Le rôle et la situation des femmes dans la société française
Les femmes vivent depuis des siècles sous l’autorité masculine, et les droits des femmes ont été beaucoup discutés par rapport à la législation. On a cherché à reconnaître la femme comme un individu. La Révolution française a mené à la question des différences entre les hommes et les femmes, et de l’inégalité qui existe. Une question importante touche les libertés civiles11. Qu’est-ce que la femme? La réponse: « un être de second rang si elle n’est pas mariée, et si elle est mariée, un être mineur et incapable»12.
Le Code civil napoléonien de 1804 montre l’inégalité entre les deux sexes et les rôles auxquels ils doivent obéir. « La femme est donnée à l’homme pour avoir des enfants, elle est sa propriété, comme l’arbre à fruits est la propriété du jardinier. […] le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari.»13 Une femme doit choisir le mariage, sinon elle est considérée comme un parasite. Dans la société patriarcale, la femme a un seul rôle, celui d’épouse et de mère, et cela est devenu le rôle traditionnel des femmes. Dans l’entre-deux guerres, sous le régime de Vichy, le modèle de la femme au foyer est celui qui règne en France. « La mère est la gardienne du foyer, elle est le dépositaire de l’amour. Les femmes ne peuvent alors s’accomplir que dans la maternité, seule destinée socialement possible pour elles »14. La mère est responsable de la santé de l’enfant, mais le père est le seul à pouvoir prendre les décisions importantes qui concernent l’enfant et la famille.
Ce n’est qu’à partir des années 60 qu’on voit une progression des conditions des femmes. En 1965, elle obtient le droit de demander à son mari la permission de travailler et d’exercer une vie professionnelle 15 . Les révoltes de mai 1968 marquent beaucoup l’histoire. Les étudiants se révoltent pour que les femmes aient le droit au travail et à l’égalité des salaires, etc. Avec la permission de travailler et de passer des examens, la femme devient de plus en plus établie sur le marché du travail. Or, bien que la femme obtienne le droit de travailler, elle est encore soumise à l’homme, et désormais au contact avec des problèmes dont le plus grand est l’inégalité entre les hommes et les femmes. Le salaire de la femme est plus bas que celui de l’homme, et bien que la femme puisse ouvrir son propre compte en banque, elle n’est pas obligée d’aider son mari avec les dépenses de la famille, car le mari est celui qui doit subvenir aux besoins de la famille16.
Il reste encore beaucoup de progrès pour que la femme puisse se voir comme libre et pour que les conditions des femmes soient en égalité avec celles des hommes. La lutte pour la liberté des femmes est menée par le MLF (Mouvement de libération des femmes) qui a été fondé en 1970 et qui a actualisé la question de l’égalité des femmes17. Dans Le Deuxième Sexe (1949), Simone de Beauvoir avait déjà présenté les côtés négatifs de la société patriarcale et le rôle de victime qu’avait la femme. Son œuvre est devenue le point de départ pour les féministes du monde entier, et en 1972, elle rejoint elle-même le mouvement.
Analyse
La vie d’épouse
Laurence dans Les Belles Images
Laurence est une femme moderne qui est mariée depuis plusieurs années avec Jean-Charles. Les époux se connaissent bien et leurs amis les décrivent comme un beau couple. Or, depuis quelques mois, il y a un autre homme dans la vie de Laurence, son amant, Lucien. Laurence vit dans une société bourgeoise où elle exerce également une profession. Elle a tout ce dont elle a besoin, mais elle éprouve depuis quelques années une difficulté à trouver un heureux équilibre dans sa vie. Laurence et Jean-Charles se sont mariés jeunes, et ils ont vécu une vie heureuse ensemble. « Il n’a pas beaucoup de défauts, somme toute […] et quand ils roulent, côte à côte, elle a toujours l’illusion – bien qu’elle ne donne pas dans ces panneaux – qu’ils sont ’faits l’un pour l’autre’» (LBI, p. 86-87). Or, après quelques années de vie commune, Laurence a commencé à regarder son mari d’une autre façon.
Laurence examine Jean-Charles. Elle aime rouler à côté de lui. Il regarde attentivement la route, et elle voit son profil, ce profil qui l’émouvait tant il y a dix ans, qui la touche encore. De face, Jean-Charles n’est plus tout à fait le même – elle ne le voit plus de la même manière. (LBI, p. 20)
Bien que Laurence tienne encore fort à son mari, elle a pris un amant, Lucien. La raison pourquoi Laurence s’est décidée à prendre un amant n’est pas très claire, mais le fait de s’engager avec un autre homme, soit pour des raisons sexuelles, soit pour l’entente psychologique montre que la relation entre les époux a changé.
