Le monde du travail en pleine mutation

Le monde du travail en pleine mutation

L’histoire de l’espace de travail 

Associé depuis toujours aux tâches administratives et à la production intellectuelle, le travail de bureau a provoqué des mutations dans l’espace de travail au fil des siècles. Ces transformations de l’espace sont liées au traitement de plus en plus rapide de l’information, d’une productivité toujours plus grande et de l’évolution constante des technologies. Le travail que nous énumérons ici se manifeste premièrement sous une forme nomade. Les premières apparitions du travail intellectuel éclosent dans les travaux des moines et des scribes. Ceux-ci n’avaient pas de poste de travail attitré mais se rendaient là où ils étaient appelés. Plus tard, lors de la sédentarisation du travailleur, les lieux de travail deviennent plus fonctionnels et plus productifs. Cette sédentarisation donnera alors naissance aux lieux de travail où les interactions sociales et la dimension humaine dépassent le concept de productivité et de rentabilité. Alors que les termes comme « communauté au travail » ou « travailleur nomade » sont au cœur du débat aujourd’hui, l’histoire nous apprend que l’homme ne fait que s’améliorer et se répéter. Le scribe énuméré plus haut, avec sa légèreté et sa flexibilité, préfigure du travail nomade d’aujourd’hui, son téléphone dans sa poche et son micro-ordinateur sous le bras.

Isolement et concentration
Le travail que nous connaissons à l’heure actuelle émerge réellement au moyen-âge. C’est pourquoi il est intéressant de commencer l’étude de son évolution à cette époque. La forme de travail dont nous parlons ici est le salariat. Les scriptoria, ancêtres des bureaux, sont utilisés dans les monastères. Ces espaces dans lesquels les moines gardaient la trace des savoirs de l’Antiquité sont de réels lieux de production intellectuelle. Cependant, les moines écrivaient debout. S’assoir était considéré comme un privilège, mais dans l’isolement et dans la concentration la plus totale. Ces deux valeurs du travail bureaucratique prédomineront pendant plusieurs siècles.

Jusqu’ici, uniquement présente dans le monde religieux, la production intellectuelle va se manifester dans le monde des sciences et du commerce depuis de la renaissance, au XIIIème siècle. L’entrepreneuriat voit le jour. Les techniques se sophistiquent et l’économie recherche des travailleurs ayant obtenu une éducation. Le profit est recherché car il n’est plus immoral. Mais jusque maintenant, les espaces commerciaux se trouvaient sous la forme de comptoirs familiaux. En général, ces comptoirs étaient dans l’espace même de la maison. Toute la famille participait à son bon développement et le père de famille en était le responsable. Dans ce contexte, il n’y a pas de séparation entre l’espace de travail et l’espace personnel. Ni entre le temps de travail et le temps privé, étant donné que tous sont regroupés dans un même lieu et que tout le monde y participe. Les commerçants vont alors commencer à utiliser des tables de travail pour leur comptabilité et pour la rédaction de contrat. Plus tard, elles seront utilisées par les ingénieurs et les artistes. C’est dès lorssur ces tables que l’on calcule grâce à des maitres à compter, les « computeurs ». Le bureau est donc bel et bien un lieu de traitement et de production de l’information.

Cependant, ce système va évoluer et vont apparaitre des pièces pour le stockage et pour l’écriture dans les maisons. Par la suite, l‘artisan va commencer à engager du personnel afin de pouvoir déléguer une partie de son travail. C’est à partir de ce moment qu’apparaîtra une hiérarchie entre patron et employé au sein des comptoirs familiaux. Ces grands changements dans l’organisation des comptoirs familiaux poussent ceux-ci à expulser les affaires commerciales en dehors de la maison. À partir de ces modifications du fonctionnement du comptoir familial, maison et  commerce deviennent deux lieux séparés qui vivent à des rythmes différents. Il y a maintenant une séparation entre l’espace personnel et l’espace de travail et entre le temps privé et le temps de travail.

L’activité planifiée et l’organisation administrative augmentent fortement du XVIIème et au XVIIIème siècle. Cette fois, du fait de la centralisation des états. L’Alazzo Uffizi, édifice construit à Florence par les Médicis, est un des exemples des plus révélateurs. L’administration, les archives de l’état ainsi qu’un tribunal y sont regroupés dans un seul et même bâtiment.

C’est à partir du XIX que les espaces de travail vont connaitre de grandes mutations. Les banques font construire des bâtiments qui leur sont uniquement dédiés. Ces espaces ont leur propre architecture. L’image que donne alors la société, à travers l’architecture du bâtiment dans laquelle elle se trouve, devient très importante. Elle se charge d’une symbolique nouvelle.

À cette époque, classer et archiver l’information demeurent toujours plus importants pour le commerce, les intellectuels et les artistes. Ceux-ci s’isolent tour à tour dans des bureaux indépendants et comprennent l’utilité de l’espace de travail et de ses équipements. L’époque des Lumières voit naitre une nouvelle valeur au travail : celle de rendre le citoyen libre et productif. Cette nouvelle valeur, toujours accompagnée de discipline et de concentration, émerge notamment grâce à l’apprentissage. Cette idée aboutira avec les débuts de la scolarité obligatoire.

Société industrielle et bureaux rationalisés
Les premiers bureaux commerciaux apparaissent dans les villes industrielles aux États-Unis à la fin du XIXème siècle. L’amélioration des méthodes de communication avec l’invention du téléphone et du télégraphe, mais aussi grâce à l’invention du chemin de fer, ont permis de délocaliser les activités administratives et de gestion des entreprises en dehors du lieu de production. Cependant, les employés de bureau représentent une minorité dans la population active de l’entreprise. De plus, leur activité est considérée comme non productive dans le processus industriel.

