d‟investissements, il constitue notamment un secteur industriel caractérisé par des coûts fixes importants, des coûts des infrastructures au sein desquelles l‟existence de rendements croissants (dans les services notamment) est considérable. Ce qui a par conséquent, mis en évidence l‟existence d‟économies d‟échelle qui « pour être mobilisées, nécessitaient que furent confiées à un opérateur unique, la construction et l‟exploitation de réseaux de grande dimension intégrant trafic local et trafic interurbain en satisfaisant la demande au coût de production minimal et si au moins ils ne sont pas saturés.

En l‟absence de toute intervention extérieure, ce monopole qui bénéficie de la maîtrise de la quantité et des prix adoptera dans le but de maximisation de son profit, un plan de production et une politique de tarification qui seront pour sa part économiquement rationnels et non optimaux pour la collectivité. De cette façon, plus les frais fixes seront importants, plus la plage de production où les rendements (d‟échelle) sont croissants, sera étendue et plus la structure optimale du marché se rapprochera du monopole. Dans le cas contraire, les rendements décroissants sont en faveur de la concurrence.

Autrement dit, un monopole naturel sera soutenable dans la seule plage de production caractérisée par des rendements croissants.

– La deuxième raison est relative au souci d‟une offre universelle des services de télécommunications. Une telle raison a été à l‟origine, quel que soit le régime de concession retenu, de la célèbre notion de service public dont seul l‟Etat est supposé être en mesure d‟en défendre la philosophie et les finalités et d‟en imposer les obligations.

Tout au long de l‟histoire des télécommunications, les « obligations » du service public imposaient universalité, continuité et régularité (taux de pénétration pour le téléphone, interconnexion sans discrimination, péréquations tarifaires entre groupes d‟utilisateurs, etc).

