Cas général d’un groupe compact abélien
L’argument utilisé dans la preuve ci-dessus utilise de façon cruciale l’entropie et le fait que l’automate soit défini sur un groupe fini. On peut donc se demander si le résultat persiste lorsque l’on remplace « (A, +) groupe abélien fini » par « (G, +) groupe abé-lien compact » (par exemple, on pourrait vouloir étudier le cas où le groupe dans lequel chaque coordonnée prend ses valeurs est le tore unidimensionnel R/Z). En remplaçant la mesure uniforme UA par la mesure de Haar normalisée lG sur G, on peut étendre sans difficulté la construction de la filtration F 1 à cadre plus général, mais on voit que la dé-monstration utilisant l’entropie ne s’adapte pas à cette situation où le groupe est continu. En effet dans ce cas l’entropie des processus utilisés dans la démonstration précédente est infinie.
C’est pourquoi on propose maintenant une démonstration alternative du théorème 74, valable dans le cas général où le groupe est compact abélien. Dans cette nouvelle preuve, l’argument d’entropie est remplacé par un argument de disjonction en théorie ergodique.
Quelques résultats sur les couplages et la disjonction en théorie ergodique
La théorie des couplages et de la disjonction en théorie ergodique a été introduite par Furstenberg en 1967 [16], et on en rappelle quelques résultats dont on aura besoin pour la seconde preuve du théorème 74.
Définition 75. Soient X = X(i) i2Z = X(0) Ti i2Z et Y = Y(i) i2Z = Y(0) Si i2Z deux processus stationnaires définis sur des systèmes dynamiques mesurés possiblement différents
Théorème 77. Si X est un processus stationnaire dont les coordonnées sont i.i.d., et si Y est un processus stationnaire d’entropie nulle, alors X et Y sont disjoints.
Le résultat suivant est une application directe de l’existence du « couplage relative-ment indépendant au-dessus d’un facteur commun » (voir par exemple [17]) :
Lemme 78. Soient X1 et Y1 deux processus stationnaires définis dans un système dynamique (X1, A1, P1, T1), et soient X2 et Y2 deux processus stationnaires définis dans un système dyna-mique (X2, A2, P2, T2). On suppose que les deux processus Y1 et Y2 ont même loi. Alors il existe un couplage dynamique (X1, , Y1, X2, Y2) de X1, Y1, X2, Y2, dans lequel
— L(X1, Y1) = L(X1, Y1),
— L(X2, Y2) = L(X2, Y2),
— Y1=Y2.
On considère donc ici l’action de l’automate cellulaire additif sur GZ, où (G, +) est un groupe abélien compact. On note lG la mesure de Haar normalisée sur G. On se servira de ce résultat classique sur la mesure de Haar :
Lemme 79. Soient X et Z deux variables aléatoires indépendantes à valeurs dans G, avec L(X) = lG. Alors L(X + Z) = lG.
Démonstration. Notons r la loi de Z. Pour tout ensemble A G mesurable, en condition-nant par rapport à Z, en utilisant l’indépendance de X et Z, puis l’invariance de la mesure de Haar par translation sur G,
Lemme 80. Soit X une variable aléatoire à valeurs dans GZ. Si X est de loi l G Z, alors (X) est aussi de loi l G Z.
La proposition suivante est la clé pour la démonstration alternative du théorème 74, et c’est en fait la réciproque du lemme 80 :
Proposition 81. Soit X une variable aléatoire à valeurs dans GZ, dont la loi r est -invariante.
Si (X) est de loi l G Z, alors r = l G Z.
Démonstration. Soit r une mesure -invariante sur GZ, dont l’image (r) par l’automate additif est l G Z. Dans le système dynamique G Z, B(G Z), r, , on considère le pro-cessus stationnaire X1 de loi r défini par les coordonnées, et Y1 := (X1) de loi l G Z. On considère également dans le système dynamique G Z, B(G Z), l G Z, le processus stationnaire X2 de loi l G Z défini par les coordonnées, et Y2 := (X2). Par le lemme 80, Y2 est également de loi l G Z. Comme L(Y1) = L(Y2), on peut trouver par le lemme 78 un couplage dynamique (X1, , Y1, X2, Y2) réalisé dans un système dynamique (X , A, P, T),
Il vient que pour tout ensemble fini A et toute application p : T ! A, le processus Z p est périodique de période 2, donc d’entropie nulle. Ceci prouve que h(Z, T) = 0.