Peut-être l’infidélité de Laurence est-elle basée sur le changement de ses sentiments pour son mari, et sur le manque de passion dans leur mariage: « Après dix ans de mariage, entente physique parfaite. Oui, mais qui ne change pas la couleur de la vie. L’amour aussi est lisse, hygiénique, routinier » (LBI, p. 27). Le sentiment d’avoir quelqu’un d’autre qui tient à elle peut également être important, et quelque chose dont elle a besoin: « De nouveau, il y a dix-huit mois, avec Lucien ; le feu dans mes veines, et dans mes os cette exquise déliquescence. Elle se mord la lèvre » (LBI, p. 22). Lucien lui donne la passion qui lui manque, et Laurence n’arrive pas à imaginer une vie sans Lucien. «’Pourquoi Jean-Charles plutôt que Lucien?’», se demande Laurence […]. Elle sait bien que Lucien va finir par se détacher d’elle et qu’il en aimera une autre. Elle y consent et même à la longue elle le souhaite » (LBI, p. 65). Peut-être, ce serait mieux si Lucien la quittait, car cela signifierait la fin de sa relation avec lui. Donc, Laurence n’aurait plus raison de mentir à son mari. Il n’y aurait plus de secret, seulement un passé dont on ne parlerait jamais. Laurence pourrait commencer un nouveau chapitre où elle serait fidèle à son mari. Or, si Lucien la quittait, cela ne signifierait pas que le mariage des deux époux serait meilleur qu’auparavant, quand ils étaient jeunes. Le fait que Laurence est infidèle a des causes plus profondes que le changement de ses sentiments et le manque de passion dans sa vie.
Au début de son mariage, Laurence était très amoureuse, mais également aveugle. Elle ne pouvait ni savoir comment la relation allait se dérouler, ni comment chacun dans la relation allait changer. Elle avait l’idée d’un amour éternel, et elle ne croyait pas que ses sentiments pour son mari allaient changer. Laurence exprime très tôt qu’elle est une image dans une société où les gens sont devenus des produits. Chacun joue le rôle de quelqu’un qu’il n’est pas, et tout ce qui compte est la réussite et l’argent. Simone de Beauvoir dit à propos des Belles Images et le personnage principal, Laurence: J’ai repris un autre projet : évoquer cette société technocratique dont je me tiens le plus possible à distance mais dans laquelle néanmoins je vis […]. J’ai choisi comme témoin une jeune femme assez complice de son entourage pour ne pas le juger, assez honnête pour vivre cette connivence dans le malaise »18. La société technocratique représente le temps moderne qui se caractérise par les technologies nouvelles, par la compétence technique et par la richesse. La recherche éternelle du luxe influence beaucoup la vie quotidienne des personnages, mais surtout l’amour et la façon d’aimer.
Laurence exprime la complexité de l’amour qui a changé entre les époux et comment la société a influencé leur vie sentimentale. Dans un monde où personne ne semble pouvoir ni exprimer ses sentiments, ni montrer son vrai moi, Laurence se sent déçue des gens qui l’entourent, mais surtout de l’amour. Elle dit au sujet de sa sœur et du mari de celle-ci: « Je crois que ma sœur a perdu pas mal de ses illusions sur Bernard. Elle ne l’aime plus d’amour. – Et lui? – Il ne l’a jamais appréciée à sa vraie valeur. Aimer d’amour, vraie valeur. Pour lui ces mots ont un sens » (LBI, p. 35). Laurence trouve qu’il est important d’aimer, mais la société dans laquelle elle vit montre que cela n’est pas toujours le cas, même pas dans le mariage. L’amour n’est plus aussi présent qu’auparavant. Bien que Jean-Charles aime Laurence, il ne lui donne plus la même tendresse qu’auparavant; il est trop préoccupé par la réussite sociale.
De toute façon le temps ne coulera ni plus vite ni plus lentement Jean-Charles invente un avenir qui ne se réalisera peut-être jamais. (LBI, p. 41)
L’affection dans la relation entre Laurence et Jean-Charles est remplacée par la recherche d’un certain statut social que tout le monde peut admirer. L’amour entre les époux se montre de l’extérieur sous la forme d’une belle image, mais personne ne sait ce qui se cache derrière. Cela est, selon Simone de Beauvoir, la faute de la société technocratique, personne n’aime plus ni d’amour ni pour les vraies raisons, car l’amour est remplacé par la vie quotidienne et par d’éternelles recherches d’être quelqu’un qu’on n’est pas.
