Les hémorragies graves du post partum

En souscrivant aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), le Maroc s’est engagé à réduire de trois quarts la mortalité maternelle (OMD 5) (1). En effet, selon l’OMS, environ 830 femmes meurent chaque jour dans le monde du fait de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement. En 2015, 303 000 femmes sont décédées pendant ou après la grossesse ou l’accouchement. La majeure partie de ces décès se sont produits dans des pays à revenu faible et la plupart auraient pu être évitéspar un personnel médicalqualifié possédant du matériel et des médicaments appropriés. (118)

Au Maroc, les dernières données rapportées par le ministère de la santé ont montré une réduction importante du ratio de la mortalité maternelle, qui est passée de 112 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes en 2010, à 72,6 en 2017. Soit une réduction de l’ordre de 35% (119).

Selon les données rapporté par le ministère de la sante, les HPP représentent 52% des décès maternels. L’HPP est communément définie comme une perte sanguine d’au moins 500 ml survenant dans les 24 heures qui suivent l’accouchement. On parle d’hémorragie grave lorsque les pertes sanguines sont supérieures à 1000 ml dans le même intervalle de temps.

Une coopération rapide entre l’obstétricien, l’anesthésiste et la sagefemme, est primordiale pour apporter une réponse adaptée et optimale à chaque cas tout en évitant lasurvenue des complications graves (étatde choc hypovolémique, coagulation intra vasculaire disséminée, insuffisance rénale…).

Pour cela, une bonne connaissance des mécanismes physiopathologiques, des facteurs de risques, ainsi qu’une surveillance régulière par consultation prénatale (CPN) pendant la grossesse est nécessaire pour permettre une bonne prévention primaire, en repérant à temps les grossesses à risque, et secondaire pour une bonne prise en charge des complications.

A travers ce travail de thèse, notre objectif a été de définir un profil épidémiologique des patientes présentant une HPP, décrire les moyens de prise en charge de l’HPP et leur impact sur le pronostic maternel, ainsi que les moyens de prévention de cette entité qui reste une des cause de mortalité les plus importante dans notre pays.

On définit l’hémorragie du post partum par tout saignement issu du tractus génital supérieur à 500 ml ou plus dans les 24h qui suivent l’expulsion fœtale, que ce soit par voie basse ou par césarienne. (2)

Cette définition de l’HPP basée sur un seuil de perte sanguine, simple à la première lecture, pose en fait plusieurs difficultés : d’une part, le choix du seuil ne repose pas sur des bases scientifiques solides ; d’autre part, la quantification exacte des pertes sanguines en post-partum est difficile en pratique et la méthode d’évaluation de ces pertes influence le volume relevé. (4)

Un autre aspect controversé de la définition de l’HPP est celui de la pertinence de fixer un seuil différent de perte sanguine selon la voie d’accouchement. La plupart des études disponibles décrivant la distribution des pertes sanguines portent sur les accouchements par voie basse. Certaines études historiques ont rapporté une perte sanguine post-partum moyenne plus élevée lors d’une césarienne. Sur la base de ces données anciennes et peu détaillées, l’HPP après césarienne a longtemps été définie par une perte sanguine ≥ 1000 ml. Cependant, ce seuil différentiel est remis en question actuellement. En effet, on voit mal comment un même volume de perte sanguine aurait des conséquences différentes en termes de morbidité maternelle selon la voie d’accouchement. (4)

Ainsi, dans la mise à jour la plus récente des recommandations de l’OMS (104), cette différence de seuils de perte sanguine selon la voie d’accouchement n’apparaît pas, l’HPP étant définie de façon globale pour tous les accouchements. (4)

Devant ces difficultés de standardisation de la mesure de la perte sanguine, d’autres critères de définition de l’HPP basés sur des marqueurs biologiques de perte sanguine, indépendants du jugement humain, ont été proposés : perte peripartum de 10 % d’hématocrite ou de 2 g/dl d’hémoglobine ou inclusion de ces paramètres biologiques dans une formule plus complexe prenant en compte la morphologie de la femme. Cependant, ces définitions alternatives, utiles à des fins de recher che, ne peuvent être utilisées en temps réel pour guider la prise en charge, et la mesure directe de la perte sanguine reste le moyen le plus adapté pour diagnostiquer et traiter rapidement une hémorragie du post-partum en pratique clinique. (4)