Table des matières

Introduction générale
1/intérêt du sujet
– Le contexte de la recherche
– Le champ de la recherche
2/ La problématique et les hypothèses
– La problématique
– Les hypothèses à vérifier
3/ méthodologie de la recherche
4/ Structuration de la thèse
PREMIERE PARTIE : APERÇU SUR LA DEREGLEMENTATION DU SECTEUR DES TELECOMMUNICATIONS ET LES THEORIES DE LA DIFFUSION DES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES
Introduction
CHAPITRE 1 : L‟aspect juridique et économique de la libéralisation du secteur des télécommunications
Introduction
I/ La théorie de concurrence dans les activités de réseaux
1/Définition de monopole naturel
2/ Le monopole protégé
3/ Monopole naturel appliqué aux télécommunications
4/ La remise en cause du monopole naturel
5/ La contestabilité du monopole naturel
II/Survol historique sur la dérèglementation des télécommunications
1/ Définition de la politique de déréglementation
2/ Les modèles de la déréglementation
3/ Quelques expériences de libéralisation du secteur des télécommunications
3-1) Les Etats-Unis leader de la déréglementation
3-2) La Grande Bretagne, le leader en Europe
3-3) Les télécommunications au Japon
3-4) L’évolution de la politique communautaire dans le domaine des télécommunications
3-5) Le cas de la France
III/ La nécessité d‟une réglementation précise et d‟une autorité de régulation
1/ Les objectifs de la réglementation des télécommunications
2/ Le contenu de la réglementation (comment atteindre nos objectifs)
2-1) L‟interconnexion
2-2) La licence
2-3) Mise en place de la régulation
3/ La réaction des opérateurs historiques
CHAPITRE 2 : Quelques concepts clés des théories de la diffusion des innovations
Introduction
I/ Le contexte de la diffusion de l‟innovation
II/Quelques concepts clés dans la théorie de la diffusion des innovations et ses composantes
a) L‟adoption
b) La diffusion
c) L‟innovation
1/ Les caractéristiques d‟une innovation
a) L‟avantage relatif
b) La compatibilité de l‟innovation
c) L‟essai
d) L‟observabilité des résultats
e) La complexité
2/ Le processus de diffusion d‟une innovation
a) Prendre conscience
b) Intérêt
c) Evaluation d‟une innovation
d) Essai
e) Adoption
3/ types des adopteurs
a) Les innovateurs
b) Les adopteurs précoces
c) La majorité précoce
d) La majorité tardive
e) Les retardataires
4/ Les caractéristiques de l‟environnement social (la communication environnementale)
CHAPITRE 3 : Les caractéristiques de l‟industrie des télécommunications et les modèles les plus connus et utilisés pour analyser le processus d‟adoption d‟une innovation
Introduction
I/ Les caractéristiques de l‟industrie des télécommunications
1/ Effet de réseaux dans l‟offre et la demande des services de télécommunications
– Les effets externes positifs de réseaux dans les services de communication
– Les effets externes négatifs d‟encombrement : l‟exclusion et la tarification des heures de pointe
2/ Le phénomène de décollage retardé
II/ Les modèles les plus connus et utilisés pour analyser le processus d‟adoption d‟une innovation
1/ L‟école diffusionniste
– Le modèle de diffusion de Bass
– La théorie de la mass critique de Markus
– La théorie « Crossing the Chasm »
– La théorie de la diffusion de Rogers
– La théorie de la diffusion dans les systèmes d‟information (IS)
2/ L‟école comportementale
– The Logistic model
– Elaboration Likelihood Model
– Le modèle thresold (seuil)
– La théorie de l‟action raisonnée
– La théorie du comportement prévu (Theory of PlannedBehavior) (Ajzen)
– Le modèle de TAM (1989) (Technologie Acceptance Model ou le modèle del‟acceptation d‟une technologie
– Prolongement de la TAM : Le modèle de la TAM2
CHAPITRE 4 : Les modèles de diffusion des technologies de télécommunications, cas de la téléphonie mobile
Introduction
I/ La technologie et l‟environnement de diffusion
1/ Définition des télécommunications selon Michel VOLLE
2/ A single standard model
3/ Le modèle du Couple Hasard
II/ Etudes de la diffusion de la téléphonie mobile
1/ les caractéristiques d‟un pays
2/ les caractéristiques de l‟industrie du mobile numérique
a) le nombre des usagers
b) Nombre des opérateurs
c) Nombre des standards
d) Prix des services
3/ Les caractéristiques de l‟industrie du téléphone analogique
a) le nombre des usagers
b) Nombre des opérateurs
c) Nombre des standards
4/ Politique de régulation
4-1) La politique de standardisation
4-2) La politique de la concurrence (licence nationale, régionale ou hybride)
5/ La politique d‟attribution de licence
5-1) Le temps d‟entrée de la première licence
5-2) Le temps d‟entrée d‟une licence additionnelle
Conclusion de la première partie
DEUXIEME PARTIE : LA DIFFUSION DU TELEPHONE MOBILE EN ALGERIE
Introduction
CHAPITRE 1: L‟aspect juridique de la dérèglementation en Algérie
Introduction
I/ Le mouvement de libéralisation en Algérie
1/Le contexte de libéralisation des télécommunications
2/ Les réformes du cadre réglementaire pour préparer une ouverture progressive du secteur des télécommunications
II/ Les missions et les moyens de la réglementation des télécommunications
1/ L‟autorité de régulation : les missions et les moyens de la réglementation des télécommunications
1-1) Les compétences propres de l‟ARPT
1.1.1) La régulation ex-ante
a) l‟analyse des marchés
b) Le sondage sur la téléphonie mobile
c) L‟attribution et la gestion des ressources rares
1.1. 2) La régulation ex-post
a) L‟évaluation de la couverture et de la qualité de services des réseaux mobiles
b) Le traitement des saisines et l‟arbitrage entre les opérateurs des réseaux mobiles
c) La régulation des tarifs des communications de la téléphonie fixe
d) Le traitement des requêtes des opérateurs
e) Le traitement des requêtes des consommateurs
1-2) Ses Moyens
a) Ressources financières
b) ressources humaines
2/ Licence, autorisation, simple déclaration
2-1) Définition de la licence
a) De la phase préliminaire à la procédure d‟adjudication
b) La mise en œuvre de la procédure d‟adjudication
2-2) L‟autorisation
2-3) La simple déclaration
2- 4) L‟agrément
3/ L‟interconnexion
3-1) Définition de l‟interconnexion selon la loi algérienne
3-2) Les droits d’accès aux réseaux par les opérateurs et le catalogue d‟interconnexion
3-3) La tarification
3- 4) Le rôle de l’Autorité de Régulation en matière d‟interconnexion
Conclusion
CHAPITRE 2 : La concurrence entre les opérateurs algériens
Introduction
I/Le marché des télécommunications en Algérie
1/ Rappel de la situation des télécommunications avant la dérèglementation
2/Evolution du marché des télécommunications 2000-2012
2-1) La télédensité de la téléphonie fixe
2-2) La pénétration téléphonique chez les ménages
2-3) L’évolution des abonnés mobiles
II) Les acteurs du marché de la téléphonie fixe
1/ L‟opérateur historique, Algérie Télécom
a)Statut de AT
b) organisation d‟Algérie Télécom
c) La qualité de service
2/ Le nouvel opérateur du fixe
III/ Le marché du mobile GSM
1/ L‟opérateur historique, la filiale d‟ATM
– Statut d‟ATM
2/Orascom Télécom Algérie OTA, le premier opérateur prive Orascom
2-1) Statut d‟OTA
2-2) Offre de service d‟Orascom Telecom
3/ Le deuxième opérateur privé Wataniya Télécom Algérie WTA
3-1) Statut de WTA
3-2) Offre et service de Wta
CHAPITRE 3: Méthodologie, déroulement de la recherche et analyse des résultats
Introduction
I/ Proposition d‟un modèle à appliquer dans le cas algérien
II/ Description de la méthodologie de recherche
1/ Exploration de la littérature
2/Exploration du terrain
2-1) Choix du type d‟étude de terrain
2-2) Le questionnaire
2-3) L‟échantillon
2-4) Administration du questionnaire
2-5) L‟analyse des données
III/ Traitement et analyse des résultats
1/ Les caractéristiques de la technologie
1-1) Services utilisés
1-2) Circonstances d‟achat d‟un téléphone mobile
2/ Les caractéristique d‟un pays
2-1) Revenu par tête
2-2) Développement de l‟infrastructure
2-3) Effet de l‟expérience externe
2-4) Effet de l‟expérience interne
3/ Les caractéristique de l‟environnement social
4/ Les caractéristiques de l‟industrie
4-1) Le nombre d‟abonnés
4-2) Nombre des opérateurs
4-3) Nombre des standards
4-4) Prix des services
4-5) Délai d‟entrée du deuxième opérateur privé
4-6) Concurrence
4-7) Couverture géographique
5/ Les caractéristique de l‟environnement juridique
IV/ Le modèle de diffusion de la technologie de la téléphonie mobile
-Discussion des résultats
Conclusion générale 

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