Au fur et à mesure que les époux montrent leurs défauts, la société intervient et la vie devient différente, car chacun assume son rôle dans le mariage. Dans la société patriarcale, le mari est celui qui est chargé de prendre les décisions pour la famille, et la femme doit accepter ce que l’homme décide. Jeune, Laurence ne pouvait pas savoir que la société allait devenir un problème pour son mariage, et que son mari aurait l’autorité dans les décisions importantes. Un exemple de cette autorité se voit dans le conflit qui concerne Catherine, leur fille. Les époux ne sont pas d’accord sur la façon de résoudre le problème avec Catherine.
Ne pensez-vous pas que Laurence s’inquiète pour rien? demande Jean-Charles […] Tu ne peux tout de même pas tout contrôler. […] Il n’y a pas lieu de prendre au tragique une petite crise de sensibilité. (LBI, p 39)
Il est normal d’avoir des opinions différentes, mais dans ce cas, les opinions de Laurence ne valent pas grand-chose, et elle doit céder à ce que veut son mari. Jean-Charles ne prétend pas être celui qui prend les décisions, mais cela est sous-entendu, et Laurence le sait. Elle n’a pas assez de pouvoir pour influencer la décision qu’a prise son mari d’emmener Catherine chez une psychologue. Elle essaie de comprendre sa décision: « Laurence voudrait penser que Jean-Charles a raison » (LBI, p 39).
L’homme doit prendre toutes les décisions décisives dans une question importante. C’est la société patriarcale qui veut cela. S’engager dans une relation avec Lucien peut être une façon pour Laurence de maintenir une certaine autorité, un contrôle, car elle est celle qui décide du moment où ils vont se voir et passer la nuit ensemble.
C’est elle qui a décidé de prendre un amant. Donc, elle a une certaine autorité dans cette relation, mais cela n’est qu’une illusion, car Laurence sait à l’intérieur d’elle-même que la seule raison pour laquelle elle prend toutes les décisions dans la relation avec Lucien est que c’est elle qui prend le plus grand risque, et non Lucien. Ses enfants et son mari peuvent facilement commencer à avoir des soupçons. « – Comment? tu ne restes pas dormir ici? – Les enfants sont trop grandes, ça devient dangereux. – Oh! Je t’en prie. – Non » (LBI, p. 61). Malgré le grand risque, Laurence ne veut pas perdre sa relation avec Lucien, car elle se sent vivante, et peut-être pour un seul instant avec lui, elle éprouve la passion, l’affection, et ne se sent plus comme une image.
Monique dans La Femme rompue
Monique est femme au foyer, mariée avec Maurice. Les époux ont vécu une vie heureuse ensemble, et elle ne peut pas imaginer un autre mode de vie, car elle a fondé son identité sur l’amour de Maurice qui n’est pas seulement son mari, mais également son meilleur ami. Il lui donne tout ce dont elle a besoin en amour, à la fois physiquement et mentalement. Or, après avoir appris l’infidélité de Maurice, Monique a des difficultés à se retrouver elle-même.
Sans son mari, Monique éprouve des sentiments de solitude, car elle lui a consacré toute sa vie et elle n’a jamais eu besoin de personne d’autre: « Il m’a suffi, je n’ai vécu que pour lui » (LFR, p. 129). On comprend que Maurice ait une place très importante dans sa vie, et qu’elle se soit habituée à l’avoir à ses côtés: « La seule chose qui pourrait me soulager, ce serait de causer avec Maurice » (LFR, p. 126).
Après quelques années, l’amour peut changer, soit il devient plus fort et mène à la sécurité, soit il disparaît. Pour Monique, rien n’a changé, elle aime Maurice de la même manière qu’auparavant, et elle n’a jamais questionné ni son amour pour lui ni sa vie. Or, pour Maurice, quelque chose a changé, et ce changement se montre dans ses absences répétées. Cela trouble Monique et elle commence à s’inquiéter.
