LES SITES SACRES PREISLAMIQUES A ANJOUAN

LES SITES SACRES PREISLAMIQUES A ANJOUAN

Types et répartition

 A Anjouan, une des îles de l’archipel, outre les mosquées, chaque localité possède généralement d’autres lieux de culte publics appelés ziara, où on honore des esprits autochtones (humains ou matériels) : par exemple les villages de Koni Ngani et Koni-Djodjo, puis Mro-Maji (Région de Bambaola-Mtsanga) ont leur lieu de culte : la grotte de Hamampundru 75 et qui est devenue tellement célèbre que toute la population (les adeptes) y convergeait. Bazimini et Koki ont leur lieu : Ngomeni-Bazi, une grotte. A Ouani : le puits sacré où une énorme anguille nommé « Bako » (vieux) y était à Untsinimwa-Muji (la vieille ville basse), à Bintirasi (lieu sacré) là où on organise « le Nkoma », à Untsoha (lieu sacré) où s’organise le rituel islamique « Tari ya Untsoha », au niveau de la grotte à trou « Fuko-laHadao » (lieu sacré) où on dépose les offrandes de « Nkoma » etc. A Domoni, c’est à Papani (lieu de culte) où il y avait des anguilles sacrées. A Nyumakele, le cratère de N’Gomaju et Mswalaju (Shaweni) pour le Ntrimba… A part le « Tari ya Untsoha », ce sont tous des rites animistes76 qui ne disent pas leur nom. Les rituels  n’ont pas les mêmes significations ni les mêmes objectifs. Par exemple, les rituels religieux (Shidjabu, Manyaidzo…) diffèrent des rites traditionnels (Rumbu, Patrosi, Mgala…). Lors de « Shidjabu » (rituel de bénédiction islamique suivi d’un repas qui se déroule à la maison en présence d’un « Fundi »), le maître coranique (Fundi) ne se met pas en transe malgré les encens. Divers types de culte sont pratiqués véritablement bien avant l’installation de l’Islam, puisque le peuplement des Comores remonte au VIIIe siècle et même au-delà si on en croit à l’archéologie. Les formes des lieux qui lui sont appropriés actuellement, leurs structures ainsi que leurs localisations varient considérablement : il peut s’agir de « … *…+ Ces demeures de génie sont des tourbillons dans les courants marins et les fleuves, des dépressions ovales du terrain, des marées, des sources, d’énormes blocs de rocher, des escarpements, des arbres extraordinaires, bref tout ce qui, dans le domaine géographique, végétal et minéral, frappe plus particulière l’imagination et est plus ou moins mystérieux » J. Poirier cité par Jaovelo-Dzao (1996 : 206). Les formes des lieux sont aussi confirmées par Merville J. Herskovits (1961) en parlant des esprits locaux : « Dans cette catégorie on trouve des êtres associés à diverses espèces de phénomènes naturels dans le secteur habité par les adorateurs – cours d’eau, lacs, rochers, grands arbres, ainsi que d’insolites phénomènes naturels de diverses sortes. On peut les considérer comme bien faisant, ou malveillant, austères ou méchants » (Merville J. Herskovits 1961 :  ) Tous les sites sont situés sur un même axe, de la mer vers la montagne, à l’Est de l’île. Certains sont dans des zones enclavées jusqu’à maintenant (Ouzini et Outsa). Ce qui a favorisé l’ancrage de leur culture ancestrale : le culte des ancêtres et certaines pratiques cultuelles dans les Ziara (grottes, anciennes mosquées abandonnées, anciens villages ou villes abandonnées etc.). Ces villages dont certains sont devenus des villes rivales, étaient les moins considérés. Ces populations du « haut » n’étaient pas en contact direct avec la religion musulmane pendant plusieurs générations. Même durant la période Fani où on parlait d’un islam indonésien « Nous sommes en présence des chefferies au moins en partie islamisées (islam indonésien ?) Où la matrilinéarité joue un rôle réel, et qui auront à composer avec la culture shirazienne pénétrante » (Allibert C. 2000 : 60). A l’ouest, il y a plus de quatre sites sacrés situés au niveau des côtes. Mais suite à l’influence grandissante de l’islam  (islam urbain), leurs fréquentations sont en chute libre. Avec l’arrivée des islamistes « Djawula », les jeunes générations, censés prendre en main les cultes des ancêtres sont sous leurs influences. A l’est, la fréquentation de ces sites sacrés actuellement connaissent une diminution de la part des jeunes. Toutefois, les rites, tels que le Trimba (à Nyumakele), le Nkoma (à Ouani), le Mdandra (à Mro-Maji et à Ouzini) s’organisent facilement. Les adeptes et les étrangers y participent malgré les menaces verbales de ces « Djawula ». Les rites ont été conservés par les populations les moins considérées dans la société anjouanaise. Les points cardinaux (Nord – Sud – Est – Ouest) jouent un rôle important dans la vie sociale des gens, ainsi que dans le partage traditionnel de l’espace. A titre d’exemple, on ne peut pas édifier sa maison n’importe comment. Il y a des critères à respecter, dictés par le mwalimu (le tradipraticien), car la maison peut ne pas donner les résultats escomptés ; c’est-à-dire donner des enfants. Au moment du rituel, les points cardinaux sont strictement respectés. Si ces villages sont tous orientés à l’est, on peut se demander s’ils répondent au critère Indonésien, Proto-malgache ou Austronésiens. Les quatre points cardinaux reflètent aussi les quatre éléments de la nature : l’eau, le feu, l’air et la terre et leurs génies correspondant. Jaovelo-Dzao témoigne souligne aussi : « *…+ il y a lieu de les approcher *les génies+ aux quatre éléments. Ainsi on peut noter la présence de quatre sortes de génies correspondant à l’Eau, au Feu, à l’Air et à la Terre appartenant aux différents éléments…. » (Jaovelo-Dzao R. 1996 : 98-99) 

Les esprits de la nature à Anjouan 

A Anjouan, il existe plusieurs sortes de culte de la nature, véhiculée par des forces chtoniennes telles les Kokolampo ou les Wanaisa.

Kokolampo/Koko

 Le Kokolampodécrits à Madagascar par Flacourt80, sans rapport avec l’Islam. On les trouve aussi à Anjouan. Comme à Mro-Maji, la vieille dame connue sous le nom de Bweni koko est possédée par un kokolampo. Elle soigne des gens malades, soit au village ou dans la grotte. Ils sont capables, comme les djinns, de se rendre visibles quand ils veulent. Mangeurs d’insectes et d’autres animaux, aimant beaucoup le miel, ils savent les vertus de toutes les plantes. Comme les êtres humains, il y a des Kokolampo femmes et hommes. Quand ils s’intéressent à quelqu’un, ils peuvent le rendre riche car ils connaissaient bien là où il y a du trésor. Flacourt les comparait à des fées. Ils avertissent leurs amis des dangers à venir. Ils peuvent posséder les gens. A Madagascar ils sont surtout évoqués dans le sud, dans la région très aride comme l’Androy : Le kokolampo est un esprit de la nature qui habite des sites naturels, comme les collines, les mares et les grottes. Invisibles au regard, les esprits kokolampo sont conceptualisés comme des nains humains ; il y a des esprits masculins et féminins qui ont des noms propres (Rekoko, Marovelo, etc) et des caractères individualisés. Ces esprits aiment les objets de couleur noire. Ils rendent malades les personnes qui les provoquent, surtout celles qui souillent leurs sites. Les gens possédés par des esprits kokolampo qui ont une inclination pour cela (mais aussi des moyens, parce que les cérémonies d’investitures coûtent cher) deviennent des mediums peuvent guérir d’autres personnes rendues malades par les esprits de la nature. Les séances de possession du type kokolampo sont animées par des battements de mains, des chansons de louange (sabo), et par des instruments de musique comme le tambour (langoro) ou l’accordéon ». (Gueunier et Sarah Fee,2003). Dernièrement, la thèse d’anthropologie d’Elisabeth Rossé leur a été consacrée (Rossé 2016) Cet esprit Kokolampo s’observe aussi à Anjouan dans la grotte de Hamampundru, un site sacré où les adeptes entre pieds nus pour éviter la colère des esprits. Les incantations prononcées par l’officiant restent incompréhensibles. D’autres esprits de la nature existent aussi tant à Madagascar qu’aux Comores notamment les Wanaisa à Anjouan. 

Wanaisa 

Bouffart-Klein a fait une description assez précise des Wanaisaà Mayotte (équivalents des Kalanoro en Malgache). A Mayotte, certaines personnes préfèrent utiliser le mot Malgache. A Mayotte, « Mwanaisa et Kalanoro : Ces deux termes, l’un mahorais et l’autre malgache, désignent la même chose : des petits nains poilus et chevelus, ayant un bras gauche plus fort et un plus court que le droit et les pieds à l’envers. Ils sont rapides et parlent d’une voix nasillarde. Ils vivent dans la forêt près des sources ou dans le tronc des grands arbres. On leur dépose des offrandes près de ces grands arbres ou près de ces sources à l’aide d’encens en bâtons, d’eau de rose, de miel et d’œufs crus, en énonçant à voix basse une requête.A la différence des autres esprits, ils sont visibles et on peut même les attraper. Mais on ne peut les approcher que la nuit et certains jours du mois lunaire.Les avis divergent sur le fait de savoir si un mwanaisa peut posséder un humain .La plupart du temps, la réponse est négative. En revanche, on peut, s’en rendre maître et en faire son esclave. Il faut le voir avant qu’il ne vous voit, l’attraper par le petit bras, car il ne peut soulever l’autre, et lui prendre une mèche de cheveux……. Il promet de lui apporter la fortune, la chance et la santé. Pour ce qui est de la fortune, il est certain qu’au vu du nombre de personnes qui viennent consulter les wanaisa chez son maître et le montant des honoraires, la richesse du possesseur sont vite établis. Les gens viennent voir le nain pour des remèdes à base de plantes, ou pour des amulettes, ou encore pour des conseils sur leur vie ». (Bouffart-Klein S. 1998 : 236) Sa description reflète ce que nos parents nous disaient, mais aussi nos informateurs. Elles sont exclusivement de sexe féminin. Possédant un gros bras et un autre mince, quand elle te voit et qu’il voulait t’embêter, elle t’offre le gros bras, mais fais attention, car avec l’autre mince, elle l’utilise pour frapper les gens. On nous disait qu’elle est très courte, poilue et ayant des cheveux qui descendent jusqu’au pied. Elle peut se montrer. Elle parle d’une voix nasillarde (parler par le nez). Si elle rend quelqu’un malade, un officiant qui connait très bien leurs demeures, apportent des offrandes. Nous en avons vu de très bon matin à Binti Rasi où une dame, tenant un bâton d’encens à la main, assise sur une des grosses racines de l’arbre sacré, appelle les Kalanoro (Wanaisa) en disant : « Shela wanaisa wa Binti Rasi ». A côté d’elle, il y a un panier où il y avait toutes les offrandes : du parfum, du miel, des œufs crus, du riz blanc avec du lait et du sucre.

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