Le « moment soixante-sept » les volontaires de la guerre des Six Jours

Le « moment soixante-sept » les volontaires de la guerre des Six Jours

Un des enseignements de notre travail est que le volontariat vers Israël se manifeste principalement, si ce n’est exclusivement, au cours des guerres israélo-arabes. Cependant, tous les conflits ne suscitent pas le même élan de solidarité. Ainsi, pendant la crise de Suez de 1956, peu de Français manifestent le désir de s’engager. Néanmoins, ceux qui s’engagent sont principalement intégrés aux unités NAKHAL, une branche de l’armée israélienne consacrée au développement et à la protection des Kibboutz137 : le volontariat de 1956 marque donc la première étape du passage d’un volontariat militaire stricto sensu, comme en 1948, à un volontariat consacré principalement à des tâches civiles, dont celui de la guerre des Six Jours représente l’aboutissement. La guerre israélo-arabe de Juin 1967, dite « guerre des Six Jours » (5-10 Juin 1967), qui oppose Israël à l’Égypte, la Syrie et la Jordanie, constitue un tournant majeur dans l’histoire d’Israël, sur le plan intérieur (prise de Jérusalem-Est, début de la colonisation des territoires de Cisjordanie) comme sur le plan extérieur. Si la première dimension a été largement commentée et étudiée, sous l’angle de l’histoire politique ou de l’histoire des relations internationales138 , le deuxième aspect, non moins significatif, a été relativement négligé, en dépit de son importance. En effet, la guerre des Six Jours met en évidence la solidité des liens qui unissent Israël à une partie de la diaspora Juive, dont l’élan massif de solidarité envers l’État hébreu au cours de l’été 1967 est le témoin. Cette séquence historique constitue donc un moment clé pour notre sujet, en raison non seulement de l’importance numérique du phénomène de solidarité et de volontariat – selon les estimations, 7000 volontaires issus des différentes régions du monde se rendirent en Israël, dont 860 Français –, mais aussi et surtout de sestransformations : par rapport au volontariat de 1948 dans les unités Machal, des différences majeures peuvent en effet être mises au jour, sur un double plan : celui du profil sociologique des volontaires d’une part, celui des tâches et du rôle qui leur sont confiés d’autre part, les deux dimensions étant évidemment liées.

La guerre des Six Jours

David israélien versus Goliath arabes Il convient tout d’abord de caractériser brièvement le « moment soixante-sept », marqué par une empathie particulièrement forte envers Israël139 . La guerre des Six Jours de juin 1967 a en effet suscité à travers le monde une vague de solidarité sans précédent enversIsraël, du moins depuis la guerre de 1948. En France notamment, de nombreuses manifestations, pétitions, prises de parole sont organisées, rassemblant un large public et la quasi-totalité du spectre politique à l’exception de quelques groupements d’extrême gauche. De fait, si cette vision a depuis été nuancée par de nombreux travaux historiques sur la question140 , la représentation dominante est celle d’Israël, jeune État créé depuis à peine une vingtaine d’années, en proie aux menaces de « cent millions d’Arabes » – la métaphore du David juif menacé d’extermination par les Goliath arabes est récurrente. En 1967, plus que pendant la crise de Suez de 1956, le spectre d’une menace existentielle menaçant la survie de l’État d’Israël réapparaît, à travers des formules chocs comme la menace égyptienne de « jeter les Juifs à la mer » ou la représentation de Nasser comme un « nouvel Hitler ». Dans le cas français, une importe mobilisation de la part d’intellectuels et personnalités politiques voit ainsi le jour : le 16 mai 1967, un comité en faveur d’Israël est créé par le général Marie-Pierre Koenig, et rejoint par des personnalités de tous les bords politiques à l’exception des communistes, tandis que Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir lancent un appel saluant « la volonté de paix et le sang-froid » d’Israël141. La presse française de l’époque, à travers des journaux comme L’Express, est également particulièrement favorable à Israël.

Les volontaires de 1967 : la jeunesse au service des Kibboutzim

Le profil des volontaires de 1967 : rajeunissement et féminisation Selon les archives de Tsahal situées à Tel Aviv, sur lesquelles s’appuient les articles de Nir Arielli143 et Moshe Naor144 , environ 22 500 personnes à travers le monde manifestèrent leur désir de s’engager aux côtés d’Israël en 1967, dont 11 000 Européens. Entre 5000 et 7000 volontaires arrivèrent effectivement en Israël d’ici le 5 juin 1967, et, en tout, on compte en janvier 1968 7435 volontaires présents en Israël. En effet, des vagues de volontaires continuèrent à arriver bien après l’arrêt des combats. Les volontaires Anglais constituent le plus gros contingent de volontaires (1490), précédant les volontaires issus d’Amérique Latine (1500), d’Afrique du Sud (850), de France (860) et des Etats-Unis (750). En réponse à l’engouement des volontaires à travers le monde, le gouvernement israélien met rapidement en place des « comités d’urgence », en collaboration étroite avec l’Agence Juive pour Israël (A.J.I.), qui ouvre ou réouvre des bureaux de recrutement145. Si l’A.J.I. est le relai officiel de l’État d’Israël, elle travaille néanmoins en étroite collaboration avec d’autres organisations juives, notamment le F.S.J.U. (Fonds Social Juif Unifié), les E.E.I.F. (Éclaireurs et éclaireuses Israélites de France) et le D.E.J.J. (Département Éducatif de la Jeunesse Juive) 146. L’objectif pour les autorités israéliennes est en effet, par l’intermédiaire de ces organismes, d’institutionnaliser un élan de solidarité d’abord relativement spontané et soudain. 

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