Les conséquences des crimes violents

Les conséquences des crimes violents 

Les personnes victimes de crimes violents voient leur vie quotidienne et sociale bouleversée à divers égards. Par exemple, il est possible d’imaginer que la tentative de meurtre et l’agression sexuelle puissent marquer profondément les victimes et les membres de l’entourage, car l’acte violent génère possiblement une perte de sens des valeurs par sa nature déshumanisante. Selon Baril (2002) les obstacles que les personnes victimes rencontrent ont diverses conséquences qui se circonscrivent principalement en quatre dimensions, c’est-à-dire au plan : a) physique; b) économique; c) social; d) psychologique. Afin de mieux comprendre le fonctionnement et l’étendue des conséquences pour les personnes victimes de crimes violents, il est intéressant de les détailler davantage pour tracer un portrait ajusté de leur situation.

Conséquences physiques

D’après le rapport de Statistiques Canada (2014b), le nombre de personnes victimes de crimes violents ayant subi au moins une blessure corporelle mineure est d’environ 134 000 , représentant moins de la moitié (47 %) de l’ensemble des victimes de crimes violents. Toutefois, selon Wemmers (2003), à la suite d’un crime violent les personnes victimes peuvent souffrir des différentes blessures mineures ou graves causées par les gestes d’autrui. Ces blessures peuvent également engendrer pour les victimes de crimes des incapacités temporaires ou permanentes (Baril, 2002). Conséquemment, pour parvenir à tracer un portrait de la situation de la personne quant aux répercussions physiques Wemmers (2003) souligne qu’« il est important d’évaluer la gravité des blessures par rapport au contexte. » (p.68).

Les données de l’Institut national de la statistique du Québec (ISQ, 2015, p. 20) indiquent que parmi les crimes avec violence les voies de fait sont ceux qui se produisent le plus souvent (69,4 %), tandis que l’agression sexuelle est celle considérée comme étant le plus grave (16,5 %), hormis le meurtre. D’ailleurs, la parution en 2014 du Rapport annuel d’activité 2013 pour l’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) (Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec, 2014) va dans le même sens. Ce rapport indique que ces deux actes criminels constituent 63 % des crimes pour lesquels les personnes font une demande de prestations . L’atteinte à l’intégrité physique des personnes victimes s’avère donc être touchée différemment selon l’acte commis.

En plus de l’intégrité physique, la santé physique des victimes est également touchée. Les victimes d’actes criminels ont plus de risques de souffrir de douleurs chroniques, de fibromyalgie, de troubles gastro-intestinaux, de problèmes de sommeil et de constater une diminution de leur forme physique et de la qualité de vie qui y est associée (Wathen, 2012). Être victime d’un acte criminel violent pourrait aussi être un facteur de risque prédisposant aux problèmes de santé ultérieurs, puisqu’il a été montré que la fréquence de l’activité physique diminuait grandement après avoir subi un crime, les victimes se sentant moins en sécurité pour vaquer à leurs activités habituelles (Janke et al., 2016).

Conséquences économiques 

Au Québec, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) rapportait dans le rapport annuel de 2013 de l’IVAC que « les prestations versées à titre d’indemnités aux victimes d’actes criminels et à leurs personnes à charge totalisent 99 359 466,20 $ » (Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec, 2014, p.17), ce qui représentait une augmentation de 10,7 % par rapport à l’année précédente. Les personnes victimes d’actes criminels peuvent donc bénéficier du soutien financier de l’État à partir du régime de protection de l’assurance maladie (RAMQ) et celui d’IVAC, afin de couvrir la plupart des frais médicaux relatifs aux soins de blessures. Par contre, il est possible de croire que les coûts globaux de la violence criminelle dépassent largement ceux calculés par l’IVAC. En effet, tout porte à croire que les multiples répercussions affectent non seulement les personnes victimes, mais également, bien qu’indirectement, leur famille ainsi que leur communauté. Ces pertes financières peuvent être directes (par ex. coût des biens volés ou endommagés, sommes d’argent volées) et indirectes (par ex. changements d’emplois dus à la peur; frais de sécurité accrue; déménagements; coûts de la collaboration avec le système de justice) (Baril, 2002; Wemmers, 2003).

