Les TIC pour l’éducation à l’heure de la mondialisation

Les TIC pour l’éducation à l’heure de la mondialisation

Les technologies de l’information et de la communication sont l’objet de luttes technologiques, industrielles et commerciales à l’échelle de la planète, du point de vue des normes informatiques, des matériels, des logiciels, de l’expansion du réseau internet. Cette proposition est triviale mais signifie bien que les problématiques liées à l’intégration des TIC dans l’école, aux niveaux nationaux, sont en partie dépendantes de ces grands mouvements transnationaux autour des nouvelles technologies. Dans ce chapitre, nous allons donc faire une place à un contexte plus large que l’éducation scolaire en France. Notre travail de recherche s’intéresse principalement aux discours des enseignants fortement usagers des TIC dans leur pratique de classe, nous cherchons à organiser en modèle systémique certains aspects de notre étude. Nous ne pouvions pas éluder des éléments rhétoriques émanant d’organisations ou d’acteurs internationaux quant au « choc » entre nouvelles technologies et éducation. Certains de ces discours ont, dans leurs intentions, valeur prescriptive pour les systèmes éducatifs nationaux. Ils sont donc à considérer comme tels. Notre but ici n’est pas de faire une analyse critique de ces débats autour des TIC en éducation, ni d’être exhaustif, mais de faire un état des positions prises par les uns et les autres. Nous portons ainsi à l’attention du lecteur un certain nombre de balises permettant d’évaluer la nature des débats transnationaux en cours sur les questions d’informatique et d’école, de mondialisation et d’éducation.

 L’Unesco et les TIC pour l’éducation

À travers ses missions de coopération intellectuelle, d’aide aux pays en voie de développement, d’activités éditoriales, l’Unesco s’est très tôt intéressée au déploiement des technologies de l’information et de la communication pour l’éducation et la formation dans le monde. Cette institution articule les problématiques liées aux risques d’inégalités entre les pays face à l’accès aux techniques modernes et à l’information, et les possibilités qu’offrent les technologies informatiques de pouvoir réaliser des économies d’échelle et donc de faire connaître une avancée importante aux pays et aux populations les plus en retard. La question étant de savoir, pour l’Unesco, si les technologies de l’information et de la communication vont aggraver les inégalités entre pays, ou bien au contraire permettre de réduire les écarts entre les plus riches et les plus pauvres. Dans l’éditorial du Courrier de l’Unesco de novembre 2000, J. Hallack (2000), reconnaît le caractère impétueux du processus de globalisation. Confrontant les arguments qui opposent les tenants et les opposants d’une commercialisation de l’enseignement, l’auteur souligne que les technologies de l’information et de la communication font franchir un pas supplémentaire à ce processus de globalisation : « L’explosion des nouvelles technologies, qui accélère la production et la diffusion de « biens éducatifs », la mondialisation des marchés, qui donne un coup de fouet à leur commercialisation à l’échelle planétaire, et, enfin, l’attrait irrésistible qu’exerce auprès d’entrepreneurs, toujours à l’affût de nouveaux débouchés, une activité pesant grosso modo 2 000 milliards de dollars, exacerbe l’offre commerciale de « marchandises éducatives ».Le ton est donné. L’éducation dans le monde constitue un bloc massif, fortement réglementé par le politique. Le déploiement des technologies informatiques sur le secteur éducatif heurte les organisations scolaires classiques. Les rapports entretenus entre les secteurs public et économique sont fortement questionnés par l’Unesco. Cette organisation porte sa vigilance depuis le début des années 1980 sur les questions d’informatique en éducation et en formation. Le rapport final (UNESCO, 1989) du congrès international organisé en 1989 fait apparaître une tension entre l’environnement industriel et commercial pour la production et le déploiement des technologies numériques et l’information comme bien public, véhiculée par ces technologies. « Nous déclarons qu’eu égard au rôle important qu’elles jouent dans chaque société, les nouvelles technologies de l’information doivent faire partie de la culture accessible à l’ensemble de la population. » (p.59)L’Unesco souhaite voir s’installer une coopération internationale afin de fournir « un appui international à l’évaluation et à la diffusion de modèles de gestion adaptés aux changements d’ordre éducatif » (p.65), et de pouvoir « élaborer des modèles internationaux de conception des logiciels qui leur permettaient d’échanger librement des informations sur les critères de conception des logiciels éducatifs. » (p. 66), la conception de didacticiels ne devant pas « être confiée exclusivement aux entreprises industrielles et commerciales. » (p.66). L’enjeu serait donc de mettre en place un partenariat intellectuel sur les thèmes liés à l’informatique en éducation et en formation entre les pays pour répondre à la globalisation du marché des nouvelles technologies. « La nécessité, pour les entreprises, de rentabiliser de manière acceptable leurs investissements en biens d’équipement » n’est pas forcément compatible avec les besoins qu’ont les systèmes éducatifs nationaux d’avoir des « logiciels éducatifs ayant fait leurs preuves et de matériels d’appui associés » pour la mise en œuvre effective de programmes en faveur des technologies de l’information et de la communication. « Les efforts déployés en ce sens sont souvent gênés par les intérêts commerciaux en présence ». (p. 63-64). Pour stimuler l’intégration des nouvelles technologies dans l’éducation, L’Unesco souhaite « que l’industrie de l’informatique puisse se placer dans une perspective à long terme afin de déterminer les domaines d’intérêt commun avec le secteur de l’éducation et d’apporter au développement de ces domaines le soutien nécessaire pour atteindre concrètement cet objectif. » (p. 60). L’industrie a des besoins de retour sur investissement, elle a aussi, d’après ce rapport, des devoirs d’accompagnement et de soutien des systèmes éducatifs pour le développement des technologies de l’information et de la communication en éducation et en formation.

