LE GESTE, TEMOIN DU COMPORTEMENT HUMAIN

Télécharger le fichier original (Mémoire de fin d’études)

Répartition des tâches

Pour accomplir la mission du vol, l’activité de pilotage regroupe quatre principales tâches (Abbott 1993). Elles sont organisées en suivant un ordre hiérarchique de priorité afin de gérer la complexité d’un problème. Il s’agit de l’ANCS (Aviate, Navigate, Communicate, Monitor System) (Wickens 2002; Schutte and Trujillo 1996) :
(1) Piloter (Aviate), également appelé « Fly the aircraft « (e.g. Ecam Action d’Airbus) par les pilotes, consiste à assurer la trajectoire de l’avion et son inclinaison horizontale comme verticale (« assiette ») pour en garder la stabilité et éviter un décrochage par manque de portance. Cette tâche est affectée au rôle de Pilot Flying (PF). Pour l’accomplir il peut soit piloter manuellement en manipulant le manche (e.g. yoke dans les Boeing ou sidestick dans les Airbus) ou la manette des gaz par exemple, soit superviser l’ensemble des commandes du pilotage automatique (e.g. le FCU ou Flight Control Unit dans les Airbus et le FCS ou Flight Control System dans les Boeing) en réglant la vitesse (1), le cap (2), l’altitude (3) et la vitesse verticale de montée ou de descente (4) (cf. Figure 3).
Le PF contrôle les informations correspondantes au comportement de l’avion en regardant l’instrument de bord : Primary Flight Display (PFD) (cf. Figure 4) et en regardant l’environnement extérieur. Par exemple, le système PAPI (Precision Approach Path Indicator) permet de réaliser une approche correcte sur le plan vertical et de respecter la distance de freinage requise par la longueur de la piste (cf. Figure 4).
(2) Naviguer (Navigate), consiste pour l’avion à se déplacer de son point d’origine jusqu’à un point de destination en passant par des points de route (waypoints ou legs) adaptés au type d’appareil (e.g. militaire, aviation de loisir, aviation commerciale) sans entrer en collision avec des obstacles (immeuble, avion, montagne). Le Pilot Monitoring assure cette tâche. Néanmoins le PF assure la tâche de pilotage en cohérence avec la navigation. Cette tâche est aujourd’hui fortement automatisée. A l’aide du système de gestion de vol (e.g. MCDU ou Multi Control Display Unit équipé du FMGC ou Flight Management and Guidance Computers pour Airbus et FMS ou Flight Management System pour Boeing) le PM sélectionne les points de route pour établir le plan de vol de la mission (cf. Figure 5). Ces points de route sont accessibles depuis la base de données de navigation (NDB ou Navigation DataBase). Ils sont définis par des normes standards (e.g. ARINC 424 Navigation System Data Base Standard). Les pilotes s’assurent que le plan de vol respecte les capacités énergétiques de l’avion par rapport à la distance et à la masse de l’appareil comme l’explique ce pilote : « En fait on règle des legs de trajectoire (et) on va donner des objectifs de consommation. Ils nous permettront de calculer, parce qu’on a très peu de marge énergétique, donc on saura si le plan de vol va tenir. Là on est de l’ordre de l’heure, plus 15 minutes de réserve sur laquelle il ne faut absolument pas voler ».
Le système de gestion de vol permet de déterminer la position précise de l’appareil dans l’espace. Il est connecté au moniteur de navigation (ND ou Navigation Display). Il s’agit d’un affichage représentant graphiquement les informations du plan de vol, la position de l’avion en temps réel et l’environnement extérieur (météorologie, obstacle fixes et mobiles, points d’intérêts comme les waypoints ou les pistes d’atterrissages) (cf. Figure 6).
(3) Communiquer (Communicate), correspond à la transmission des informations par des échanges à la fois dans le poste de pilotage, c’est-à-dire entre les pilotes, puis dans l’avion avec le personnel et les passagers, enfin dans l’environnement extérieur avec les contrôleurs aériens. Le PM est responsable de cette tâche. Il dispose d’un instrument dédié à la gestion des fréquences radio (e.g. RMP ou Radio Management Panel pour Airbus).
(4) Surveiller les systèmes avioniques (Monitor System), est la tâche affectée comme son nom l’indique au Pilot Monitoring (PM). Le PM veille constamment à la cohérence des états des systèmes par rapport aux phases du vol et aux situations rencontrées. Il agit seul sur les panneaux de contrôles des systèmes. En tenant compte de l’évolution technologique des systèmes et des interfaces avioniques ainsi que de l’amélioration de leurs automatismes, Yixiang Lim (Lim et al. 2018) décompose cette tâche en trois composantes : la gestion des systèmes (Manage System), la gestion des données (Manage data) et la gestion de la mission (Manage mission).
Ces quatre tâches sont distribuées entre deux rôles : Piloter (1) pour le PF et Naviguer (2), Communiquer (3), Surveiller (4) pour le PM. En cohérence avec la répartition spatiale des contrôleurs et des instrumentations assurant l’accomplissement de ces tâches, l’utilisation de l’espace du poste de pilotage conduit à une séparation des zones d’entrée dans le système, en fonction du rôle du pilote et des différents systèmes avioniques conçus par les constructeurs. Ce sont les « aires de responsabilité ». Comme le décrit ce pilote, le PF possède dans son aire de responsabilité « tout ce qui est de contrôle de l’avion, […] par contre tout le reste c’est le PM ». Lorsqu’un pilote agit sur l’aire de responsabilité de l’autre pilote, par exemple pour l’aider dans sa tâche, alors il communique son action oralement « P1 : j’ai affiché le code transpondeur mais ce n’était pas mon aire de responsabilité. P2 : ouais il n’aurait pas dû le faire.
P1 : C’est pour ça que je l’ai annoncé ».

