Le développement de l’unité à travers la notion de commande publique

Le développement de l’unité à travers la notion de commande publique

L’unité de la commande publique suppose la reconnaissance d’une notion autonome à laquelle correspondra un régime spécifique. Cela passe par la reconnaissance non seulement de « principes de la commande publique », et par la garantie de leur effectivité, afin qu’ils puissent s’appliquer directement aux opérateurs et constituer un « droit positif » de la commande publique (A). Mais la grande évolution serait incontestablement la mise en place d’un Code éponyme (B)

Une unité de régime à travers les principes de la commande publique

Si l’on entend par « notion juridique » le binôme constitué, d’une part, d’une définition faite de critères permettant de circonscrire une série de faits ou d’actes juridique2 et, d’autre part, un régime applicable à ces faits ou actes en considération de la qualification qu’on leur a donné, on pourrait objecter à notre proposition que la commande publique n’a pas de régime propre. On voudra démontrer le contraire. Si ceuxci feront l’objet de développements plus nombreux par la suite3, il est possible de les aborder rapidement (1). On pourrait aussi prendre argument de la reconnaissance par le Conseil constitutionnel d’un « droit commun de la commande publique ». Mais les règles de « droit commun » reconnues ne semblent pas avoir la portée que le Conseil constitutionnel leur accorde tant leurs fondements paraissent contestables. (2). 1) Première approche des principes de la commande publique 706. Le Code des marchés publics reconnaît depuis 2001 une série de principes4 et leur accorde une place symboliquement importante à son article 1er. Le Conseil constitutionnel est venu confirmer leur importance en les élevant au niveau constitutionnel5 et en les étendant à un ensemble de contrats qu’il qualifie lui-même de « Commande publique ». Il semble, si l’on s’en réfère aux noms des principes reconnus, qu’il estime que ces principes sont spécifiques à la matière – ce qui sera confirmé plus avant dans cette étude. La reconnaissance de ces principes constitue une profonde évolution et donne toute sa valeur à la notion de commande publique, et cela pour deux raisons. Premièrement, les principes reconnus constituent, en eux-mêmes, un régime juridique d’ores et déjà applicable à la notion qui a été précédemment définie. Deuxièmement, les principes en question donnent un sens à l’évolution future de ces contrats en permettant, à terme, d’unifier une partie de leurs régimes autour de réponses communes correspondant à des obligations issues de principes communs. Ainsi, si comme on le verra les procédures de publicité font partie des obligations issues des principes, ont peut penser qu’elles pourraient faire l’objet d’une procédure unique à tous les contrats de la commande publique. 707. La décision 2003-473 DC va plus loin encore en estimant que ces principes fondent d’ores et déjà un « droit commun de la commande publique », solution qui va dans notre sens, mais dont le support est constitué de règles dont on peut douter de la pertinence. 2) L’idée mal appliquée d’un « droit commun de la commande publique » 708. Bien que la solution du Conseil constitutionnel et les réserves d’interprétation qu’il pose dans sa décision 2003-473 DC aillent nettement dans le sens de la thèse ici défendue, il peut être permis de faire des « réserves doctrinales » sur ces « réserves d’interprétation ». Les professeurs Étienne FATÔME et Laurent RICHER sont d’ailleurs allés dans ce sens en émettant des doutes quant à la pertinence de la qualification de « règles de droit commun » de la commande publique ou de la domanialité publique de certaines dispositions6. Le Conseil constitutionnel considère en effet deux règles différentes comme étant de droit commun de la commande publique et fait une réserve d’interprétation interdisant au législateur de revenir de façon trop généralisée sur celles-ci, en considérant que cela « priverait de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes » aux principes de la commande publique7. Ces deux règles ne nous semblent pas pouvoir être qualifiées de « droit commun » et obliger le législateur à les respecter comme découlant directement des principes. 