LES ACTEURS DE L’ENSEIGNEMENT ET DE LA RECHERCHE

LES ACTEURS DE L’ENSEIGNEMENT ET DE LA RECHERCHE

Pour commencer, il faut se demander si la liberté d’expression et la liberté académique désignent une seule et même réalité dans le secteur de l’enseignement159. Pour répondre à cette question, il convient d’analyser d’un côté, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle belge et de l’autre, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Ainsi, de son côté, la Cour constitutionnelle semble nuancée sur cette question, dans une jurisprudence constante qui énonce que « la liberté académique traduit le principe selon lequel les enseignants et les chercheurs doivent jouir, dans l’intérêt même du développement du savoir et du pluralisme des opinions, d’une très grande liberté pour mener des recherches et exprimer leurs opinions dans l’exercice de leurs fonctions » 160. La Cour strasbourgeoise, quant à elle, dans son arrêt Mustafa Erdogan et autres contre Turquie161, a établi que « la liberté académique, en matière de recherche et d’enseignement, devrait garantir la liberté d’expression et d’action, la liberté de diffuser des informations et la liberté de mener des recherches et de diffuser la connaissance et la vérité sans restriction », tout en rajoutant que « cette liberté ne se limite toutefois pas à la recherche académique ou scientifique, mais s’étend également à la liberté des académiques d’exprimer librement leurs opinions, même si elles sont controversées ou impopulaires, dans les domaines de leur recherche, de leur expertise professionnelle et de leur compétence » 162 . La réponse à cette question se trouve dans la jurisprudence de la juridiction constitutionnelle qui énonce que « la liberté académique constitue un aspect de la liberté d’expression, garantie tant par l’article 19 de la Constitution que par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme » 163. Il est donc établi que la liberté d’expression académique fait partie de la liberté académique.

Les acteurs visés 

Tous les acteurs de l’enseignement ainsi que de la recherche, à savoir les enseignants, les chercheurs et les étudiants, sont concernés par la liberté d’expression académique172 173 . Pourtant, la liberté d’expression académique n’est a priori pas limitée à ces acteurs174. En effet, la Cour ne semble pas fermer la porte à d’autres individus. Lorsque la Cour consacre la liberté académique, elle contextualise l’affaire et relève les circonstances permettant d’affirmer la protection175 . Il existe donc certaines circonstances qui semblent entrer en ligne de compte pour établir ou vérifier le caractère académique d’un propos176. Cependant, certaines circonstances semblent peser davantage dans la balance, comme par exemple le fait d’avoir soutenu et publié une thèse de doctorat ou encore le fait de faire preuve d’analyse critique, documentée et de qualité177. Dès lors, il ressort que la Cour européenne des droits de l’homme ne dispose pas de critères exhaustifs permettant de déterminer si oui ou non il est possible de revendiquer la liberté d’expression académique.

Le régime

La Cour européenne des droits de l’homme ne confère pas une protection académique renforcée : dans la jurisprudence de la Cour, la liberté d’expression académique ne bénéficie pas d’un traitement particulier par rapport à la liberté d’expression en général178. Cependant, la Cour lui accorde un poids spécifique, en indiquant qu’elle redoublera de vigilance en cas d’ingérence179 . En effet, la Cour souligne l’importance de la liberté académique : la Cour fera preuve d’une sensibilité plus grande et, donc, d’une tolérance moins importante en présence d’une ingérence180. En effet, « l’exercice de la liberté d’expression académique fait l’objet d’un contrôle plus marginal, et l’ingérence dans celle-ci d’un contrôle plus approfondi » 181. Ainsi, dans son arrêt Sorguç 182 notamment, elle a énoncé « l’importance de la liberté académique, qui autorise notamment les universitaires à exprimer librement leurs opinions sur l’institution ou le système au sein duquel ils travaillent ainsi qu’à diffuser sans restriction le savoir et la vérité » 183 184 . Un autre exemple est l’arrêt Mustafa Erdogan185, dans lequel la Cour souligne une nouvelle fois l’importance de la liberté académique dans la recherche et l’enseignement ainsi que des travaux académiques186 . Une fois encore, la Cour européenne des droits de l’homme ne semble pas adopter une position précise, ce qui est regrettable. A cet égard, les juges Sajó, Vučinić et Kūris, dans leur opinion concordante, sous l’arrêt Mustafa Erdogan187, souhaitent que la Cour procède de manière différente, c’est-à-dire qu’ils en appellent à une approche plus spécifique de la Cour188 . En effet, ils sont notamment désireux qu’elle adopte une position plus tranchée dans la protection académique.

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