Phases de vol

Le déroulé d’un vol est traditionnellement composé de sept phases : le pré-vol, le décollage, la montée, la croisière, la descente, l’approche et l’atterrissage (Corwin 1992; Tenney, Rogers, and Pew 1998; Schvaneveldt, Beringer, and Lamonica 2001)(cf. Figure 7). A chaque phase, les pilotes doivent réaliser collaborativement des procédures standards (SOPs ou Standard Operating Procedures) de modification des systèmes et de contrôle des informations avioniques pour veiller au bon déroulé du vol. Les phases les plus lourdes en termes de charge de travail sont en début de vol avec la phase de pré-vol (roulage sur les pistes) et la phase de décollage, puis en fin de vol avec les phases d’approche et d’atterrissage (Tenney, Rogers, and Pew 1998). Cela s’explique de trois manières : par la hausse des quantités d’actions à réaliser et d’informations à contrôler durant ces phases, par la pression temporelle de la prise de décision (du fait de la proximité avec le sol), par l’augmentation des échanges oraux entre l’équipage et les contrôleurs aériens. C’est pourquoi, l’équipage doit veiller à préparer en amont les problèmes potentiels que peut rencontrer l’avion en arrivant dans une nouvelle phase afin de pouvoir, le cas échéant, libérer le maximum de ressources cognitives nécessaires à l’évaluation des problèmes puis à la prise de décision des procédures à appliquer.
Figure 7. Les sept principales phases de vol (le pré-vol ou également appelé roulage, le décollage, la montée, la croisière, le descente, l’approche et l’atterrissage).

Flots procéduraux

Pour garantir de façon sécurisée le passage de chacune de ses phases, les pilotes réalisent des tâches inhérentes aux quatre tâches (cf. 1.1.1) par le biais de deux types de flots procéduraux : les procédures standards (SOPs ou Standard Operating Procedures) et les procédures d’urgences (Memories Items). Les procédures standards s’adressent aux deux pilotes et comprennent des actions gestuelles à effectuer sur les interfaces des systèmes avioniques dans le poste de pilotage, des annonces orales, enfin des informations à contrôler par la vision. Ces dernières peuvent être potentiellement accompagnées par le contact de la main comme ce pilote le décrit : « parce qu’en fait on touche quand on passe sur les manettes on vérifie (…) que tous les boutons poussoirs sont bien en place ». Les SOPs sont répétées à chaque vol à l’inverse des procédures d’urgences. Les procédures d’urgences sont apprises en simulateur. Ce sont des flots qui doivent être effectués en réponse immédiate à un incident critique comme par exemple la détection d’un feu moteur durant la phase de décollage. Contrairement aux SOPs, ces flots impliquent obligatoirement des actions irréversibles sur les systèmes. C’est pourquoi, il y a des étapes de confirmation commune (cross-check) avant d’engager l’action. Par rapport à l’exemple précédent, les deux pilotes doivent être d’accord pour déclencher l’extincteur du moteur en feu.
A l’issu des procédures standards et des procédures d’urgences, les pilotes doivent contrôler ensemble, la bonne configuration des états des systèmes à l’aide de listes de vérifications normales (Normal Checklists, e.g. Before Start Checklist, After Takeoff Checklist) (A. Degani and Wiener 1993). La méthode est la suivante : le pilot flying (PF) appelle à faire la checklist correspondante et énonce oralement les actions requises (mandatories) par la procédure et le pilot monitoring (PM) contrôle si elles ont été réalisées en répondant oralement (e.g. « check », « clear ») (cf. Figure 8). Dans le cas où un item de la liste n’est pas conforme à la checklist, les pilotes engagent un dialogue et décident ensemble de l’action à effectuer en accord avec leurs rôles respectifs.
D’après les spécificités de la situation rencontrée durant le vol, il existe trois types de checklists : les listes de vérifications normales (Normal Checklists), les listes de vérifications anormales (Abnormal checklists) et les listes de vérifications urgentes (Emergency Checklists). Le premier type de checklists est lu en réponse à une procédure déjà réalisée (challenge-and-responses checklists). Les deux autres types de checklists sont utilisés dans des situations non nominales, c’est-à-dire non habituelles en conditions réelles comme en simulateur, et se lisent en amont de l’action à accomplir sur l’interface avionique (read-and-do lists). L’ensemble des checklists est accessible depuis le manuel de référence rapide (GRH ou Quick Reference Handbook). Elles se présentent sous deux aspects en fonction de l’évolution technologique du poste de pilotage. D’une part, il y a le support papier ou l’affichage par impression sur des composants physiques de l’habitacle, comme le manche (yoke) du Boeing (cf. Figure 3). D’autre part, il y a l’affichage des checklists directement sur les écrans multi-fonctions (MFD ou Multi-Functions Displays) des surfaces avioniques comme dans le cas de l’Airbus A350 XWB ou du Boeing 777 (cf. Figure 9). Figure 9. « Before Start » checklist affiché sur l’écran multifonction du piédestal du Boeing 777. Toutes les procédures et les listes de vérifications sont déterminées conjointement par les constructeurs aéronautiques (e.g. Airbus), les compagnies aériennes (e.g. Air France) et les organismes de sécurité aérienne (e.g. International Civil Aviation Organization) dans l’objectif de produire des documents de réponses assurant la sécurité du vol et nécessitant le moins possible de ressource de travail demandée aux pilotes grâce à la hiérarchisation des opérations liées aux tâches (A. Degani and Wiener 1993).