Le Taylorisme guide alorsles bureaux commerciaux, les compagnies d’assurance et les agences gouvernementales pour l’essentiel du travail bureaucratique et pour leur design. La machine à écrire et l’éclairage électrique donnent naissance à un nouveau poste, celui des ouvriers de l’information. Les structures organisationnelles sont alors fortement visibles dans l’aménagement des espaces de travail. Seuls les dirigeants au sommet de la pyramide peuvent prétendre à un bureau personnel. Les employés travaillent dans de grandes zones centrales et bruyantes, voire très mal éclairées. Les fenêtres sont alors placées au-dessus des travailleurs pour favoriser un isolement et une concentration quasi monastique.

Des buildings pour optimiser les coûts du travail bureaucratique
Dans le cadre de la reconstruction de Chicago, à la suite d’un incendie apparu à la fin du XIXème siècle, les architectes vont chercher à rentabiliser le coût et l’utilisation de l’espace. C’est ce qui donnera naissance à ce qu’on appelle aujourd’hui l’école de Chicago, et les premiers buildings sortiront de terre. Cette nouvelle possibilité de construction voit le jour grâce à l’invention de l’ascenseur par Elisha Otis. Les bâtiments peuvent alors être plus hauts et plus spatiaux qu’auparavant. Cette optimisation spatiale s’assimile alors à l’optimisation des revenus bureaucratiques.

Le Home Insurance Building est l’un des premiers buildings construits à Chicago. Suivra ensuite, le Larkin Administration Building, conçu en 1904 par Frank Lloyd Wright, un édifice qui réussira à accueillir plus de 1800 travailleurs. Étant l’un des premiers buildings spécialement conçus pour une organisation, il cumule de nombreuses innovations. Notamment l’air conditionné ainsi que des murs et du mobilier absorbant les nuisances sonores, provoquées par diverses machines du travail bureaucratique.

Dans le Larkin Building les bureaux sont aménagés autour d’un atrium vitré. Les bureaux ne sont séparés que par des petites étagères basses. Cette proximité favorise la notion de contrôle. Une série de dispositifs seront aussi mis en place pour que l’employé s’identifie à son entreprise. Tels que des dictons sur les murs et des activités en dehors du travail, visant à augmenter la rentabilité des travailleurs . Frank Lloyd Wright concevra aussi le mobilier de ces bureaux, dont les premières chaises à roulettes.

Ordre et hiérarchie
Dans les années 30, Franck Lloyd Wright recevra la commande pour la Johnson Wax Company qu’il concevra différemment. Dans cette réalisation, architecture et décoration se mêlent. L’utilisation de couleurs vives semble apporter une dynamique supplémentaire. Franck Lloyd Wright dira : « ce bâtiment est construit pour donner au travail un élan que la cathédrale apporte au culte ». Le Johnson Wax building est un bâtiment qui devait, dans la conception de l’époque, rendre les employés fiers de leur entreprise et ainsi améliorer leur productivité. L’architecture traduit d’ailleurs cette forte hiérarchie, voire un certain paternalisme. À l’intérieur, les supérieurs siègent au-dessus des employés dans une mezzanine. De même, l’absence de vue sur l’extérieur est compensée par un plafond de lumière artificielle. Il s’agit en réalité des premiers bureaux ouverts (Open-Spaces) même si ces derniers n’ont pas encore été inventés.

En 1950, sous l’impulsion des consultants en management, la création des open spaces (ou en français des espaces ouverts paysagers) se mettra en place en Amérique. Pour eux, ces nouveaux espaces devraient favoriser le travail en groupe, les échanges d’informations, diminuer la hiérarchie et favoriser les prises de décisions.

Cet aspect hiérarchique perdurera jusque dans les années 60 aux États-Unis. L’administration se trouvant dans de larges salles, les managers dans des bureaux individuels et les décideurs dans des bureaux disposant de larges couloirs nettement plus luxueux.

En Europe pendant la reconstruction de l’après-guerre, inspirés par le mouvement architectural de Chicago, les représentants du mouvement moderne tels que l’architecte et urbaniste Le Corbusier prôneront l’élaboration d’une « ville fonctionnelle » dans un certain purisme teinté d’utopie. « Là où naît l’ordre naît le bien-être », déclarera Le Corbusier.

Table des matières

Introduction
Partie 1 : Le monde du travail en pleine mutation
L’histoire de l’espace de travail
Introduction
Isolement et concentration
Société industrielle et bureaux rationalisés
Des buildings pour optimiser les coûts du travail bureaucratique
Ordre et hiérarchie
L’ère de la collaboration et de l’ouverture
L’industrie créative : des canapés dans les bureaux
Les grandes modifications
L’évolution des technologies de l’information et de la communication (TIC)
La question démographique
Les organisations requestionnées
Les modifications économiques
Les nouvelles géographies des lieux de production tertiaire
Le retour des activités tertiaires dans le centre-ville
Les nouvelles géographies des lieux de travail
L’isolement au travail
De nouvelles formes d’apprentissage
Le bien-être au travail
Vie privée et espaces de travail
Conclusion
Partie 2A : reconversion d’un îlot de logements monofonctionnel en un quartier mixte
Situation : quartier de Vennes-Fétinnes, Liège
Historique
Le master plan
Zone d’intervention
Concept
Partie 2B : PHYSARUM – Conception d’un espace de travail répondant aux exigences de demain
Description
La population attirée
Objectifs
Implantation
Programme
Les espaces de travail
Images du projet
Conclusion

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *