LES RAISONS DU SUCCÈS DU GALION DE MANILLE

LES RAISONS DU SUCCÈS DU GALION DE MANILLE

Le galion de la soie

Durant des siècles, le luxe et le prestige par le vêtement allèrent de pair en Europe avec la soie et les tissus précieux. Les Novohispanos, sans gros effort, avaient le marché à leur portée, et disposaient par le galion de Manille des marchandises orientales si appréciées. La conséquence logique en fut qu’ils s’en servirent largement. Ces raisons, ajoutées à la limitation du volume des soutes du bateau, firent de la soie le chargement le plus précieux et le plus important, et nous expliquent la qualification de galion de la soie quand le bateau arrivait à Acapulco. La majorité des soies qui parvenaient à Manille provenaient de Chine, -Canton et Lanquín-, bien qu’il y en ait aussi de fabrication japonaise, ou hindoue, cette dernière étant enregistrée sous le nom de soie de Bengala693 . Les soies chinoises arrivaient dans tous les états d’élaboration, soit non tissées, en soie écrue appelée en pelo, soit en rama ensuite terminées dans les ateliers de Mexico, de Antequera ou de Puebla. La liste de marchandises chinoises que le capitaine don Pedro Zúñiga expédia de Manille en 1602 à Antonio Rodríguez, un vecino de Puebla, nous montre la multiplicité des types de soies envoyées mais aussi le goût pour les couleurs de ce luxe exagéré caractérisant le vêtement du XVIIème siècle: satins de couleur noire, blanche ou chorreados694, velours llanos -sans ornement-, noirs, verts, ou bleu foncé, velours labrados -ornés, les broderies chinoises finement œuvrées étaient très appréciées-, noirs, violets, verts, rouges, ou bruns brodés de demi oranges, damas mandarine foncé et de toutes les couleurs, capicholas695 , gorgoranes 696 noirs et de couleur697. Arrivaient aussi des soies fleuries que les Espagnols appelaient primaveras698 , ou unies, généralement utilisées pour les doublures, des gazes délicates pour les collerettes, ou décorées avec des fleurs d’or et d’argent699, des broquarts brodés de fils d’or et d’argent, ou parfois de la soie en mèches utilisée pour broder les ornements religieux, les étendards, les bannières ou dans la décoration des dais, des baldaquins, des tapis de table ou des coussins700 . Oropeza Keresey rapporte que la chapelle de la Hacienda de Nuestra Señora del Buen Suceso à Coyuca, qui appartenait à Pablo de Carrascosa, conservait dans: …una caja de madera de China, con su cerradura y llave, los frontales del altar, uno hecho de damasco mandarín blanco aforrado en lienzo crudo con fleco de oro y seda blanca, el otro damasco mandarín encarnado bordado de seda encarnada verde y oro, también contaba la capilla con un guion (estandarte) de damasco mandarín encarnado en un lado figurado el Santísimo Sacramento.

La décoration des intérieurs

Si nous déplaçons notre intérêt du vêtement vers l’intérieur de la maison des familles fortunées ou moins aisées, nous observons que le mobilier et les objets de décoration que rapportait le galion de Manille étaient hautement appréciés: plus on en accumulait et plus on les montrait, plus toute famille d’importance du XVIIème siècle confirmait son prestige. L’aposento, la chambre, était une pièce qui manquait d’intimité; normalement on y accédait directement depuis le salon. Le lit était le meuble le plus important, et il était choisi plus par le luxe déployé que pour sa commodité: la valeur des tissus ostentatoires qui le décoraient dépassait généralement son coût intrinsèque. Don Pedro de Zúñiga prévenait don Antonio Rodríguez que parmi les marchandises qu’il envoyait, il y avait mis: …una cama de terciopelo carmesí con seis piezas que son cuatro cortinas, una cabecera, y unos pies, y otras tres piezas más que son el cielo y unas sobrecamas y unos rodapiés, que son por todos nueve piezas todas cuajadas y bordadas con hilo de oro guarnecidas y acabadas con seis docenas de alamares720 cortos; mas lleva la cama una almohada y dos acericos721 bordado todo como la almohada y acericos. A nueve pesos y medio. Mas una sobrecama de terciopelo azul oscuro bordado como lo demás guarnecida y acabada y forrada que costo cuarenta y ocho pesos. Otra sobrecama de terciopelo carmesí bordada con hilo de oro aforrada guarnecida y acabada722 . Les pièces dont parle Pedro de Zúñiga correspondent à des lits à quatre montants où s’attachaient les armatures qui soutenaient les ciels et les rideaux723. On préférait les soies et les précieux tissus chinois pour leur décoration, et généralement, comme dans cet exemple, les pièces formaient jeu. Dans ce cas précis, nous ne savons pas comment était le meuble; mais grâce à Gonzalo Curiel, on sait qu’il pouvait être de madera laqueada, ou con fondo negro o rojo, y decoraciones en oro. Tal vez las más suntuosas fueron las de madera de ébano con columnas salomónicas e incrustaciones de marfil724 . A coté du lit, des caisses ou de grands coffres, en général de plus d’une vara de long, posés sur des supports de bois, conservaient les habits personnels, la literie, et les autres objets de valeur. Pilar Gonzalbo Aizpuru note que ils étaient parfois décrits con primorosas labores de talla y marquetería, con incrustaciones de concha, y a veces pintados725 . A la tête du lit, la coutume était de pendre un Christ en ivoire. Au début du XVIIème siècle, commencèrent à arriver les statues en ivoire travaillées habituellement dans les provinces de Canton et Fujian en Chine, ou par la communauté de Chinois aux Philippines726. Ces ivoires étaient travaillés par les tailleurs à partir de statues ou de gravures apportées par les missionnaires, et ainsi les premiers avaient des visages avec les yeux bridés. 

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