CONSCIENCE DE LA SITUATION

Avant d’assurer l’exécution des flots procéduraux, les pilotes doivent avoir une conscience continue de l’état de l’avion et de ses systèmes avioniques. D’une part, il y a la conscience propre à chaque pilote sur sa propre activité et d’autre part, il y a la conscience de l’activité de son co-équipier, nécessaire au travail collaboratif. Dans cette section nous présentons d’abord la conscience de la situation propre à chaque pilote, son fonctionnement et ses limites par rapport à l’activité de pilotage. Notre objectif est d’identifier le processus de traitement d’information des pilotes pour évaluer le degré d’intérêt d’une information pré-attentive. Ensuite, dans la section suivante, nous aborderons la conscience mutuelle qui définit la mise en partage de chaque conscience de la situation au sein de l’équipage.

Définition de la conscience de la situation

Mica Endsley définit la conscience de la situation comme « la perception des éléments d’un environnement dans un volume de temps et d’espace, la compréhension de leur signification et la projection de leur état dans un futur proche » (Endsley 1995, 36). Elle propose un modèle de la conscience de la situation basé sur trois niveaux (cf. Figure 10) : Figure 10. Modèle de la conscience de situation par Mica Endsley, 1995.
(1) Percevoir les éléments d’intérêts dans un environnement (ou situation). A ce premier niveau, l’information est brute. Elle n’est associée à aucune interprétation. Par rapport à l’activité de pilotage, il s’agit pour l’individu d’acquérir des informations brutes données par les instruments de bord, le comportement de l’avion, l’équipage et l’environnement extérieur (Stanton, Chambers, and Piggott 2001). Plus spécifiquement, les pilotes sont entraînés pour guider leurs perceptions à chercher en priorité des informations concernant « les paramètres de vol, l’état de leurs systèmes à bord, leur propre localisation et la localisation des points de références importants et du terrain, et de la localisation des autres avions avec des paramètres de vol appropriés et leurs caractéristiques » (Endsley 1995, 164). Un pilote nous explique : « En fait quand on dit « on regarde » … on n’a pas besoin d’y passer des heures pour prendre des informations : on sait ce qu’on cherche, on va aller capturer l’information dont on a besoin […] c’est ce qu’on apprend en pilotage initial : tu vas chercher ton information, tu la fous dans ta tête, tu reviens sur tes instruments, et tu réfléchis à ce que tu dois faire ».
(2) Comprendre les informations. Après avoir perçu l’information brute, l’individu l’assimile à une signification relative à la situation. A partir d’un « modèle mental en mémoire à long terme » (Endsley 1995) préalablement établi chez lui, c’est-à-dire un ensemble de connaissances associé au fonctionnement de la situation (e.g. le fonctionnement d’un moteur en général), l’individu crée un « modèle de situation » (Endsley 1995) où il se représente les spécificités de la situation rencontrée. Le modèle de situation est uniquement associé à la situation vécue à un moment précis et unique. Avec l’expérience de l’individu, le modèle mental s’enrichit des spécificités des différents modèles de situations. De nombreuses études (McKeithen et al. 1981; Kilingaru et al. 2013; Larkin 1981) montrent que des experts prennent plus de temps que des novices pour analyser et comprendre les informations d’un problème parce qu’ils se construisent un modèle de situations plus complexes avec des représentations plus riches à l’inverse des novices qui tendent vers des modèles plus superficiels. L’enjeu de ce niveau pour les pilotes est d’une part, de produire le plus rapidement possible des modèles de situations pour s’adapter aux contraintes dynamiques de la mission de vol et d’autre part, une fois construit, de partager ce modèle entre les membres de l’équipage.
(3) Projection des actions à réaliser. Cette troisième et dernière étape décrit la prise d’actions futures à réaliser d’après une évaluation de l’état de la situation. C’est également à ce niveau que l’utilisateur envisage les conséquences de son action sur l’état de la situation. Un pilote fait mention de cette anticipation permanente dans l’activité de pilotage : « quand on fait le vol comme ça sur le ND (Navigation Display). On a en fait, les terrains qui sont affichés. On fait ce qu’on appelle les cercles d’influence : typiquement, 100 nautiques, ce qui correspond à une descente sans moteur. Donc on les trace, et à chaque moment on sait, si on a un problème, quel terrain on va choisir ». Un autre exemple, « JFK (aéroport John Fitzgerald Kennedy à New York) est réputé pour le changement de piste, très tardivement, en fait on ne sait jamais trop sur quelle piste on va se poser, donc du coup on prépare plusieurs scénarios possibles. On va le savoir peut-être 5 ou 10 minutes avant l’interception ».
Ces trois niveaux cognitifs établissent les stades de la conscience de la situation. Ils sont dépendant des caractéristiques de l’individu (objectifs, croyances, capacités perceptives et cognitives, notamment la mémorisation des informations) et des caractéristiques de l’environnement (capacité du système, conception de l’interface, stress et charge de travail, complexité et niveau d’automatisation).
Wickens (Wickens and Alexander 2009) propose une spécialisation du modèle d’Endsley (Endsley 1995). Il détermine la performance de la conscience de la situation d’après « le déploiement d’une attention sélective et du traitement d’un modèle mental précis, de l’espace aérien, de la structure de l’avion et des procédures, dans lesquelles l’information attendue peut être aisément incorporée ». Les pilotes ont besoin d’avoir une attention sélective, c’est-à-dire la capacité de filtrer les informations brutes, pour optimiser la réalisation des tâches en économisant le plus possible de ressources de travail. Wickens identifie trois composants de la conscience de la situation :
(1) La conscience spatiale. L’avion est un objet physique et dynamique qui évolue dans l’espace autour de six variables. Il y a « trois degrés de rotation (tangage, roulis, lacet) » et « trois degrés de déplacement (altitude, dérive latérale de la trajectoire de vol, et la position le long de la trajectoire) ». Elles sont toutes interdépendantes. De plus, en écho au premier niveau du modèle d’Endsley, l’appareil se déplace dans un environnement comportant ses propres variabilités météorologiques.
(2) La conscience du système. Les pilotes doivent interagir avec un système automatisé et surveiller la cohérence entre l’état perçu sur les instruments de bord et les caractéristiques de performance adaptées à la situation.
(3) La conscience des tâches. Les pilotes doivent avoir conscience de la réalisation des quatre tâches (piloter, naviguer, communiquer, surveiller les systèmes avioniques). Il faut qu’ils puissent comprendre à tout moment où ils en sont dans le déroulé du vol (e.g. phase, tâche).
La complexité pour les pilotes est de constamment actualiser ces trois composants pour décider des actions à réaliser afin d’être prêt à agir très rapidement compte tenu du dynamisme de l’environnement comme le souligne ce pilote-ci : « et pendant que je cherche quel est le meilleur endroit (pour atterrir suite à une panne), je m’approche, je m’approche, je m’approche des nuages et je n’ai toujours pas pris de décision » ou encore ce pilote-là : « parce que là on a une grosse charge de travail, et ce qui en plus encombre beaucoup, c’est qu’on est près du sol ».

Modalités de perception pour accéder à l’information

La conception des interfaces des postes de pilotages favorise presque exclusivement la « voie visuelle alphanumérique ou graphique » (Marotte 2004, 3). Le canal visuel est très utilisé par les pilotes que ce soit en vol à vue (VFR ou Visual Flight Rules) ou en vol assisté des instruments de bord (IFR ou Instrument Flight Rules). En effet, les pilotes font davantage confiance à ce qu’ils lisent sur l’instrumentation avionique qu’à ce qu’ils ressentent en matière de sensation (Letondal et al. 2018). Ils ne font pas confiance à leurs propres capteurs sensoriels et préfèrent avoir des informations « abstraites » (Letondal et al. 2018) comme l’évoque ce pilote : « c’est comme on apprend toujours : il faut croire en ton horizon artificiel. Il ne faut pas croire à tes sensations ». Lorsque les pilotes effectuent leurs flots procéduraux de surveillance des systèmes, ils réalisent des « processus contrôlés » (Schneider and Shiffrin 1977) de balayages à la fois visuels (visual scanning) (Conversy, Chatty, and Hurter 2011) mais également tactiles. La fonction tactilo-kinesthésique est très utile en complément, comme ce pilote en fait mention : « On tient le manche d’une main, et puis de l’autre on va travailler ici. Définir ses paramètres, vérifier qu’on garde son altitude, etc., aller manipuler. Ce qui veut dire qu’on va balayer, un coup ici, un coup ici, régulièrement. Si j’ai un bouton ici, je peux continuer à tenir mes paramètres, aller placer ma main approximativement, je vérifie, c’est bon…, je tourne un peu, hop. Et pendant que je tourne, je vois ce qui se passe… Hop, je regarde un petit peu ici. Je peux balayer sans que ça pose de problème ». Les balayages suivent un ordre précis et sont déterminés d’après la disposition des instruments de bords et des contrôleurs physiques (cf. Figure 11). Ces « processus contrôlés » sollicitent une importante charge cognitive relative à leurs complexités (Miller 1956). Aussi, les pilotes ont pour objectif de développer la « dextérité » (cf. 2.2.5) de leurs corps afin d’automatiser la mémoire corporelle pour assurer ces tâches de surveillance, en réduisant la consommation de ressource de travail (Schneider and Shiffrin 1977; Matton et al. 2018). L’automatisme, par paroxysme, vise à contrôler l’information « sans y prêter attention » (Logan 1988).
Figure 11. Balayage avant et après vol sur les Boeing de la série 737.
Le canal visuel peut être discriminé en deux catégories : la vision « focale » et la vision « ambiante » (Wickens 2002). La vision « focale » permet à l’individu de focaliser son regard sur une information précise. Dans le cas des pilotes, il s’agit d’une information sélectionnée avec soin d’après un flot procédural spécifique. A l’inverse, la vision « ambiante », c’est-à-dire la vision périphérique, est utilisée passivement par les pilotes. Cette vision est particulièrement sensible au mouvement, notamment avec le déplacement sur un plan spatial avec des caractéristiques de vitesse, de rythme (Bartram, Ware, and Calvert 2001), et de clignotement (Loft, Smith, and Bhaskara 2011).
Le canal auditif est utilisé par les alarmes sonores ainsi que pour la communication entre les deux pilotes et les contrôleurs aériens par des échanges radios. La communication orale est régie par une phraséologie, c’est-à-dire, un langage « opératif » (Mell 1992), codifié et conventionné initialement par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) puis, dans sa version française par la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). Basée sur la langue anglaise, cette phraséologie est spécifique à la culture aéronautique. L’objectif est d’établir un langage commun facilement prononçable, où les sons peuvent être captés rapidement sans confusion afin d’assurer une bonne conscience de la situation (Benejean 2013).

Organisation de la mémoire

Pour percevoir l’information et l’analyser, la conscience de la situation nécessite l’utilisation de la mémoire. Mica Endsley distingue deux principales formes de mémoire : la « mémoire de travail » (WM ou Working Memory) et la « mémoire à long terme » (LTM ou Long Term Memory).
La mémoire de travail est une mémoire à court terme, elle est limitée par le nombre d’informations que l’individu pourra stocker. L’étude de Miller (Miller 1956) définit aux alentours de sept (entre 5 et 9) le nombre d’information maximum que la mémoire de travail peut conserver simultanément. La performance de cette mémoire est particulièrement bénéfique pour les pilotes puisqu’elle leur permet d’actualiser rapidement leurs « modèles de situation » (cf. 1.2.1.). En effet, le nombre d’informations pouvant être perçues et comprises rapidement est un facteur important dans la prise de décision, d’autant plus lors de période de stress (Gärtner et al. 2014) ou de pression temporelle (Coeugnet 2011).
La mémoire à long terme se définit comme un endroit « où l’information est stockée de façon quasi-permanente et dont la capacité de stockage est quasi illimitée, sous réserve d’intégrité du système nerveux central » (Chanquoy, Tricot, and Sweller 2007, 61). C’est dans cette mémoire que les pilotes stockent les modèles mentaux d’ingénieries relatives au fonctionnement de l’avion et de ses systèmes avioniques. Lacabanne (Lacabanne 2014) présente les deux principales catégories de LTM : la « mémoire procédurale » et la « mémoire déclarative ». D’abord, la mémoire procédurale contient les informations relatives aux procédures. « Ces connaissances renvoient aux savoir-faire et ne sont pas nécessairement explicitables ». Il s’agit de ce que nous évoquions précédemment (cf. 1.2.2.) avec la mémoire gestuelle et visuelle. Ensuite, la mémoire déclarative « stocke toutes les informations conceptuelles, énonçables ». C’est pourquoi il y a « la mémoire sémantique » et la « mémoire épisodique ». La mémoire sémantique assimile une information sous la forme d’un mot et relie les mots entre eux par des « réseaux sémantiques ». Le seul moyen pour qu’une information acquise en mémoire de travail soit intégrée à la mémoire déclarative est qu’elle soit transcrite sémantiquement. De plus, elle ne peut exister seule, il doit y avoir « d’autres connaissances déjà présentes dans le chef du sujet ». Elle sera alors associée par proximité sémantique. Enfin, la mémoire épisodique fait référence aux informations temporairement conservées dans les « souvenirs ».
L’enjeu pour les pilotes est d’être capable de naviguer entre la mémoire à long terme et la mémoire de travail pour être capable de construire rapidement des modèles mentaux adaptés à la situation afin de prendre la décision opérationnelle la plus performante permettant d’assurer la réussite de la mission de vol. En tant que designer, notre objectif est de proposer un système assurant l’acquisition rapide d’information par la mémoire de travail des pilotes. Ce système doit être contraint par les capacités cognitives des pilotes en accord avec les besoins d’une conscience performante de la situation.

