Le renforcement des opinions publiques grâce à la communication numérique

La défense des opinions avec le numérique

Les grands partis politiques sont censés être suffisamment proches des citoyens pour que l’on puisse les considérer comme l’émanation des grands courants d’opinion.
Néanmoins, les taux d’abstention aux élections et les désenchantements de nombreux Français obligent à limiter cette considération. Le processus électoral n’a de sens que si les citoyens peuvent au préalable participer au débat démocratique, qui doit permettre à tout citoyen de se construire une opinion personnelle. Cela suppose un système d’information neutre et la volonté de faire librement circuler dans la société toutes les analyses politiques ou du moins celles qui ne sont pas abjectes ou fondamentalistes. Ces conditions sont réalisées dans nos sociétés démocratiques modernes, même si l’obtention de financements et les relations donnent bien plus de moyens pour se faire entendre.
La construction des opinions. Une difficulté qui émerge quand on a des idées à défendre, est de savoir comment parvenir à les faire participer à la construction de l’opinion publique, et on estime que cette question est un enjeu politique majeur dans une démocratie.
L’opinion publique est un processus qui fait intervenir des mécanismes de surveillance mis en place par les institutions étatiques comme le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel.
L’importance de l’opinion publique est telle que tous ceux qui ont des intérêts à défendre une position essayent de l’influencer de façon plus ou moins discrète et honnête654. Le lobbying du secteur privé est aussi très puissant et il se généralise, y compris au sein même de l’Assemblée Nationale et de l’Union européenne et on sait quel est le rôle que jouent les lobbyistes à Bruxelles pendant les réflexions avant la prise des décisions.
Il existe une égalité formelle dans les institutions publiques, mais aussi de très fortes inégalités dans les moyens d’actions qui sont le résultat de l’histoire socioculturelle. Internet, la généralisation des téléphones mobiles et des smartphones ont permis de faire évoluer des capacités d’échange d’opinions et de dialoguer entre citoyens, ce qui a inquiété les pouvoirs institutionnels, politiques et économiques. Actuellement on assiste à la reprise en main par tous ces pouvoirs de cette prise de parole considérée comme insuffisamment encadrée : la loi LOPPSI 2 est l’expression de cette volonté de maîtriser ces nouveaux moyens de communication. De plus, les lobbyistes, souvent de façon non transparente, investissent dans les socials networks ou créent des sites Web défendant spécifiquement certains intérêts.On pense qu’il est nécessaire d’insister sur le fait que toutes les opinions ne sont pas bonnes, même celles publiques. Prenons par exemple l’opinion publique durant les jours qui suivent un attentat terroriste ayant fait des blessés et des morts. Pendant les heures, et les quelques jours suivants, les personnes sont très choquées et peuvent être tentées de faire des choix radicaux. Les sondages montrent que, par exemple, pendant une certaine période, qui reste limitée dans le temps, la volonté de rétablissement de la peine de mort atteint de hauts niveaux dans le contexte après attentat655. Depuis cinquante ans en France, les instituts de sondages utilisent les données issues des sondages pour prendre une « image » de la société civile à un moment donné. Ces instituts cherchent une opinion publique cachée quelque part : à travers les réseaux sociaux sur internet, dans des manifestations publiques, dans certains articles de presse, dans des scrutins électoraux, et qui pourrait émerger et se développer dans la société jusqu’à devenir l’opinion majoritaire. Il faut reconnaitre l’impossibilité d’un sondage capable de savoir la vraie réalité de ce que, par exemple, pensaient vraiment les Français des décisions politiques des guerres en Libye, au Mali, des dispositions antisémites de Vichy ou de la guerre en Algérie.

