LES INSTRUMENTS DE PROTECTION DES DROITS DE L’ENFANT DANS LA POLITIQUE COMMERCIALE COMMUNE

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La diplomatie de l’Union européenne

La diplomatie européenne consiste en la représentation de l’UE à l’extérieur et est incarnée par le SEAE dirigé par le Haut représentant de l’UE. La diplomatie de l’Union constitue une limite à la protection des droits de l’enfant dans ses politiques extérieures en  raison des différents enjeux et des susceptibilités que doit ménager tout diplomate à l’égard de ses interlocuteurs a fortiori lorsque ce sont des États avec lesquels l’UE a intérêt à maintenir de bonnes relations.
Le Haut représentant qui se déplace partout dans le monde et rencontre les chefs d’États, de gouvernements ou les représentants d’États tiers représente l’UE, défend ses intérêts et ses valeurs. Il est chargé de conduire la PESC de l’Union aux termes de l’article 18 du TUE ainsi que de l’exécuter conjointement avec les États membres aux termes de l’article 26 du même traité. Il est supposé être la voix politique de l’Union sur la scène internationale. Néanmoins, son action en faveur de la protection ou à tout le moins de la promotion des droits de l’enfant au niveau international est limitée. En effet, même si l’article 3 §5 du TUE parle bien de protection, il est possible de penser qu’à défaut de pouvoir assurer une protection de ces droits, l’UE chercherait à en faire la promotion dans le cadre de son service diplomatique. Mais les choses ne sont pas aussi simples, en effet plusieurs intérêts et plusieurs considérations entrent en jeu au niveau international et il est parfois délicat pour le service diplomatique de l’Union de satisfaire à cette exigence constitutionnelle particulière. Ce caractère particulier tient au fait qu’il s’agit des droits de l’enfant, or, traiter de ces droits peut s’avérer délicat dans certains États tiers avec lesquels l’Union entretient pourtant des relations soutenues.
 Laurence Burgorgue-Larsen, « La régionalisation du développement » In SFDI (dir.), Droit international et développement, Paris, A. Pedone, 2015, p. 438. En 2016, le Haut représentant a de nouveau rencontré les dirigeants chinois pour évoquer la question migratoire ainsi que la nécessité d’une action en Syrie112, une rencontre a également eu lieu afin de renforcer les relations bilatérales économiques et politiques entre l’UE et la Chine en incluant des thèmes tels que la crise des réfugiés, le changement climatique ou les droits de l’homme113. Cet exemple reflète une situation que l’on peut qualifier d’équivoque au regard du fait que l’UE s’entretient avec cet État (et d’autres), dans lequel les droits de l’enfant ne sont pas respectés, à propos d’autres États dont le comportement n’est pas moins irréprochable. Cette situation s’explique par le fait que le service diplomatique de l’UE dirigé par le Haut représentant qui rappelons-le est chargé de conduire et d’exécuter la PESC, ne sert pas seulement les intérêts politiques de l’UE, il sert également ses intérêts économiques. Le propre d’un service diplomatique est d’être une passerelle entre deux acteurs internationaux, le SEAE en tant que passerelle veille à ce que l’UE entretienne de bonnes relations avec les autres acteurs. Cette mission de passerelle est d’autant plus importante lorsque l’interlocuteur représente un intérêt économique évident pour l’Union. La Chine est l’un des deux principaux partenaires commerciaux de l’UE juste après les États-Unis. Elle représente 15% du commerce de biens de l’UE, soit 521 milliards d’euros par an114. Au deuxième rang des partenaires commerciaux de l’UE, il n’est pas dans son intérêt d’instaurer avec la Chine un dialogue sérieux relatif à la protection des droits de l’enfant surtout lorsqu’on connait les difficultés de cet État avec la notion même de droits de l’enfant115. C’est également le cas pour le premier partenaire commercial de l’Union. Nous avons eu l’occasion de dire que les États-Unis sont le seul pays
ne pas être partie à la CIDE, ce qui dénote une certaine défiance à l’égard des droits de l’enfant. Or, le Haut représentant n’aborde pas le statut des droits de l’enfant, ni ne les promeut
  Communiqué de presse, La haute représentante et vice-présidente Federica Mogherini a rencontré M. Wang Yi, ministre des affaires étrangères de la République populaire de Chine, New-York, 19 septembre 2016.
  Communiqué de presse, High Representative Mogherini at EU-China Summit, Beijing, 13 juillet 2016.
  Eurostat, Principaux partenaires commerciaux de l’UE en 2015 : les États-Unis pour les exportations, la Chine pour les importations, 60/2016, 31 mars 2016.
  L’image très répandue de ces enfants chinois fabriquant des produits tels que des produits de téléphonie (voir par exemple : Sébastien Seibt, « Chine : des enfants-ouvriers dans l’usine d’un fournisseur de Samsung », France 24, 14 juillet 2014) ne manque pas de venir à l’esprit mais autrement plus délicat est le cas des enfants « en trop » c’est-à-dire des enfants qui sont nés lors de la politique de l’enfant unique mais qui ne sont pas les aînés. Ces enfants ne disposent pas, encore aujourd’hui alors que cette politique a été annulée, d’une identité officielle, ce qui les empêche d’être scolarisés, d’être employés, d’avoir une sécurité sociale, etc. Si ces enfants peuvent en théorie obtenir la régularisation de leur existence, en pratique cela est difficilement possible en raison des frais attachés à la déclaration d’une naissance illégale sous l’empire du précédent régime des naissances. Ainsi, avec une amende infligée aux parents de plusieurs dizaine de milliers d’euros qu’il leur est impossible de payer, les enfants « en trop » sont condamnés à n’avoir aucun droit dans leur pays (voir : « Les enfants invisibles », émission de télévision Sept à huit, 26 février 2017). dans le cadre de ses relations avec les États-Unis. C’est l’illustration même de « l’irréductible diplomatique116 ».
  A l’inverse, le Haut représentant n’hésite pas à promouvoir les droits de l’enfant lorsqu’il rencontre les représentants d’États à l’égard desquels le rapport de force lui est favorable, c’est-à-dire à l’égard desquels elle n’a pas un intérêt commercial considérable. Dès lors, nous constatons que le SEAE sert les intérêts de l’Union en toute logique, mais qu’il les sert en ajustant la place accordée à la protection des droits de l’enfant selon ses opportunités commerciales. Pour être provocant, l’on pourrait qualifier le SEAE de « VRP » (voyageur, représentant et placier) de l’UE. Pour nuancer ce propos et comme nous le verrons dans la suite de cette thèse, les imbrications des différentes politiques extérieures de l’UE les unes aux autres sont telles qu’elles tendent à compliquer l’appréhension de la mission diplomatique du Haut représentant.

La réalisation de la protection des droits de l’enfant dans l’action extérieure de l’Union européenne

Pour continuer dans la provocation ou à tout le moins dans l’interpellation, il faut ici citer le professeur Burgorgue-Larsen qui disait lors du 48è colloque annuel de la Société française pour le droit international en 2014 que : « l’Union européenne est un État comme les autres117 ». Cette phrase marquée par l’ironie peut faire sourire les plus critiques ou choquer les internationalistes les plus intransigeants, mais elle se vérifie, dans sa philosophie, lorsqu’il s’agit de la défense des intérêts commerciaux de l’UE ainsi que de celle de sa sécurité intérieure comme nous le démontrerons dans cette thèse. Toute la difficulté d’un tel sujet réside notamment dans l’encadrement de l’action extérieure de l’Union (A), celle-ci étant tellement vaste et composée de multiples politiques qu’elles soient extérieures par nature

Table des matières

LISTE DES PRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS
SOMMAIRE
INTRODUCTION
Paragraphe introductif – La place des droits fondamentaux dans l’Union européenne
A- La timide entrée des droits de l’homme dans l’Union européenne
B- La consécration des droits de l’homme dans l’Union européenne
Paragraphe 1 – L’intérêt particulier de l’Union européenne pour la protection des droits de l’enfant
A- Le statut des droits de l’enfant au sein de l’Union européenne
1) Un nouvel objectif constitutionnel
2) La compétence de l’Union européenne pour assurer la protection des droits de l’enfant
B- La protection des droits de l’enfant dans l’action internationale de l’Union européenne
1) La particularité des droits de l’enfant en droit international
2) Les droits de l’enfant : un enjeu pour l’identité d’acteur international global de l’Union européenne
Paragraphe 2 – Les moyens d’action à la disposition de l’Union européenne pour réaliser l’objectif de protection des droits de l’enfant dans son action extérieure
A- Les politiques extérieures de l’Union européenne pertinentes pour la protection
droits de l’enfant
1) Les politiques extérieures de l’Union européenne cadre de la protection des droits de l’enfant au niveau mondial
2) Une politique extérieure par externalisation d’une politique interne cadre de la protection des droits de l’enfant
B- Les limites à la protection des droits de l’enfant dans les politiques extérieures de l’Union européenne
1) La sauvegarde des intérêts économiques de l’Union européenne
2) La diplomatie de l’Union européenne
Paragraphe 3 – La réalisation de la protection des droits de l’enfant dans l’action extérieure de l’Union européenne
A) La difficulté d’encadrer l’action extérieure de l’Union européenne
B) La difficile concrétisation des mesures de protection des droits de l’enfant dans l’action extérieure
PREMIERE PARTIE :
LA PROTECTION DES DROITS DE L’ENFANT DANS LES POLITIQUES EXTERIEURES ECONOMIQUES DE L’UNION EUROPEENNE
TITRE 1
LA POLITIQUE COMMERCIALE COMMUNE COMME OUTIL DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’ENFANT AU NIVEAU INTERNATIONAL
CHAPITRE 1
LES INSTRUMENTS DE PROTECTION DES DROITS DE L’ENFANT DANS LA POLITIQUE COMMERCIALE COMMUNE
SECTION 1 – LES NORMES DE PROTECTION DES DROITS DE L’ENFANT APPLIQUEES PAR L’UNION EUROPEENNE
Paragraphe 1 – L’intégration lacunaire des droits sociaux des enfants dans le droit de l’Union européenne
A – Le manque de prise en compte par l’Union européenne des normes fondamentales du travail relatives aux enfants adoptées par l’Organisation internationale du travail
1) La détermination des normes pertinentes de l’Organisation internationale du travail
a) L’opposabilité renforcée des conventions du Programme international pour l’abolition du travail des enfants
i) La Convention n°138 de l’Organisation internationale du travail
ii) La Convention n°182 de l’Organisation internationale du travail
b) Le régime d’opposabilité traditionnel des autres conventions de l’Organisation internationale du travail
2) L’application des normes pertinentes de l’Organisation internationale du travail dans l’Union européenne
a) L’application des conventions pertinentes de l’Organisation internationale du travail par l’Union européenne
i) L’application des conventions pertinentes de l’Organisation internationale
travail par l’Union européenne
α) L’influence des conventions pertinentes sur le droit primaire de l’Union européenne
β) L’application des conventions pertinentes dans le droit dérivé de l’Union européenne
ii) L’applicabilité des conventions pertinentes de l’Organisation internationale du travail dans les États membres
b) Le contrôle de l’application de ses conventions pertinentes par l’Organisation internationale du travail
i) La procédure traditionnelle de soumission des rapports périodiques
ii) Les procédures spéciales de contrôle de l’application des conventions
α) La procédure de réclamation
β) La procédure de plainte
B – L’intérêt marqué de l’Union européenne pour les sources secondaires des droits sociaux des enfants
1) Les dispositions relatives aux enfants dans les textes sociaux
a) La Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs un texte « oublié »
i) Une Charte communautaire des droits sociaux reléguée au second rang
ii) Les enfants dans la Charte communautaire des droits sociaux : des principes protecteurs aux droits lacunaires
b) Une meilleure protection des enfants dans la Charte sociale européenne
i) Une protection sociale des enfants insusceptible de dérogation
ii) L’influence de la Charte sociale européenne sur l’Union européenne
2) Les dispositions sociales relatives aux enfants dans les conventions générales
a) L’absence total d’impact des dispositions sociales de la Convention internationale des droits de l’enfant sur le droit de l’Union européenne
b) La terminologie particulière des dispositions sociales relatives aux enfants
la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
Paragraphe 2 – La lacune de la prise en compte postérieure des autres droits de l’enfant par l’Union européenne
A- L’intégration par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne d’une conception restreinte des droits de l’enfant

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