Les limites de la conscience de la situation

Atteindre une conscience de la situation performante en termes de temps de traitement de l’information et de qualité décisionnelle par rapport à un conflit est une opération complexe à mettre en œuvre pour deux raisons majeures.
La première raison est que la quantité d’informations à mémoriser pour assurer l’activité de pilotage est considérable pour les pilotes. C’est pourquoi, en plus des checklists (cf. 1.1.3.), d’après Edwin Hutchins (Hutchins 1994) les pilotes utilisent le poste de pilotage avec ses interfaces de contrôleurs physiques et d’écrans comme des prothèses mnémoniques. Ils externalisent leurs mémoires afin de pouvoir « lire », « écrire », « reconstituer » et « reconstruire le sens », gérer « l’organisation des représentations internes et externes » des informations avioniques. Pour ce faire, les pilotes utilisent les objets graphiques des interfaces avioniques et la disposition des objets physiques de l’habitacle (contrôleurs physiques, manuels de procédures) comme représentations iconiques. C’est par exemple le cas avec le repère graphique indiquant la « vitesse » à atteindre sur l’anémomètre. Il est certes moins précis que la correspondance masse/vitesse représentée textuellement sur la brochure des cartes de vitesse, néanmoins il forme une redondance malléable et adaptable à un moment particulier. En effet, les pilotes l’associent à une opération et à une temporalité. Ils n’ont pas à « se souvenir » des calculs. Il suffit de « localiser » l’information utile dans l’espace ou sur l’interface avionique. L’objectif de cette distribution cognitive est de libérer de la ressource de travail en réduisant au maximum l’information à traiter lors de l’instant t. Hutchins précise qu’« il ne s’agit pas simplement de retrouver des informations sur un élément stocké dans une mémoire interne, ni d’identifier ou de comparer une forme externe à un modèle interne. Il s’agit plutôt d’une combinaison d’identifications, de souvenirs, d’associations, de vérifications et de contre-vérifications, de constructions et de reconstructions, conduites en interaction avec un ensemble varié de structures représentationnelles, dont la plupart n’exigent pas de reconstruire cette représentation interne communément appelée mémoire des vitesses » (Hutchins 1994, 469). Ce constat constitue une clé de performance de la conscience de la situation pour les pilotes. En effet, lors de la conception des interfaces graphiques, l’information avionique doit pouvoir être stockée et être facilement accessible à tout moment. Un pilote aborde ce point : « dans un environnement de points très denses (sur le Navigation Display) quand on nous demande direct un point et qu’il y en a 50 autours, il faut qu’on choisisse le bon et que l’on ne s’y reprenne pas à 4 fois pour trouver le bon ». La performance de la sélectivité de l’information diminue la charge de travail (e.g. double tâches) (Lavie et al. 2004). Le plus haut niveau de performance en matière de sélectivité qualifie une information comme pré-attentive (Treisman 1985), c’est-à-dire qu’elle est accessible visuellement dans un délai inférieur à 250 ms. Cela correspond à une lecture immédiate de l’information.
La seconde raison est la surcharge cognitive associée à la notion de « tunnelage cognitif » (Ververs and May 1998), c’est-à-dire, lorsque l’attention du pilote se fixe sur une information involontairement pour une durée anormale et non contrôlée au détriment d’autres informations. Le pilote ne parvient plus à passer d’une information à une autre. Il devient surchargé cognitivement. Ce phénomène se produit particulièrement dans les phases critiques (décollage, approche et atterrissage) ou lors de la gestion des pannes comme l’explique ce pilote : « Tu vois par exemple des fois tu peux avoir une panne moteur au décollage […] et pendant trois minutes tu cherches « putain mon avion, il ne monte pas il ne monte pas » et tu ne comprends pas, tu mets pleins gaz, et tu refais la checklist avant atterrissage et là tu dis, bah « gear down » et là le train (d’atterrissage) il était encore sorti alors que ça fait trois minutes que tu as l’alarme qui gueule. Tu vois la notion du temps tu la perds ». De plus, l’activité de pilotage sollicite régulièrement la gestion de deux tâches pendant le vol. En accord avec la hiérarchie des tâches (cf. 1.1.2.) on parle de tâche principale et de tâche secondaire. Par rapport au tunnelage cognitif, deux cas de figure peuvent intervenir. Dans le premier cas, la répartition des ressources cognitives est équilibrée et le pilote parvient à les réaliser de manière optimale sans tunnelage cognitif. Tandis que dans le second cas, la gestion de la tâche principale est trop complexe et nécessite la mobilisation de la totalité des ressources disponibles par le pilote. De ce fait, la réalisation de la tâche secondaire est soit retardée, soit moins performante (Gopher and Donchin 1986). Pour résoudre ce problème, les pilotes mettent en place des stratégies de gestion d’informations en fonction de leurs priorités pour la sécurité du vol. Ils vont réduire la quantité d’informations à traiter dans le but de ne conserver que les informations essentielles pour construire leur modèle mental de la situation. La hiérarchisation des informations est basée sur la sécurité, en accord avec la structuration des tâches.
En conséquence, par rapport à notre travail de conception, l’information doit, en plus de l’accès rapide ou dit pré-attentif, et de son stockage sur l’interface, être rapidement discriminable afin d’éviter le tunnelage cognitif. Cela nous amène à envisager la construction d’un système de représentation basé sur ces règles de design pour appréhender la suite de notre travail de recherche (cf. chapitre 2).

CONSCIENCE MUTUELLE

Le poste de pilotage est un environnement partagé entre deux pilotes. La conscience de la situation est propre à chaque pilote. La réussite d’une mission dépend d’une part de la qualité de la conscience de la situation et d’autre part du partage de cette conscience entre les pilotes. Nous définirons d’abord la notion de la conscience mutuelle et nous détaillerons ensuite l’importance du geste dans la construction de celle-ci.