La formation de l ’expression de la volonté générale

La transformation des opinions, de la volonté générale en lois. Si ces deux concepts sont souvent associés en philosophie politique il ne faut pas en conclure directement qu’il en est de même dans les textes constitutionnels de 1958 et dans la jurisprudence constitutionnelle. Comme l’indique Jean-Christophe Le Coustumer dans sa thèse, à la lecture des textes constitutionnels, on constate que la volonté générale ne se trouve mentionnée qu’une seule fois, dans la Déclaration de 1789 à l’article 6 qui prévoit que : « La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs talents ». Il ressort de ce texte que la formule sur la loi expression de la volonté générale mise en exergue dans cet article 6 est l’introduction à des dispositions de deux genres assez différents. La première précision suivant cette formule concerne la participation des citoyens à la formation de la loi, la seconde concerne la mise en oeuvre des principes d’égalité devant la loi et de nondiscrimination dans l’exercice des fonctions publiques657. Avec les NTIC, l’expression de la volonté générale pourrait être revitalisée tout en respectant autrui et l’intérêt général.
Le respect d’autrui et de l’intérêt général. Lorsque l’État viole lui-même ces règles, le Conseil constitutionnel sanctionne la disposition législative en cause. La violation du « Contrat social » par un  organe d’État est-elle plus grave que celle commise individuellement ? Il est difficile d’apporter une réponse claire et nette à cette question.
Apporter une réponse reviendrait alors à répondre à la question de l’existence d’une valeur et d’une hiérarchie entre les individus et les institutions. Ce qui est certain est que le Conseil constitutionnel nous protège contre l’autoritarisme étatique et l’utilisation trop large ou disproportionnée du justificatif de l’intérêt général pour la protection de la sécurité publique par exemple. Ce rôle constitutionnel conduit à l’apparition d’une sorte de curseur social qui a des répercussions polymorphes dans la vie en Société et permet depuis la révision constitutionnelle de 2008, un dernier recours pour invalider ou abroger la loi, à travers la procédure de la QPC658.
La « majorité » serait le critère de la vérité dans notre société civile, d’où l’importance des enquêtes d’opinion659. Un des arguments les plus importants pour donner de la crédibilité à une opinion non vérifiable expérimentalement est le calcul du pourcentage des personnes qui sont convaincues de la justesse de cette opinion. Ce qui est dangereux, c’est la tentation pour les partis politiques d’instrumentaliser les médias numériques et l’opinion publique pour tenter de mettre en échec un rival politique, par exemple avecl’utilisation de trolls660. Une publication vidéo sur internet qui montre une personne politique en une « situation équivoque » peut avoir des effets dévastateurs sur son avenir personnel, professionnel et politique. À l’ère du numérique un citoyen-internaute a autant d’efficacité en « postant » sur le net qu’en a un militant politique lors de la distribution des tracts661. Pour qu’une opinion se développe et pour qu’elle puisse grandir, il faut qu’elle soit bien comprise et considérée comme méritant d’être répétée par plusieurs citoyens, hommes et femmes politiques, médias et réseaux sociaux. Dans les nouveaux réseaux sociaux, c’est le lien créé par un centre d’intérêt commun qui augmente l’efficacité de la communication. Ce centre d’intérêt commun peut être contraire au respect des droits d’autrui et donc être la source de préjudices.

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La volonté générale et les normes constitutionnel 

Une loi n’exprime la volonté générale que de façon conditionnelle. En dehors des usages relatifs à la mise en oeuvre du principe d’égalité, le Conseil constitutionnel s’est servi de la formule de l’article 6 de la Déclaration de 1789 pour lui donner une interprétation particulière662. Dans une décision du 23 août 1985 relative à la Nouvelle-Calédonie le juge constitutionnel énonce au détour d’une argumentation sur la procédure législative, que la loi votée n’exprime la volonté générale que de façon conditionnelle, si ce n’est conditionnée. Cette expression de la volonté générale est ainsi soumise au respect du texte constitutionnel et des normes de valeur constitutionnelle663. Se pose alors la question de déterminer si la volonté générale exerce une contrainte sur la volonté délibérative du Conseil constitutionnel.
La contrainte de la volonté générale exercée sur la volonté délibérative du Conseil constitutionnel a toujours constitué une évidence dans la nécessité d’un contrôle a priori664. Mais ce constat parait être identique dans le processus de la QPC. Les dispositions de l’article 61-1 de la Constitution laissent entendre que cette volonté délibérative serait plus autonome à l’égard de la volonté générale pour plusieurs raisons. Le juge constitutionnel réalise une intervention car le contrôle de constitutionnalité, ici, succède à la procédure législative. La construction même de la procédure de la QPC démontre que la procédure d’instruction du