Conséquences sociales

La littérature révèle que lorsque le problème de la violence criminelle « […] gagne en gravité et en fréquence dans un milieu, […il] déchire le lien social, diffuse la peur et détruit la confiance […] » (Cusson et al., 2013, p.13) ce qui amène des répercussions importantes sur le bien-être. En 2002, Baril a identifié quatre répercussions sociales pour les personnes victimes de violence criminelle : la rupture de liens, le stress vécu par l’entourage, la contagion de la peur (p.ex. par les médias) et la perpétuation de la violence. Les répercussions de cette violence affectent donc non seulement la personne, mais également les membres de son entourage ainsi que sa communauté. En effet, il est possible d’imaginer qu’à la suite d’un crime violent, la personne victime reçoive du soutien social des membres de son entourage (principalement les membres de la famille et les amis), ce qui peut contribuer à son bien-être (Andrews et al., 2003; Cyr et Wemmers, 2011; Feeney et Collin, 2015). Toutefois, il importe de considérer la manière dont la personne perçoit sa situation, c’est-à-dire si elle se considère être ou non une victime. Pour Wemmers (2003), se définir comme une victime peut au contraire contribuer à l’effritement des relations avec l’entourage. Il faut savoir que la victimisation peut affecter le fonctionnement social de la personne victime, et ce, possiblement du fait que cette dernière en vienne à se percevoir différemment sur le plan identitaire. Cette nouvelle perception de soi peut avoir des répercussions sur ses interactions sociales, notamment sur sa relation amoureuse ou sur son rôle parental (Hanson et al., 2010). Il arrive également que l’entourage de la personne la définisse comme telle, alors qu’elle peut se percevoir autrement qu’en victime. Ce regard de l’entourage risque donc de générer des sentiments négatifs, comme le rejet, la stigmatisation, la discrimination qui peuvent mener la personne victime à vivre de l’exclusion sociale.

En 2011, Cyr et Wemmers ont d’ailleurs souligné que cette exclusion sociale peut aussi survenir de l’expérience des victimes d’actes criminels par rapport au système de justice pénale. Elles abordent la reprise de pouvoir d’agir de ces dernières et les facteurs structurels qui peuvent l’influencer, par exemple le soutien sociopolitique que ces victimes reçoivent. Considérant cet enjeu potentiel des droits des victimes dans le système de justice pénale qui peut avoir des répercussions sur le lien de citoyenneté, il semble opportun de prendre en compte cette possible rupture sociale pour les victimes que Paugam (2008) nomme, le déni de reconnaissance ou le déficit de protection.

L’effritement des relations avec l’entourage peut aussi être occasionné par le fait que l’agresseur se trouve dans cet entourage. Le rapport de l’IVAC (CSST, 2014) soulève que la majorité des personnes victimes connaissent leur agresseur (77,7 %), qu’il s’agisse d’un membre de la famille, d’une connaissance, du conjoint ou encore de l’ex-conjoint. La relation entre l’agresseur et la personne victime est reconnue comme un enjeu souvent majeur dans les situations de violence du fait de la possible perte de ce lien affectif. Ainsi, « la rupture d’un lien peut être une épreuve entraînant des conséquences graves pour l’individu, [mais] elle peut aussi être un soulagement ou une sorte de libération. » (Paugam, 2008, p.88). Cette rupture du lien est, pour Paugam (2008), nécessairement causée par une modification de la situation de protection ou de la situation de reconnaissance et il les définit comme suit : La protection renvoie à l’ensemble des supports que l’individu peut mobiliser face aux aléas de la vie […], la reconnaissance renvoie à l’interaction sociale qui stimule l’individu en lui fournissant la preuve de son existence et de sa valorisation par le regard de l’autre ou des autres. (2008, p.63).

Vivre une rupture des liens sociaux occasionne le sentiment d’impossibilité de compter sur l’autre et pour l’autre (Paugam, 2008) et pourrait ainsi mener la personne à s’isoler socialement et à vivre de l’exclusion sociale.