Par ailleurs, X2 est un processus stationnaire i.i.d. puisque sa loi est l G Z, donc disjoint de Z par le théorème 77. Ainsi X2 est indépendant de Z. Mais comme X1 = Z + X2, en utilisant le lemme 79 dans le groupe G Z, on obtient que la loi r de X1 est aussi l G Z.
Démonstration alternative du théorème 74. Comme dans la première démonstration page 62, on prend comme variable cible X0(0) et on considère un CTR dynamique (X0, X00) de la filtration facteur (F 1 , ) dans un système dynamique (X , A, P, ). On suppose que ce CTR dynamique est n0-indépendant pour un certain n0 0. On pose également, pour tout n 0, Zn := Xn0 Xn00. Chaque Zn est un processus stationnaire à valeurs dans G, et puisque Xn00 et Xn000 sont indépendants et de loi l G Z, la loi de Zn0 est aussi l G Z. Mais on rappelle que dans cette construction on a, pour tout n 0, (Zn) = Zn 1. Par la proposition 81, une récurrence immédiate prouve que pour tout n0 n 0, on a L(Zn) = l G Z. Il vient alors pour tout d > 0
Étude dynamique de la filtration engendrée par #
On va étudier maintenant la standardité dynamique de la filtration F # engendrée par l’ACP #. On va voir que, contrairement au cas statique où la standardité est établie pour toute valeur de #, on a besoin dans le cas dynamique d’une hypothèse sur le paramètre # pour établir la standardité dynamique : la méthode présentée ici ne fonctionne que lorsque n’est pas trop proche de 0. La question de savoir ce qui se passe pour # petit reste ouverte (voir la discussion en section 3.3.2).
Standardité dynamique pour # assez grand : automate enveloppe et per-colation
Pour étudier le cas où # n’est pas trop proche de 0, on va s’appuyer sur une méthode de couplage introduite par I. Marcovici dans [18] utilisant un ACP annexe appelé ACP enveloppe » associé à l’ACP #. Cette dernière sorte d’automate a été introduite pour prouver certains résultats sur des ACP classiques comme l’ergodicité au sens de Markov. Nous allons voir que cette méthode permet également de montrer la standardité dyna-mique de certaines filtrations facteurs.
Percolation de sites orientée
La théorie de la percolation est développée depuis les années 1950 pour étudier ma-thématiquement certains phénomènes physiques ou naturels, comme l’écoulement d’un liquide dans un milieu poreux, la propagation d’un incendie ou celle d’une épidémie. Dans le contexte où nous l’utilisons ici, il s’agit plutôt de contrôler la transmission de l’information depuis les temps lointains d’un processus jusqu’au présent.
Le principe général de cette théorie consiste à étudier un graphe aléatoire infini, typi-quement construit à partir d’un réseau comme Zd, dans lequel les sommets (ou les arêtes) sont fermés aléatoirement. La question principale est celle de l’existence de composantes connexes infinies.De nombreux modèles de percolation ont été étudiés comme dans [19], mais celui qui est adapté à notre problème est celui dit de « percolation de site orientée sur Z2. On fixe une grille Z Z et l’on considère un graphe où les arêtes lient chaque sommet (n, i) aux sommets (n + 1, i) et (n + 1, i 1). On se donne une famille i.i.d. Yn(i) (n,i)2Z2 de variables aléatoires de Bernoulli de paramètre p 2 [0, 1]. Pour chaque sommet (n, i) on décide si il est ouvert en fonction de Yn(i) : (n, i) est ouvert si Yn(i) = 1, fermé sinon.
Pour n 2 N, on note On l’événement « (0, 0) est connecté au niveau n », et O n l’événe-ment « le niveau n est connecté au site (0, 0) ». On remarque que P(On) = P(O n) car échanger chaque variable aléatoire Yn(i) avec Y n( i) ne change pas la loi du processus, mais échange On et O n.