709. La première « impose de confier à des personnes distinctes la conception, la réalisation, la transformation, l’exploitation et le financement d’équipements publics, ou la gestion et le financement de services ». On voit aisément le lien de cette « règle de droit commun de la commande publique » avec le principe d’égalité, l’interdiction de regrouper les missions de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’œuvre, issue de la loi MOP de 19858, visant à protéger les petites et moyennes entreprises contre les grands groupes. Cependant, généraliser cette règle issue d’un texte ne s’appliquant qu’aux marchés publics au sens strict du terme, et pas à l’ensemble de la commande publique, est malvenu. En effet, d’une part la loi MOP ne vise que les « marchés publics de travaux » qui ne sont qu’une simple partie des marchés publics. D’autre part, la décision du Conseil constitutionnel revient à étendre cette règle d’exception à toute la commande publique. À l’opposé, certains contrats de la commande publique permettent, sans que l’on mette en avant un quelconque risque pour les petites entreprises, le cumul des deux fonctions : c’est le cas des ventes en l’état futur d’achèvement ou des baux emphytéotiques sur le domaine public, c’est aussi le cas des « marchés publics » au sens du droit communautaire, ce dernier ne connaissant pas la notion de maîtrise d’ouvrage. Si la règle de la séparation des fonctions est importante en droit des marchés publics internes, par opposition aux marchés issus du droit communautaire, il semble difficile, malgré son lien avec le principe d’égalité, d’en faire un « droit commun » de l’ensemble de la commande publique. 710. La deuxième règle de « droit commun » de la commande publique porte sur l’interdiction, « en cas d’allotissement », que des offres portant simultanément sur plusieurs lots « fassent l’objet d’un jugement commun ». On peut, mutatis mutandis appliquer le même raisonnement que pour la séparation des fonctions de maître d’ouvrage et de maître d’œuvre à cette règle-ci. Le jugement par lot procède en effet, lui aussi, de la défense des petites et moyennes entreprises et il est, lui aussi, propre aux marchés publics au sens du Code des marchés publics. D’ailleurs, la règle est directement issue de l’article 10 al. 4 de ce Code, ce qui montre qu’elle se limite à son champ d’application9. Plus encore, l’article 10 a été modifié entre le Code de 2001 et celui de 2004 dans le sens d’une plus grande liberté en acceptant qu’au moment de la signature, un seul marché soit passé avec le titulaire de plusieurs lots10 ; il s’agit là d’une simplification procédurale symbolique de la volonté de limiter, même pour les marchés du Code, les contraintes pesant sur le regroupement des lots11. 711. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel reconnaît une autre règle de droit commun mais liée, semble-t-il, non pas à la commande publique mais à la domanialité publique : l’interdiction du « recours au crédit-bail ou à l’option d’achat pour préfinancer un ouvrage public ». On ne peut ici aussi que regretter la contrainte que cette règle, fondée sur le seul Code du domaine de l’État, fait peser sur le législateur.Les règles de droit commun de la commande publique reconnues par le Conseil constitutionnel ne sont pas celles qui auraient dû l’être. L’idée qui sous-tend cette reconnaissance est de concrétiser les principes de la commande publique en en précisant les effets obligatoires, c’est-à-dire en donnant des « exemples » des effets nécessaires des principes. On peut y voir un aspect positif malgré l’extension du contrôle du juge constitutionnel, mais le choix des règles a, en l’espèce, été trop été inspiré des moyens soulevés par les députés. Cela a conduit le Conseil à se fonder sur des règles propres aux marchés publics en considérant que, comme les principes, elles s’étendaient à l’ensemble de la commande publique, ce qui est une erreur. Si effectivement, une partie des règles applicables aux marchés publics pourrait servir de base à un régime commun à l’ensemble de la commande publique, on ne saurait estimer que ce régime commun se constituera des règles qui contraindraient le législateur comme découlant directement des principes. C’est oublier un peu vite que, même en dehors de la théorie pure, toutes les règles sont censées découler peu ou prou de ces principes ; c’est même le sens du contrôle de constitutionnalité. Mais cela ne fait en aucun cas un « droit commun » qui limite l’action du législateur ; il faut que le lien avec les principes soit indéfectible et pas seulement qu’il existe un lien.

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