L’influence européenne

L. Porcher décrit ainsi le rapport d’influence de l’international sur les contextes éducatifs nationaux : « La libre circulation des personnes et des biens, par exemple, qui sont aux fondements de la construction européenne, entraîne inéluctablement des conséquences sur les systèmes éducatifs, quel que soit le principe de fonctionnement de ceux-ci. […] La division éducative européenne […] fournit de multiples prestations aux États-membres […] et marque fortement, de manière symbolique, que l’installation de politiques éducatives s’inscrit désormais dans une perspective multinationale. ». Les nations ne sont pas seules à décider de leur destin, nous le savions déjà, mais il va falloir maintenant faire avec une mobilité de plus en plus grande des personnes. Nous avons vu dans la section précédente, le recours à la référence à ce qui se passe à l’extérieur des frontières comme argument pour un changement du système éducatif national. Ce déplacement de la problématique locale, ou processus d’externalisation, est souvent assortit, par comparaison, de la preuve du « retard national ». Ce thème du retard est largement utilisé pour expliquer l’urgence à engager des actions en faveur des TIC. Nous avons déjà vu, dans le chapitre 1, que D. Felder a relevé ce thème dans son analyse des discours des promoteurs de l’informatique éducative en Suisse. Il donne un ton alarmiste au débat sur les TIC en éducation et met en avant les impératifs de l’économie nationale. Cet auteur remarque que l’argument selon lequel « notre pays est en retard » est utilisé dans pratiquement tous les pays par les promoteurs de l’informatique. Il touche des représentations symboliquement fortes. Le « retard » fait penser à « sous-développement », il faut donc se réveiller et adhérer activement à une intégration massive de l’informatique à l’école, que l’on soit dirigeant ou acteur de terrain.En France, J. Wallet30 relève ce thème dans les discours sociaux qui accompagnent l’informatique à l’école sous deux variantes : « ça marche ailleurs et la France est en retard » et « ça marche ailleurs et la France est en train de rattraper son retard ». Dans les discours sociaux, il s’agit d’un thème incantatoire auquel on a recours pour presser chacun de s’inscrire dans ce grand mouvement moderne des nouvelles technologies de la communication. Faisant l’analyse du « retard européen », R. Mayer (1994) remarque un décalage entre l’offre d’équipement32 et la demande du point de vue de l’utilisation de ces réseaux. Ces équipements sont en moyenne quatre fois moins utilisés en Europe qu’aux États-Unis. Le retard européen, du moins à l’époque, ne tenait pas à un sous-équipement infrastructurel, mais plutôt à des freins liés à l’évolution des mentalités. Plus récemment, en 2000, la Commission européenne déclare l’urgence d’une mobilisation européenne en soulignant les faiblesses et les retards importants de l’Europe par rapports aux États-Unis. Ces points faibles sont mis en contraste avec un niveau d’éducation des citoyens parmi les plus élevés et des systèmes d’éducation et de formation parmi les meilleurs au monde. Quatre domaines sont ainsi développés : − Le déficit en équipements : le taux d’équipement des écoles primaires en Europe varie dans des proportions importantes, de 1 ordinateur pour 400 élèves à 1 ordinateur pour 25 élèves. − Le faible nombre de personnels qualifiés, et notamment le faible nombre d’enseignants disposant de réelles compétences dans le domaine des nouvelles technologies leur permettant de les intégrer pleinement dans leurs pratiques pédagogiques.

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