Conséquences psychologiques 

Parmi les conséquences présentées, celles qui touchent la dimension psychologique, selon Wemmers (2003), s’avèrent parmi celles les plus difficiles à vivre. Rossi et Cario (2013) vont sensiblement dans le même sens et soulignent que « la perte de la qualité de vie ou la détérioration du bien-être de la personne [est considérée comme] une des premières répercussions majeures de la victimisation violente » (p.536). La recherche de Norris et al. (1997) a quant à elle permis d’identifier certaines conséquences du crime violent sur la santé mentale qui affecteront notamment l’estime de soi, le sentiment de sécurité et la confiance en autrui des personnes victimes. De plus, ces conséquences peuvent se manifester sur le plan comportemental se traduisant par exemple par l’incapacité de sortir, le retrait social, la consommation abusive de drogues et d’alcool ou encore le fait de déménager fréquemment (Hill, 2003). En 2018, le Rapport québécois sur la violence et la santé de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) rapporte qu’à la suite d’une agression sexuelle à l’âge adulte les conséquences les plus fréquemment vécues sont les suivantes : les symptômes de stress post-traumatique, la peur, l’anxiété́, la phobie sociale, l’automutilation, les idéations suicidaires, les tentatives de suicide et l’abus de drogues et d’alcool. La majorité des effets observés sont donc négatifs, et ce, du fait que les conséquences psychologiques des crimes violents qui risquent fortement d’ébranler leur santé mentale. Ces multiples conséquences identifiées amènent à approfondir dans les prochains paragraphes l’influence qu’elles peuvent avoir sur le développement de troubles mentaux.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1
1.1 DÉFINITION ET AMPLEUR DES CRIMES VIOLENTS AU CANADA ET AU QUÉBEC
1.2 LES CONSÉQUENCES DES CRIMES VIOLENTS
1.2.1 Conséquences physiques
1.2.2 Conséquences économiques
1.2.3 Conséquences sociales
1.2.4 Conséquences psychologiques
CHAPITRE 2
2.1 LES CONCEPTS DE SANTÉ MENTALE ET DE TROUBLE MENTAL
2.2 LE RÉTABLISSEMENT
2.2.1 Deux conceptions du rétablissement
2.2.2 Les phases du rétablissement
2.2.2.1. La phase initiale : Trouver et entretenir de l’espoir
2.2.2.2. Les phases intermédiaires : Reconstruire une identité positive de soi et donner du sens à sa vie
2.2.2.3. La phase finale : Reprendre du pouvoir sur sa vie
2.2.3 Les facteurs d’influence du rétablissement des personnes
2.2.3.1. La redéfinition du « soi »
2.2.3.2. La reprise de pouvoir d’agir
2.2.3.3. La relation avec les autres (soutien émotionnel)
2.3 LA RÉSILIENCE
2.4 ÉTAT DES CONNAISSANCES ACTUELLES SUR LE RÉTABLISSEMENT DES PERSONNES VICTIMES DE CRIMES VIOLENTS
CHAPITRE 3
3.1 LE MODÈLE BIOÉCOLOGIQUE
3.2 LE LIEN SOCIAL
3.3 LE SOUTIEN SOCIAL
CHAPITRE 4
4.1 LE TYPE D’ÉTUDE
4.2 LA QUESTION ET LES OBJECTIFS DE RECHERCHE
4.3 LA POPULATION, LA MÉTHODE D’ÉCHANTILLONNAGE ET L’ÉCHANTILLON
4.4 LA STRATÉGIE DE COLLECTE DE DONNÉES
4.4.1 Déroulement des rencontres avec les participantes
4.4.2 Les outils de collecte de données
4.5 L’ANALYSE DES DONNÉES
4.5.1 Analyses qualitatives
4.5.2 Analyses quantitatives
4.6 L’ÉTHIQUE DE LA RECHERCHE
4.7 LA DIFFUSION DES RÉSULTATS
CONCLUSION

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