Les risques environnementaux des nanoparticules

TERMINOLOGIE

Le concept de nanotechnologie a été établi par Richard Feynman en 1959 dans une communication orale intitulée: «There’s Plenty of room at the Bottom» (Feynman, 1960). Il a ensuite été repris en 1974 par Taniguchi, chercheur japonais à l’Université de Tokyo, pour désigner la fabrication de matériaux à l’échelle du nanomètre (Taniguchi, 1974). Dans les années 1980, le développement de la microscopie à effet tunnel (STM) a aussi favorisé l’intérêt pour la nanotechnologie (Hunt, 2004). Plusieurs définitions des nanoparticules ont été proposées. Les termes « particules ultrafines » ou « nanoparticules » sont définis différemment selon leur taille et le domaine d’étude. En toxicologie et en science des matériaux, les nanoparticules (Np) sont définies comme étant des particules de diamètre inférieur à 100 nm (Roco, 2003). Cependant, en écotoxicologie, les nanomatériaux (NM) sont inclus dans la nanoéchelle. La taille des particules de ces NM est supérieure à 100 nm et peut aller jusqu’à quelques centaines de nanomètres (Handy et Shaw, 2007; Handy et al., 2008).

À une plus grande échelle, dans les domaines de la combustion et de l’industrie pharmaceutique, les Np sont définies comme étant toutes les particules 0 < 1 /lm (1000 nm) (Oberdorster, 2007). Les organismes gouvernementaux US National Nanotechnology Initiative (NNI) et Royal Society and the Royal Academy of Engineering définissent la nanoscience comme étant l’étude de phénomènes et de la manipulation de matériaux à l’échelle atomique, moléculaire ou macromoléculaire, d’une taille comprise entre 1 et 100 nm, ce qui est la définition la plus répandue. D’autre part, la nanotechnologie est définie comme étant la création et l’utilisation de structures, de matériaux et de systèmes qui ont de nouvelles propriétés et fonctions, différentes de celles à grande échelle. Nous retiendrons dans nos travaux la définition de Np comme étant toute particule dont la taille est comprise entre 1 et 100 nm. Dans les eaux naturelles, il existe plusieurs tailles de particules (figure 3). En effet, la fraction dissoute a été communément définie comme étant tout composé passant au travers un filtre ayant un seuil de coupure à 0,45 /lm (Nowack et Bucheli, 2007), et elle tend à diminuer vers un seuil de 0,22 /lm (220 nm). La fraction colloïdale a été définie comme étant formée des composés dont la taille est comprise entre 1 mm et 1 nm (Buffle, 2006). De façon classique, la fraction particulaire est constituée de tous les composés ayant une taille supérieure à 0,22 /lm (0 > 0,22 /lm). La séparation entre chaque fraction a été définie de façon empirique par les techniques de filtration existantes, ce qui peut introduire des artefacts et des limitations pratiques (Lead et Wilkinson, 2006). La nouvelle classe des nanoparticules se situe à l’interface de la fraction dissoute et de la fraction colloïdale (figure 3). Ainsi, la définition de la fraction colloïdale doit être reconsidérée. En effet, les nouvelles techniques d’analyse permettent de définir la fraction particulaire comme étant formée des particules 0 > 100 nm, suivie par la fraction nanoparticulaire comprise entre 1 et 100 nm. Toutefois, un débat persiste sur la limite supérieure de la fraction nanoparticulaire en fonction des domaines d’étude.