L ’influence de la volonté générale sur la volonté délibérative

L’influence de la volonté générale sur la volonté délibérative demeure faible dans la procédure de contrôle de constitutionnalité. Ce constat s’explique pour deux raisons, d’abord parce que lors de la QPC, le Secrétaire général du Gouvernement adresse (uniquement) au Conseil constitutionnel des observations 665 , ensuite parce que le Secrétaire général du Gouvernement n’intervient pas comme un défenseur de la loi, mais comme un défenseur de l’État, par conséquent ce n’est pas un défenseur de la loi contre la Constitution, mais plutôt un défenseur de l’État et du gouvernement. L’émancipation de la volonté délibérative du Conseil constitutionnel par rapport à la volonté générale est plus forte dans la QPC que dans le contrôle a priori car l’intérêt du juge constitutionnel est ici de défendre les droits et libertés constitutionnellement garantis par la Constitution et le contrôle de QPC reste un contrôle objectif, et abstrait de la loi à la Constitution. En second lieu, en dépit du caractère révolutionnaire des QPC, il convient de souligner que la culture du contrôle a priori et par voie d’action imprègnent la culture du contrôle a posteriori. En réalité c’est plutôt une culture du contrôle DC sur le contrôle QPC qui serait à analyser comme plus efficiente.

La création d’ une protection constitutionnelle contre la surveillance étatique de l’ opinion publique

Dans un État de droit, les citoyens bénéficient de garanties constitutionnelles contre toute surveillance étatique de l’opinion publique (1). Néanmoins des possibilités étatiques pour mesurer l’opinion publique, par exemple pour effectuer des contrôles justifiés pour l’intérêt général, doivent rester possibles, dès lors il est nécessaire de mettre en oeuvre une balance des intérêts.

La surveillance étatique de l ’opinion publique

Dans certains États l’opinion publique est surveillée. Dans ces États les populations ou du moins des parties de la population en faveur du parti politique dirigeant sont appelées à manifester leur approbation du pouvoir et des choix politiques à travers des grandes manifestations. Les journalistes, notamment par l’utilisation des NTIC, montrent ces grandes manifestations d’approbation par exemple en Corée du Nord. L’intérêt étatique se constate aussi dans les politiques de contrôle et de surveillance des activités sociales que les nouvelles technologies et les bureaucraties renforcées organisent. Il s’agit de la mise au jour d’une opinion surveillée, au travers de dispositifs technologiques et sociaux. L’opinion publique àl’ère du numérique peut être épiée par de nombreux intéressés. Une sorte de totalitarisme dans la communication numérique est possible grâce aux technologies numériques. Une telle situation réduirait le rôle de la population à celui d’une entité collective domestiquée, contrôlée par la propagande omnisciente, l’histoire a démontré que souvent seule la résistance de quelques personnes ou de quelques groupes rompt avec cette passivité.
L’opinion publique gérée par l’État avec la communication numérique. Les travaux sociologiques sur les rapports des citoyens « ordinaires » à la politique invitent à rester méfiants sur les conditions d’une éventuelle sensibilisation massive des individus à l’ensemble des enjeux qui mobilisent les acteurs de la compétition. Les travaux sur le totalitarisme démontrent les atrocités commises à la suite de la création par exemple d’une police soviétique de l’opinion publique. L’opinion publique gérée par l’État fait apparaître des citoyens « domestiqués » dévoués à l’État. L’ignorance ou le conformisme peuvent être produits et conservés dans des politiques spécifiques et constitués de fait en acceptations du régime. Un autre exemple est celui de la politique raciste du régime nazi. La politique nazie s’est progressivement structurée sur une indifférence des composantes de la population, indifférence que les dirigeants ont appris à gérer et à entretenir en utilisant, à partir du milieu des années 30, les avantages du secret d’État et du respect apparent de certaines procédures.
Les changements d’autorité, de système, les crises politiques, ou les révolutions libérales ne réduisent pas la diversité des modes de construction de l’opinion. Aux États-Unis dans les années 30 et en France dans les années 50 s’est opéré le passage d’un indicateur de l’opinion fondé sur la prise en compte de certains faits comme le nombre des cartes électorales à un indicateur statistique de l’opinion basé sur l’utilisation des sondages d’opinion. C’est le régime de l’opinion,notamment sa réalité, son contenu, qui se trouve modifié dans ce passage. Les sondages d’opinion sont une importante innovation pour mieux comprendre les exigences des citoyens. Des tentatives d’analyse de l’opinion publique existent et sont beaucoup utilisées, et relativement bien maîtrisées par les hommes et femmes politiques666.
Dans la vie en Société et notamment dans le choix des dirigeants politiques, les citoyens doivent constamment parvenir à faire un choix entre plusieurs opinions.

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