Définition de la conscience mutuelle

La conscience de la situation est relative aux capacités perceptives et cognitives d’un pilote par rapport à sa tâche. Elle lui est essentielle pour la prise de décision. Néanmoins, l’activité de pilotage requiert le croisement des tâches entre deux pilotes dans l’habitacle et les contrôleurs aériens à distance. Ce travail collaboratif développe la nécessité de partager entre tous ces acteurs leurs consciences personnelles. Cette mise en relation s’appelle la conscience mutuelle2. Robert Helmreich (Helmreich and Foushee 2010) a relevé que plus de 70% des accidents entre 1959 et 1989 étaient associés à une mauvaise communication des informations entre les membres de l’équipage. Il cite par exemple le cas d’un équipage, distrait par des communications non opérationnelles, qui n’avait pas rempli les listes de vérifications, et qui s’est écrasé au décollage parce que les volets n’étaient pas sortis ; ou encore le cas d’un équipage qui n’a pas examiné les cartes d’atterrissage, ni utilisé les instruments ou la position de navigation par rapport à l’aéroport, et qui n’a pas tenu compte des alertes répétées du système avertisseur de proximité du sol avant de s’écraser sur une montagne sous l’altitude minimale de descente. En réponse à ce problème, les acteurs de la sécurité aérienne ont développé la gestion des ressources de l’équipage (CRM ou Crew Resource Management). La FAA (Federal Aviation Administration) définit l’objectif de la CRM comme « la prévention des accidents aériens en améliorant la performance de l’équipage grâce à une meilleure coordination » (Federal Aviation Administration 2004). Les flots procéduraux et des checklists sont issus de la CRM (cf. 1.1.4) ainsi que du développement des procédures de prise conjointe d’évaluation de la situation non-nominale, dites d’aide à la décision (Soll et al. 2016). Nous citerons à titre d’exemple le cas du FORDEC (Facts, Options, Risks, Decide, Execute, Check). A chaque point est associée un ensemble de questions permettant d’aider à la prise de décision commune même si, en cas de désaccord, c’est le Commandant de Bord qui décide, du fait de son statut hiérarchique :
– Facts: Quel est le problème ?
– Options: Quelles sont les options disponibles ?
– Risks (and Benefits): Quels sont les avantages et les inconvénients pour chaque option ?
– Decide: Qu’est-ce que nous choisissons de faire ?
– Execute: Qui fait quoi ? Quand et Comment ?
– Check: Est-ce que tout est ok ?
Lors d’un entretien avec un pilote, il nous fait part d’une expérience d’utilisation du FORDEC : « en général quand il y a une décision à prendre on dit « ok on fait un FORDEC ». Ok donc les faits, voilà ce qui se passe, ben par exemple la piste est enneigée, les conditions d’atterrissage là-bas sont POOR, on a demandé une nouvelle météo, a priori ça rouvre dans 20 minutes, là ils nous apportent une nouvelle météo donc on va pouvoir voir ce qui se passe. Les options, qu’est-ce qui se passe ? Ben soit on part, soit, on ne part pas… tout simplement ! Les risques associés : si on part ben c’est une dégradation de la météo, est-ce qu’on prend un dégagement plus éloigné où il fait beau ? Est-ce qu’on prend plus de pétrole pour attendre ? Si on ne part pas ben les risques… il n’y a pas de risque, le risque c’est commercial mais nous ce n’est pas vraiment notre problème. On passe à l’exécution, donc là je lui propose : ben écoute ce que je te propose c’est qu’on prenne un dégagement où il fait très beau où il n’y a pas de neige et on prend en plus une heure d’attente ». L’usage de ce type d’outil d’aide à la décision utilise l’énonciation orale pour assurer le partage des informations entre les consciences de la situation propres aux deux pilotes. Pour mesurer la qualité d’une conscience mutuelle, Neville Stanton (Stanton et al. 2017) considère que les deux pilotes (PF et PM) doivent être « tous deux en mesure de comprendre le comportement de l’autre pilote et ses motifs, lorsqu’ils doivent faire face à une situation d’urgence en vol ». Kjeld Schmidt (Schmidt 2002) propose une définition détaillée des critères permettant d’atteindre cette efficacité (nous la citons dans sa totalité) :
« ‘Awareness’ is not the product of passively acquired ‘information’ but is a characterization of some highly active and highly skilled practices. Competent practitioners are able to align and integrate their activities because they know the setting, they are not acting in abstract space but in a material environment which is infinitely rich in cues. They understand the processes and the issues, they know how activities intersect, they know what probably will happen and what might happen, they expect things to happen and other things not to happen, they anticipate what will happen next, they are in the rhythm, they monitor for indicators of what is expected to happen, and so on. They know the procedures, the rules, the naming conventions, the schedule. In short, they are not struggling to make sense but in the middle of things, doing what they do every day; they know the drill. Occurrences beyond their immediate line of action is seen, made sense of, and understood against this background. » (Schmidt 2002, 292)
Pour assurer la fluidité dans la compréhension de l’autre, la parole et le comportement gestuel sont des moyens très efficaces (Hutchins and Nomura 2011). Compte tenu du problème à l’origine de ce travail de recherche, nous focaliserons notre étude sur la description du comportement gestuel puisque c’est lui qui est principalement mis en cause par le changement de paradigme entre l’interaction sur des contrôleurs physiques et l’interaction tactile sur des écrans.

L’importance des gestes

La réalisation des gestes, comme leurs perceptions par l’équipage, participe pleinement à l’élaboration de la conscience mutuelle. Dans leur analyse sur les comportements gestuels des commissaires-priseurs et des acheteurs dans les salles des ventes aux enchères, Christian Heath et Paul Luff (C. C. Heath and Luff 2011) montrent l’importance des gestes dans la construction d’une organisation collaborative. L’étude montre que la perception des gestes, en juxtaposition de la parole, est utile pour assurer une coordination entre les interlocuteurs. Les gestes apportent aux paroles des notions de temporalité et de rythme : « The gesture that accompanies the voicing of the increment “two three two” embodies two distinct actions. The first invites the participant to accept the increment, the second – the flip of the hand, up and down, as the gesture begins to withdraw
– acknowledges the bid as it is produced. The gesture is shaped with regard to the concurrent contribution of the principal recipient and in particular his rapid acceptance of the next increment » (C. C. Heath and Luff 2011). Du fait de la séparation des tâches pour assurer la mission de vol, les pilotes doivent coordonner temporellement leurs gestes afin de pouvoir se synchroniser lors des moments de contrôle partagé (cf. 1.1.4). L’analyse de l’activité des pilotes menée par Edwin Hutchins et Saeko Nomura (Hutchins and Nomura 2011) fait état de la complémentarité des gestes et de la parole pour assurer à la fois la conscience de la situation et la conscience mutuelle : « Gesture, talk, printed words and material objects all have different representational affordances. Imagining an activity by simultaneously talking and gesturing about it produces a richer representation than is produced by either talk or gesture alone » (Hutchins and Nomura 2011). L’étude indique que la perception de la singularité des comportements gestuels apporte des détails importants sur la signification des actions : « What is meaningful and what is not, what should be attended to and what should be disregarded as noise, depends on how the gesture is construed » (Hutchins and Nomura 2011). Tandis que la parole annonce l’action, le geste est un indicateur permettant d’avoir une conscience de « comment » l’action est réalisée. Par ailleurs, les pilotes utilisent les gestes pour construire leurs discours, par exemples lors des procédures de prise de décision (cf. 1.3.1) ou durant des formations pour indiquer le déroulement des séquences gestuelles à réaliser. Afin d’approfondir nos connaissances sur l’importances des gestes dans le travail collaboratif, nous présenterons plus tard dans ce manuscrit (cf. 2.3) une analyse détaillée d’après nos propres observations avec des pilotes professionnels.