Comme l’appartement était vide! Comme il est vide! Évidemment puisqu’il n’y a personne dedans. Mais non, d’ordinaire, quand je rentre chez nous, je trouve Maurice, même en son absence […]. J’ai besoin de toi, et tu n’es pas là. (LFR, p. 127)
Monique a toujours trouvé un sens à sa vie, jusqu’au jour où Maurice lui annonce qu’il y a une autre femme dans sa vie: « Qu’est-ce qui se passe? Il y a une autre femme dans ta vie? Oui, Monique, il y a une femme dans ma vie. » (FR, p. 131). L’amour qui lie les deux époux est encore présent, mais l’infidélité de son mari la fait questionner, pour la première fois, sa vie et son être. Elle s’est engagée dans une relation où son mari lui a donné tout le bonheur dont elle avait besoin pour vivre. Maintenant, elle se sent vide et perdue. Peut-être Monique n’a-t-elle jamais questionné sa vie, car elle a toujours été heureuse. Elle a pensé que la décision de se marier avec Maurice était la meilleure possible pour elle. Or, maintenant, elle se pose la question: Qui suis-je sans lui? « Mais pour moi il n’y a que Maurice qui compte. Moi, qu’est-ce que c’est? Je ne m’en suis jamais beaucoup souciée. J’étais garantie puisqu’il m’aimait » (LFR, p. 239).
Monique réalise que lorsqu’elle perd Maurice, elle perd une grande partie d’elle-même, mais également la sécurité à laquelle elle s’est habituée depuis des années. Selon la société, la femme doit se marier pour répondre aux attentes que l’on a d’elle. La femme doit prendre soins de son mari. On peut comprendre que Monique ait choisi de se marier, mais ce qu’elle ne savait pas est que cela mènerait au fait d’oublier qui elle est, et qu’elle allait toujours mettre son mari avant elle-même. Avec le temps, elle a oublié qu’il faut prendre soins également de soi-même pour avoir la force de voler de ses propres ailes quoi qu’il arrive. Eva Lundgren-Gothin écrit, dans son œuvre Kön och existens (1991), que la situation difficile des femmes vient de la société et est soutenue par les coutumes qui affectent la façon d’agir et de penser des femmes19. Monique s’est mariée et elle est devenue une épouse traditionnelle, car selon la société c’est le destin consacré de la femme, et la femme n’est rien sans un homme.
Dans Les Écrits de Simone de Beauvoir, Simone de Beauvoir parle de ses idées en écrivant La Femme rompue: « J’avais récemment reçu les confidences de plusieurs femmes d’une quarantaine d’années que leurs maris venaient de quitter pour une autre. Malgré la diversité de leurs caractères et des circonstances, il y avait dans toutes leurs histoires d’intéressantes similitudes : elles ne comprenaient rien à ce qui leur arrivait […] leurs univers s’écroulaient, elles finissaient par ne plus savoir qui elles étaient »20. Monique ne pense pas à elle-même, elle essaie de trouver des réponses à ce qui lui arrive, mais elle ne peut pas le comprendre, et surtout, elle ne peut pas comprendre qui elle est sans son mari, et où se trouve maintenant sa place dans la société. Monique ne sait pas comment supporter l’infidélité de son mari, et elle éprouve un sentiment de déception. Elle l’aime tellement et elle ne peut pas comprendre qu’il donne toute son attention à une autre femme. Sa meilleure amie lui dit que Maurice a tous les droits d’avoir une affaire, car il est un homme. Les paroles de son amie la consolent et elle essaie d’y croire: « Qu’un homme ait une aventure après vingt-deux ans de mariage, Isabelle a raison, c’est normal. C’est moi qui serais anormale » (LFR, p.135). Malgré le mal qu’a fait Maurice à Monique, elle essaie de le comprendre: « Bien sûr, il a eu tort de me mentir, mais il faut que je comprenne » (LFR, p. 134).
Monique vit dans une société qui donne tous les droits aux hommes, une société dans laquelle les femmes d’une certaine façon sont oubliées par leurs maris, bien qu’elles aient consacré toutes leurs vies à eux et à l’amour. Elles ne peuvent pas tout à fait contrôler l’amour et elles peuvent facilement le perdre. Toril Moi dit dans son livre The Making of an Intellectual Woman (1994), que bien que la femme soit un être libre, elle se trouve souvent sous l’autorité de l’homme 21 . Dans le monde de Monique, le mariage est très important pour le statut d’une femme, elle est devenue une femme au foyer traditionnelle, mais le seul problème ne se trouve pas dans le fait que son mari l’a trompée. Le problème est que la société défend son droit d’être infidèle, et que Monique le fait également.
Les rôles des deux sexes sont différents dans le mariage. On s’attend à ce que l’homme subvienne aux besoins de la femme; du point de vue de la société, il est indépendant. La femme doit prendre soins du mari, et elle n’est pas considérée comme indépendante22. La femme, étant dépendante de son mari, et ayant choisi de ne consacrer sa vie qu’à lui, essaie souvent de comprendre ses défauts, et de pardonner le mal qu’il a fait.