REVUE DES MÉTHODES D’ÉVALUATION POUR L’EXPOSITION DES NANOPARTICULES DANS L’ENVIRONNEMENT

Le développement des méthodes analytiques pour les Np en est à ses débuts. Le domaine des colloïdes aquatiques étant un domaine d’étude important, il existe plusieurs méthodes d’analyse qui peuvent être utiles pour l’étude des Np (Lead et Wilkinson, 2006), comme les méthodes microscopiques (par exemple la microscopie électronique et la microscopie à force atomique), le fractionnement par taille (par exemple, l’ultrafiltration, la Field-jlow fractionation (FFF) ou la centrifugation) et la chromatographie (par exemple, la chromatographie par exclusion de taille ou de perméation sur gel (CET et CPG). La méthode de référence pour la séparation des colloïdes et des particules est actuellement la filtration à flux tangentiel par rapport à l’osmose inverse ou la nanofiltration. Cependant, l’importance de la FFF pour la séparation et la caractérisation des colloïdes aquatiques est en pleine croissance en raison de sa facilité de couplage aux techniques de détection sensible. Par exemple, un couplage de plus en plus répandu est celui du FFF avec la torche à plasma et la spectrométrie de masse (lCP-MS) (Lyvén et al. , 2003; Stolpe et al., 2005). De nombreuses techniques ont été utilisées pour identifier et caractériser les Np inorganiques naturelles (Burleson et al., 2004).

Les plus souvent utilisées sont la microscopie électronique à transmission (MET) ou à balayage (MEB) et la microscopie par sonde (par exemple : la microscopie à force atomique (AFM) et la microscopie à effet tunnel). Ces techniques permettent d’obtenir des images des Np. Cependant, elles connaissent leurs limites, car seule une infime fraction de matière est caractérisée par elles, ce qui signifie qu’il peut être extrêmement difficile d’assurer une caractérisation représentative de l’échantillon. De plus, la préparation des échantillons et les conditions de mesure peuvent souvent modifier la structure des Np (Burleson et al. , 2004). L’ application des techniques connues pour les colloïdes montre quant à elle certaines difficultés et même des résultats divergeant entre les méthodes disponibles (Domingos et al., 2009). L’étude du devenir environnemental des nanoparticules et de leur toxicité potentielle nécessite le développement de nouvelles méthodes d’analyse, car la faible taille de ces particules est un handicap majeur pour leur détection.

FLUX ET COMPORTEMENTS DES NANOPARTICULES DANS L’ENVIRONNEMENT AQUATIQUE : AGRÉGATIONS DES ORGANIQUES ET DES Np DANS L’EAU COLLOÏDES

À l’heure actuelle, aucune donnée n’existe sur les quantités de Np anthropiques présentes dans l’environnement. Cela est dû aux comportements complexes qu’elles y ont et aux limitations analytiques. Ainsi, les connaissances sur le flux, le comportement et l’écotoxicologie des Np dans l’environnement aquatique sont très limitées, car la nature du système aquatique est complexe par sa chimie, son hydrologie et son écologie. Il existe différentes fractions de particules dans le système aquatique. La phase solide en suspension dans les eaux naturelles est un mélange complexe de matériaux de compositions chimiques et de tailles différentes. La figure 5 montre les différents types et phases de matériaux rencontrés dans le milieu aquatique (KI aine et al., 2008). Les propriétés de surface sont les facteurs prépondérants qui régissent la stabilité et la mobilité des Np. Par exemple, des Np stables en suspension sont un préalable pour une interaction efficace avec les micro algues, car elles peuvent conduire à une accumulation ou à des effets toxiques (Navarro et al., 2008a). Les Np métalliques sont généralement enrobées par des composés inorganiques ou organiques tels que le citrate, la cystéine et les carbonates, par des tensioactifs comme le dodécylsulfate de sodium (SDS) (Mafune et al., 2000), ou encore par des polymères tels que le polyvinylpyrrolydone (PVP) et le polyéthylène glycol (PEG), ce qui maintient leur stabilité en suspension. Par conséquent, dans le milieu aquatique, les Np métalliques sont fortement dépendantes de la composition de leur manteau stabilisateur (Mafune et al., 2000).