Table des matières

INTRODUCTION
1 CONTEXTE AERONAUTIQUE
ACTIVITE DE PILOTAGE
Composition d’un équipage
Répartition des tâches
Phases de vol
Flots procéduraux
CONSCIENCE DE LA SITUATION
Définition de la conscience de la situation
Modalités de perception pour accéder à l’information
Organisation de la mémoire
Les limites de la conscience de la situation
CONSCIENCE MUTUELLE
Définition de la conscience mutuelle
L’importance des gestes
VERS UNE IMPLEMENTATION DES SURFACES TACTILES
Évolution des interfaces avioniques
Surfaces tactiles, avantages et limites
Enjeux pour la conscience mutuelle
CONCLUSION
2 COMPRENDRE LES GESTES
ANALYSE DES GESTES NUMERIQUES PAR LE PRISME DE LA CONCEPTION
Caractérisations implicites et tributaires des contraintes
technologiques
A Contraintes d’identification
B Contraintes de discrimination
C Contraintes d’utilisabilité
D Conclusion
Caractérisations réflexives des dimensions des gestes
A Modalités d’entrée et de sortie
B Identification
C Coordonnées
D Temporalité
E Mouvement
F Statut
G Fonctions
H Conclusion
Discussion
LE GESTE, TEMOIN DU COMPORTEMENT HUMAIN
Laisser les utilisateurs concevoir leurs gestes numériques
Définitions des gestes en Sciences Humaines et Sociales
Définir le geste par rapport à la parole
Apprendre pour contrôler ses mouvements
Rythme et dextérité, des indicateurs de performance
Conclusion
ANALYSE DU COMPORTEMENT GESTUEL DES PILOTES
Méthode
Observations
A Rôles et domaines de responsabilité
B Médium d’informations
C Geste atomique et flot procédural
D Rythmes et temporalités
E Spatialisation des contrôleurs
F Intentionnalité
G Technicisation et automatisation des gestes
Conclusion
DISCUSSION DES DIMENSIONS
CONCLUSION
3 CHOIX DE REPRESENTATION
DEFINIR LE STATUT DU DISPOSITIF DE REPRESENTATION
Définitions de la suppléance et de la substitution
Choix du mode de représentation iconique face au modes enactif et symbolique
Enrichir la vision focale pour suppléer la vision ambiante
ÉTAT DE L’ART SUR LES REPRESENTATIONS GESTUELLES
Cas de substitution en situations distribuées
Cas de suppléance en situations co-localisées
Influences de l’art figuratif sur la représentation gestuelle
Les limites des représentations morphologiques
MONTRER L’EXPERIENCE GESTUELLE
Le représentationnalisme ou l’importance de montrer l’expérience gestuelle
Convergence de l’expérience gestuelle avec les informations avioniques
CADRE DE CONCEPTION POUR LA REPRESENTATION GRAPHIQUE
Règles de représentation des gestes numériques pour l’apprentissage
La Sémiologie Graphique
La Gestalt
Règles de performance visuelle pour atteindre la pré-attentivité
CONCLUSION
4 METHODE DE DESIGN
CREATION ET IDEATION
Cartes de support à la conversation
Phase préliminaire de croquis
Une piste de recherche abandonnée
Réorientation vers une nouvelle proposition de design : GestureView
PROTOTYPAGE DES DESIGNS DE GESTUREVIEW
Conception des représentations basées sur des scénarios de pilotage
Implémentation avec Smala, un langage réactif
ENVIRONNEMENT D’EVALUATION
Conception d’une plateforme modulable
Transcriptions et production d’insights
CONCLUSION
5 RECHERCHE PAR LE DESIGN : GESTUREVIEW
CONCEPT DE GESTUREVIEW
PRESENTATION DES CROQUIS
Localisation
Temporalité
Mouvement
Statut
Identification
Trace
Complétude, Rôle et Intention
METHODE
Walkthrough
Plateforme
Scénarios
PRESENTATION DES DESIGNS
Design 1 : Honeycomb
Design 2 : Timeline
Design 3 : Bricks
Design 4 : Onion
Design 5 : Finger Shadow
Design 6 : Button Shadow
Design 7 : Blurring
Design 8 : Rim Texture
RESULTATS
Identification du système implicite sans spatialisation
La complétude
Les dimensions temporelles dans la conscience mutuelle
Niveaux de conscience et de coordination dans la collaboration
La matérialité
DISCUSSION
CONCLUSION
6 EVALUER GESTUREVIEW EN CONTEXTE COLLABORATIF METHODE
Description du système
Design : GestureView
ATELIERS
Sessions d’évaluations qualitatives avec les pilotes
Sessions d’évaluations quantitatives avec les utilisateurs non-experts
RESULTATS
Résultats avec les pilotes
A Percevoir l’erreur « pré-attentivement » pour engager le dialogue
B Les dimensions de temporalité et de trace
C Suppléer le geste, un concept accepté par les pilotes
D Accentuer la complétude
Discussion avec les pilotes
Résultats avec les utilisateurs non-experts
A Tâche principale : La mémorisation des checklists
B Tâche secondaire : La performance dans la tâche de tracking
Discussion avec les utilisateurs non-experts
CONCLUSION
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
TABLE DES FIGURES
BIBLIOGRAPHIE

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *