Les techniques d’enregistrement du comportement en éthologie

Les techniques d’enregistrement du comportement en éthologie

Pour conclure sur les apports de la perspective éthologique à la compréhension de l’étude biologique du comportement, nous décrivons ses principales techniques d’enregistrement du comportement. Malgré l’opportunité d’utiliser les techniques et les méthodes de l’éthologie comparée et appliquée dans l’étude de l’être humain, et en particulier chez les enfants d’âge préscolaire, il s’avère que ces premiers modèles sont utilisables mais insuffisants pour comprendre toute la complexité des relations humaines. D’un autre côté, la majorité des éthologistes considère que l’observation en milieu naturel est un prérequis à l’expérimentation qui, une fois réalisée, permet la formulation de questions de recherche et d’hypothèses de travail beaucoup plus structurées (Trudel et Strayer, 1983). Ce n’est qu’après avoir recueilli un certain nombre d’informations qu’ils envisagent sérieusement l’expérimentation. Avant d’en arriver-là, l’éthologiste doit, au préalable, décrire l’objet et classifier ses caractéristiques. En cela, sa démarche scientifique consiste à privilégier trois phases. La phase descriptive comprend l’observation naïve où le chercheur étudie l’organisme avec le moins d’intrusion possible, en respectant les conditions écologiques (aménagement physique et social). À cette phase, l’éthologiste porte une attention choix et aux définitions des comportements particulière à l’étude. aux La deuxième phase, dite d’exploration, implique la mise sur pied d’un plan d’observation. C’est durant celle-ci qu’il raffine sa taxonomie d’observation et les modalités d’enregistrement des comportements. L’évaluation constitue la dernière phase de la démarche éthologique. Elle s’apparente à toute méthode classique de la recherche en termes de techniques d’échantillonnage, de fidélité et de validité des mesures, et du degré d’inférence. Étant donnée l’importance de l’observation dans l’approche éthologique, cette approche a développé une certaine expertise dans l’utilisation des diverses méthodes d’échantillonnage. Strayer et Gauthier (1985) et Gauthier (1982) regroupent ces méthodes en deux grandes catégories: les techniques polyvalentes et les techniques fixes. Parmi les premières, nous retrouvons le relevé manuscrit, l’enregistrement sur magnétophone et vidéoscopique. Pour les techniques fixes, les principales sont: le compteur et chronomètre cumulatif, l’enregistreur automatique d’événements et l’encodeur/microprocesseur. Le choix de l’une ou l’autre de ces techniques repose, en fait, sur la sélection des comportements, la situation observée et la phase à laquelle se situe l’étude. Par exemple, il demeure plus économique pour un éthologiste en milieu naturel qui  entreprend l’étude d’une nouvelle problématique d’opter pour la technique papier-crayon que de s’équiper d’un matériel lourd tel un système d’enregistrement vidéoscopique.

LA DOMINANCE SOCIALE 

Le dictionnaire Robert (1990) définit la dominance comme la prépondérance d’un trait sur un autre. En écologie, ce terme s’applique à la fréquence relative d’une espèce par rapport aux autres, dans un milieu donné (Immelmann, 1982). La psychologie générale conçoit la dominance par rapport aux désirs et à la prédisposition d’un individu pour essayer d’influencer les autres. En éthologie le concept de la dominance paraît constituer un concept clé pour comprendre le fonctionnement comportemental du jeune enfant en groupe de pairs. Les recherches sur la dominance sociale ont donné lieu à deux optiques. D’une part, l’éthologie classique considère que la dominance doit être comprise comme une caractéristique individuelle. Chez chaque enfant, à partir de ses expériences sociales variées, se développe un style comportemental particulier. Ce style déterminerait l’attitude de l’enfant dans ces échanges actuels. Pour Montagner (1978), le profil comportemental individuel reste relativement stable et indépendant du  groupe dans lequel s’intègre l’enfant. D’autre part selon l’éthologie sociale, la dominance est comprise comme une construction se résumant à un ensemble d’adaptations ponctuelles entre les enfants vivant dans un groupe stable (Trudel, Gauthier, Jacques et Strayer, 1983). Toujours selon cette optique, la dominance ne décrit pas une caractéristique individuelle mais une série d’ajustements collectifs manifestés à l’intérieur du groupe. La dominance sociale serait donc un phénomène d’adaptation collective permettant au groupe de résister aux pressions internes voire l’éclatement de l’unité sociale. Toujours en rapport avec l’éthologie sociale, Hinde (1976) et Strayer (1978) ont proposé quatre niveaux descriptifs pour analyser les modes d’adaptation sociale: 1) les schèmes de comportements, 2) les interactions, 3) les relations et 4) la structure sociale. Les schèmes réfèrent au répertoire des manifestations comportementales du sujet. Les interactions, pour leur part, englobent les gestes dirigés vers la cible. Les relations impliquent la récurrence des gestes entre les partenaires. Finalement, la structure sociale fournit l’ensemble des relations observées dans le groupe.

Distinction entre la dominance sociale et l’agressivité

 Entreprendre une étude éthologique sur la dominance sociale implique une distinction entre le concept de dominance et celui de l’agressivité. En effet, la dominance sociale ne doit pas être confondue avec les comportements agressifs qui ne sont qu’une des modalités observables que les individus utilisent pour établir et maintenir la structure de dominance. En fait, la dominance (établie par des conduites agressives) implique un échange conflictuel dyadique et que l’un des partenaires en cause réagisse par un comportement de soumission. C’est à partir de l’ensemble des relations dyadiques agressives entre tous les partenaires d’un groupe qu’une structure de dominance sociale peut être dégagée. Comme nous l’avons déjà souligné, cette structure repose sur une distribution de l’ensemble des relations conflictuelles dyadiques par lesquelles le chercheur positionne chacun des individus du groupe en tenant compte des indices d’asymétrie (si l’enfant A domine l’enfant B, alors l’enfant B ne peut dominer l’enfant A) et de linéarité (si l’enfant A domine l’enfant B qui lui même domine l’enfant C, alors l’enfant A domine l’enfant C) (Trudel et Strayer, 1985). Au niveau du groupe, l’analyse du niveau d’asymétrie permet d’évaluer la plus ou moins grande rigidité des relations de dominance tandis que l’analyse du 15 niveau de linéarité permet d’évaluer le degré de transitivité linéaire de la structure sociale. 

Processus d’établissement de la structure de dominance 

Pour obtenir les ordres de dominance sociale à l’intérieur d’une structure hiérarchique, deux principes sont véhiculés par les études éthologiques (Beaugrand, 1984). Le premier, celui du tournoi, propose qu’une hiérarchie transitive est le produit final de la rencontre de tous les individus dans un groupe. En effet, ce principe sous-entend que tous les membres d’un groupe doivent se rencontrer deux à deux. Le second principe suggère que la position hiérarchique des individus dépend principalement des caractéristiques individuelles. Ainsi, un individu présentant le pointage le plus élevé pour un trait désirable et avantageux dominerait tous les autres individus du groupe, alors que l’individu dont le pointage est un peu moins élevé dominerait tous les autres à l’exception du premier, et ainsi de suite jusqu’à l’individu le moins favorisé, occupant le dernier échelon de la hiérarchie. Par ailleurs, très peu de travaux portent sur les processus sousjacents à l’émergence de la dominance sociale. Toutes les études en éthologie humaine se concentrant sur l’établissement des ordres de dominance commencent habituellement leurs observations quelque 16 temps après que l’ordre hiérarchique ait été assez bien établi et stabilisé (Jacques, Trudel et Strayer, 1986; Strayer et Strayer, 1976; Strayer, Jacques et Gauthier, 1983; Strayer et coll., 1986; Strayer, Leclerc et Blicharski, 1987; Trudel et Strayer, 1985). Les seules recherches entreprises lors de la formation des unités sociales furent effectuées auprès de plusieurs espèces animales (Desportes, 1979; Hinde, 1976). En ce sens, le sociologue Chase (1982) a suivi l’émergence de la structure de dominance dans lequel trois individus se rencontraient lors de la formation du groupe. Il a noté systématiquement les dominances et les soumissions de chacun des individus. Son modèle préconise qu’il y a une très grande probabilité que les individus qui gagnent une première fois gagnent aussi une seconde fois, et confirment ainsi les effets prépondérants d’une expérience récente de dominance sur les conflits dyadiques ultérieurs. De même, les individus qui perdent un premier conflit, perdent aussi le second avec une grande probabilité, confirmant l’importance d’une expérience récente de soumission pour expliquer les pertes ultérieures. Deux observations peuvent être tirées du modèle de Chase. Premièrement, la présence de congénères non seulement en tant que spectateurs des conflits sociaux, mais en tant qu’éventuels participants, augmente le degré de transitivité. Deuxièmement, un individu remarquant que son ancien dominant se soumet devant l’adversaire pourra en tirer comme conséquence sociale de ne pas s’engager lui-même dans un conflit contre cet adversaire et lui signaler sa soumission immédiate. 

L’attention sociale

 Sans être considéré comme faisant partie d’un des processus sous-jacents à l’étude de la dominance, Abramovitch (1976) indique que les rapports d’attention sociale sont d’assez bons critères pour parfaire les évaluations sur la structure de dominance d’un groupe. En effet, les sujets d’un rang inférieur regardent davantage les dominants que ces derniers ne regardent les subordonnés. Ainsi donc, une hypothèse considère le regard comme le reflet des positions hiérarchiques existant entre les personnes. Néanmoins, plusieurs indications semblent contradictoires, les unes font du regard un indice de domination, pour d’autres un signe de soumission. En considérant le fait que le sujet doté d’un rang relativement élevé recueille plus d’attention visuelle en provenance des congénères de son groupe pourrait s’expliquer comme suit: le dominant agit ou parle davantage et l’on tend à regarder automatiquement celui qui émet une réponse; mais une chose est certaine, c’est que le subordonné qui écoute ou qui regarde un dominant le fait proportionnellement plus que lorsque c’est le dominé qui agit (Feyereisen et Lannoy, 1985).  

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