Les définitions proposées de l’HPP sévère (HPPS) présentent les mêmes limites que celles de l’HPP, et sont encore plus hétérogènes.Pour la dé finition classique basée sur le volume de perte sanguine, le seuil de 1000 ml est le plus habituel. Certaines études au Royaume-Uni proposent néanmoins un seuil à 1500 ml, le RCOG distingue les HPP mineures (perte sanguine entre 500 et 1000 ml), et les HPP majeures si la perte sanguine est > 1000 ml ; mais ces dernières sont subdivisées en HPP modérées avec un volume perdu de 1000 à 2000 ml et HPP sévères pour une perte sanguine> 2000 ml. En Écosse, une perte sanguine > 2500 mldéfinit l’HPP menaçant le pronostic vital. Il n’y donc pas de consensus sur le seuil de perte sanguine témoignant de la sévérité de l’HPP ; cependant, le seuil de 1000 ml semble le plus classique et c’est généralement à ce stade que les signes cliniques de mauvaise tolérance du saignement et d’instabilité hémodynamique apparaissent chez ces femmes jeunes et en bonne santé. (4)

Dans une revue récente de la littérature, il ressort que les facteurs de risque de l’HPP sont nombreux : l’utérus cicatriciel; l’extraction instrumentale; la durée du travail;l’administration d’ocytocine pendant le travail; le délai de la délivrance; l’hyperthermie; le poids de naissance; l’antécédent d’HPP .

Bien qu’ils soient très nombreux, ils restent globalement peu prédictifs individuellement. L’utérus cicatriciel est un facteur de risque de rupture utérine, principalement quand le délai entre la césarienne antérieure et l’accouchement est réduit. La société des obstétriciens et gynécologue du canada (SGOC) conseille d’informer toute femme qui accouche dans les 6 à 24 mois qui suivent une césarienne du risque de rupture utérine au cours du travail. (101)

L’extraction instrumentale est également associée à une augmentation du risque d’HPP par rapport à la voie basse spontanée et ce sur-risque est indépendant de l’épisiotomie qui elle aussi représente un facteur de risque significatif de l’HPP, l’analyse des données françaises de l’étude Pythagore 6 montre un risque d’HPP sévère multiplié par 2 en cas d’accouchement par voie basse instrumentale par rapport à la voie basse spontanée.

Table des matières

INTRODUCTION
MATÉRIELS ET MÉTHODES
I. But de l’étude
II. Matériels de l’étude
1. Type et durée de l’étude
2. Population de l’étude
3. Critères d’inclusion et d’exclusion
III. Méthodes de l’étude
1. Recueil des données
2. Limites de l’étude
RÉSULTATS
I. Effectifs
II. La prévalence
III. Caractéristiques des patientes
1. Age
2. L’origine géographique
3. Le mode d’admission
4. La gestité
5. Parité
6. L’âge gestationnel
7. Le suivi de la grossesse
8. Les antécédents obstétricaux
9. Les complications obstétricales de la grossesse actuelle.
10. Synthèse des facteurs de risques
11. L’accouchement
12. Résumé des caractéristiques des patientes
13. Etat des nouveaux nés
IV. Le diagnostic positif
1. La quantité du sang de l’hémorragie de la délivrance
2. L’état hémodynamique.
V. Le diagnostic étiologique
VI. La prise en charge
1. Les mesures de réanimation
2. Le traitement médical
3. La prise en charge obstétricale
4. La prise en charge chirurgicale
5. Récapitulatif des gestes pratiqués
VII. Morbidité maternelle
VIII. Mortalité maternelle
DISCUSSION
I. Définition
II. Epidémiologie
1. Fréquence
2. Age
3. Parité
4. Lieu d’accouchement
5. Le suivi de la grossesse
6. Terme de la grossesse
7. Facteurs de risque
III. Diagnostique
IV. Etiologies
1. L’atonie utérine
2. Les anomalies d’insertion placentaire
3. Les traumatismes de la filière génitale
V. Prise en charge
1. Prise en charge initiale
2. Prise en charge secondaire
VI. Morbidité maternelle
1. C.I.V.D
2. L’insuffisance rénale
3. Lésions vésicales
4. Thrombose veineuse
5. Risque de transfusion
6. Infection
7. Hystérectomie et stérilité définitive
8. Syndrome de sheehan
9. Allaitement maternelle
VII. Mortalité maternelle
VIII. Recommandations
CONCLUSION

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