Dans l’ environnement aquatique naturel, les Np peuvent interagir avec les colloïdes organiques ou les Np naturelles pour former des agrégats (figure 6). Afin de quantifier leur compartiment dans l’environnement, il faut tenter de prévoir leur stabilité en suspension et leur tendance à s’agréger ou à interagir avec d’autres particules (Mackay et al., 2006). L’ agrégation et la sédimentation des particules sont des phénomènes étroitement liés (Wiesner et al. 2006). L’ agrégation décrit l’ interaction entre deux objets mobiles, alors que la sédimentation renvoie à une liaison avec une particule de phase immobile. En ce sens, la cinétique de sédimentation/agrégation peut être définie par un processus à deux étapes d’un transport de particules suivi d’une liaison (Elimelech et O’melia, 1990). Le transport colloïdal des particules (1 nm à 1 flm) est déterminé par convection et diffusion (mouvement Brownien), alors que la liaison avec d’ autres particules/surface est contrôlée par les forces d’interaction colloïdales (Navarro et al. , 2008a). Ce processus de sédimentation/agrégation est déterminé par les propriétés de surface des Np, qui sont essentiellement dépendantes de paramètres tels que la température, la force ionique du milieu, le pH, la concentration en particules et la taille (Dunphy Guzman et al. , 2006).

Table des matières

Remerciements
RÉSUMÉ
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES XII
LISTE DES ABRÉVIATIONS, DES SIGLES ET DES ACRONyMES
Chapitre 1 Introduction générale
1.1. HISTOIRE ET IND USTRIE DES NANOMATÉRIAUX
1.2. TERMINOLOGI E
1.3. PROPRIÉTÉS GÉN ÉRALES DES Np
1.4. L ES TYPES DE MATÉRIAUX
1.4.1. Les nanocarbones
1.4.2. Les points quantiques (QD)
1.4.3. Les dendrimères
1.4.4. Les nanoparticules métalliques
1.5. REVUE DES MÉTHOD ES D’ÉVA LUATION POUR L’EXPOSITION DES NANOPA RTICULES DANS L’ENVIRONNEMENT
1.6. FLUX ET COMPORTEMENTS DES NANOPARTICULES DANS L’ENV IRONNEMENT AQUATIQUE
1.6.1. Flux et comportements des nanoparticules dans l ‘environnement aquatique : agrégations des colloïdes organiques et des Np dans l ‘eau
1.6.2. Les nanoparticules comme polluants : Effet sur les organismes
1.6.3. Interaction entre les organismes, les Np et les contaminants
1.7. LES RISQUES ENVIRONNEMENTAUX DES NANOPARTICULES
1.8. LES NANOPARTICULES D’ARGENT
1.8.1. Méthodes de préparation des nanoparticules
1.8.2. Synthèse de nanoparticules d ‘argent par réduction des sels d ‘argent
1.9. APPLICATIONS DES NANOPARTICULES D’ARGENT
1.10. APPROCHE ET OBJ ECTIFS
1.10.1. Approche
1. 10.2. Objectifs
Chapitre 2 Synthèse et caractérisation de nanoparticules d’argent radioactif nOm Ag à haute activité spécifique pour application en sciences environnementales
2.1. RÉSUMÉ
2.2. INTRODUCTION
2.3. MATÉRIAUX ET MÉTHODES
2.3.1. Produits chimiques
2.3.2. Préparation des NpAg-PAAm
2.4. RÉSULTATS ET DISCUSSION
2.4.1. Synthèses des NpAg àfroid
2.4.2. Radiomarquage des NpAg
2.4.3. Autoradiographie .48
2.5. CONCLUSION 50
Chapitre 3 Étude biocinétique de l’argent dissous et de différentes tailles de nanoparticules d’argent radiomarquées (NpllOmAg) durant l’accumulation et l’élimination du pétoncle d’Islande (Chlamys islandica) 
3.1. RÉSUMÉ
3.2. INTRODUCTION
3.3. MATÉRIELS ET MÉTHODES
3.3.1. Organisme, radiotraceur et procédure expérimentale
3.3.2. Radioanalyse et traitement des données
3.3.3. Modèles cinétiques d ‘accumulation et d ‘élimination
3.3.4. Autoradiographie
3.3.5. Analyses statistiques
3.4. RÉSULTATS ET DISCUSSION
3.4.1. Cinétique d ‘accumulation et d ‘élimination de trois formes de l ‘argent, mesurée par comptage gamma in vivo.
3.4.2. Les mécanismes d’action de l ‘hépatopancréas sur les NpAg
3.4.3. Mécanisme de dissolution des Np et composition de la solution de NpAg
3.5. CONCLUSION
Chapitre 4 Conclusion
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *