LES TERRAINS DE LA MARCHE

LES TERRAINS DE LA MARCHE

LE HUB DE VIE 

Le hub de vie est la déclinaison concrète, sur le territoire urbain, du concept d’espace palimpseste (Lavadinho, 2005, 2006, 2009, Lavadinho et Lévy, 2010) que nous avons défini au mouvement II. Le hub de vie peut être un espace public, une interface multimodale ou une centralité multifonctionnelle, du moment qu’il superpose dans un même espace-temps les diverses activités de la vie quotidienne. Les hubs de vie ont la particularité de s’adapter à des contextes urbains différents, mais ils jouent toujours un rôle structurant en terme de pôle urbain. Ils doivent ainsi impérativement bénéficier d’une bonne accessibilité. La tendance actuelle va à l’hybridation croissante de ces trois types de hubs de vie en un objet urbain complexe, qui tend à devenir tout à la fois un espace public riche en événements urbains, une interface multimodale capable de connecter une constellation de lieux de vie à différentes échelles et un attracteur multifonctionnel propice aux rencontres et aux sociabilités (Lavadinho et Lensel, 2010a et 2010b, 2011). Nous analyserons au chapitre suivant un exemple emblématique de ces hubs de vie « trois-en-un » avec le cas de la Plateforme du Flon à Lausanne.

DE L’ESPACE PALIMPSESTE AU HUB DE VIE

Le concept idéal-typique d’espace palimpseste, que avons décrit dans le mouvement II, trouve sa déclinaison concrète, en milieu urbain, dans certains espaces publics qui possèdent des caractéristiques particulières et que nous avons nommé hubs de vie (Lavadinho, 2002 ; Lavadinho et Winkin, 2005 ; Lavadinho et Winkin 2008 ; Lavadinho et Lévy, 2010). Nous définissons les hubs de vie comme des espaces multifonctionnels dont l’agencement hybride permet d’abriter simultanément des dynamiques de transit et de séjour et d’accueillir de multiples activités sur des temporalités étendues. Le hub de vie se décline en trois typologies :  les espaces publics riches en événements et propices aux rencontres et aux sociabilités  les interfaces multimodales  les grands attracteurs multifonctionnels liés aux achats, aux loisirs, à la culture, au sport et au bien-être Lieu de centralité, interface structurant les déplacements, les rencontres et les échanges, lieu de mixité, lieu d’activités, le hub de vie, qu’il s’agisse d’un espace public, une interface multimodale ou un attracteur multimultifonctionnel, prend des visages d’autant plus riches qu’il mélange « le dehors » et « le dedans », l’extime et l’intime et qu’en lui convergent le transit et le séjour. Lieu d’exposition mais aussi de respiration, le hub de vie est ainsi autant propice aux bains de foule qu’aux moments de détente et de contemplation. Le hub de vie peut dès lors constituer un attracteur à part entière, un interface palimpseste aux strates multiples et aux publics divers. Il offre un vaste éventail de potentiels d’action et de destination, où de multiples itinéraires et de multiples usages se croisent et s’interpellent : mobilité, achats, loisirs, restauration, rencontres et sociabilités, détente… Les spatialités d’un hub de vie peuvent différer, tout comme ses temporalités, et par là même, différencier ses usages et ses usagers. Son accessibilité se doit en revanche de rester en tout temps l’apanage de tout un chacun, puisque par essence, un hub de vie constitue un espace public. Offrant des espaces et des temps de transition, le hub de vie est un sas permettant la médiatisation de la ville et la ponctuation de la vie quotidienne. En concentrant des personnes, des activités et des biens et services, ce pôle d’échanges accumule ainsi un fort capital symbolique en tant que scène où se déroule quotidiennement le spectacle de la vie urbaine. 

 Les propriétés qui caractérisent le hub de vie

Quatre propriétés distinctives différencient les espaces palimpsestes des espaces publics génériques et caractérisent en particulier le hub de vie : Propriétés d’un hub de vie espace privilégié où le paysage urbain (urbanscape) et les structures architecturales qui le composent ont un fort pouvoir d’évocation symbolique. Propice à la fois au transit et au séjour, le hub de vie cumule les fonctions : achats, loisirs, restauration, rencontres et sociabilités, détente… Bâle © Sonia Lavadinho pôle attracteur qui concentre des personnes, des biens et services, des activités, le hub de vie accumule un fort capital symbolique en tant que scène où se déroule quotidiennement le spectacle de la vie urbaine. Bruxelles © Sonia Lavadinho interface palimpseste aux strates multiples et aux publics variés, le hub de vie offre un vaste éventail de potentiels d’action et de destination et où de multiples itinéraires et de multiples usages se croisent et s’interpellent. Bruxelles © Sonia Lavadinho sas de mobilité offrant des espaces ainsi que des temporalités de transition, le hub de vie permet la médiatisation de la ville et la ponctuation de la vie quotidienne. Shanghai © Sonia Lavadinho

Les lieux-mouvements, entre non-lieux et hubs de vie

Par contraste, nous pouvons aussi identifier des antonymes des hubs de vie : lieux répulsifs, lieux plus ou moins vides d’interactions, lieux « génériques » dont la singularité est peu évidente, à l’instar des nonlieux énumérés par Marc Augé dans son ouvrage éponyme (Augé, 1992). Signalons au passage que ce qualificatif d’Augé ne semble plus pouvoir s’appliquer aujourd’hui tel quel aux lieux qu’il décrit dans son ouvrage au début des années 1990. Si Augé définit l’espace du voyageur comme archétype du non-lieu, nous rejoignons Vincent Kaufmann lorsqu’il relève que cette thèse a été invalidée depuis. Les critiques d’Augé ont en effet montré que les espaces-seuils de la mobilité peuvent tout à fait faire lieux et constituer des références en termes relationnels, voire identitaires, par l’intermédiaire notamment du souvenir (Kaufmann in Stébé et Marchal 2009, p. 659). Il faut toutefois signaler, à la décharge d’Augé, que les aéroports, les centres commerciaux et les gares, anciennement des temples du transit, ont fortement évolué au cours de ces deux dernières décennies, tant dans leur morphologie, leur localisation, leur accessibilité que dans leur conception architecturale (Lavadinho et Lensel, 2011). Ils incorporent désormais un nombre croissant de fonctions liées au séjour et peuvent prétendre au statut de hub de vie à part entière. Si l’analyse d’Augé semble aujourd’hui dépassée, c’est parce qu’elle est le fruit d’une époque révolue où le transit, et non le séjour, dominait la pensée urbanistique qui présidait à la conception des lieux-mouvements. Aujourd’hui, les concepteurs de ces lieux-mouvements intégrent de plus en plus dans leur cahier des charges la fonction d’interface avec la ville, ce qui implique de nouvelles lectures de ces lieuxmouvements comme de véritables espaces publics (Amar, 2010), même si leur capacité de faire éclore les sociabilités reste aux yeux de certains auteurs relativement sporadique : « Avion, bateau, train, voiture ou car, on partage un espace commun le temps de passage d’un point à un autre. La cabine de vol, le ponton, le wagon, la banquette, l’habitacle offrent des occasions de proximité, voire de promiscuité, qui forcent à la relation ou contraignent à la conversation. Dans ce microcosme communautaire se joue une intersubjective limitée dans le temps. Dès l’arrivée dans l’aéroport, le port, la gare, la place de stationnement, cette société se défait la plupart du temps. Elle se délite aussitôt que les raisons aléatoires d’être ensemble disparaissent » (Onfray, 2007, p. 38). D’autres auteurs, au contraire, à l’instar de Georges Amar, soulignent le potentiel des « lieux-mouvements » en tant qu’« accélérateurs de rencontres » (Amar, 2010). Il nous faut ici souligner le lien entre ce caractère d’espace public et l’essor de la marche comme métrique prédominante au sein de ces espaces. La marche constitue en effet, pour Jacques Lévy, le cœur des métriques publiques, puisque c’est elle qui assure in fine la continuité de l’espace public entre le système de transports et le reste de l’espace urbain. Les métriques publiques (Lussault et Lévy, 2003 ; Lévy, 2008 ; Lavadinho et Lévy, 2010) offrent ainsi aux lieux-mouvements divers avantages – densité de l’information, diversité des populations et des fonctions, sérendipité multisensorielle – qui sont toutes des caractéristiques premières de l’espace public urbain, identifiées déjà par Ulf Hannerz dans son ouvrage Explorer la ville (1983) et Isaac Joseph (1984) dans son ouvrage Le passant considérable. Essai sur la dispersion de l’espace public (Lévy in Stébé et Marchal 2009, p. 710

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