L’influence de la prise de risque et de l’opportunité sur l’influence d’entreprendre des étudiants étrangers

Les paradigmes économiques

Le monde de la recherche porte un vif intérêt à l’ entrepreneuriat, et ce parce qu’il a depuis longtemps une place importante dans la société. Des chercheurs de différents horizons, que ce soit des économistes ou des sociologues, des historiens, des psychologues, des sciences de gestion, voire des experts des sciences du comportement comme Shapero et Sokol (1982), Ajzen (1991) et Lent, Brown et Hackett (1994) se sont penchés sur ce phénomène pour en comprendre le processus mais aussi pour l’explorer et prédire certains comportements à l’égard de l’entrepreneuriat. Néanmoins cette pluridisciplinarité donne au champ d’étude de l’ entrepreneuriat, un caractère éclaté. Les multiples composantes sont ainsi observées et analysées par des disciplines mobilisant un large spectre de théories, modèles et écoles de pensées pour étudier cet objet de recherche commun. Cependant, rappelons que les pionniers dans ce champ de recherche sont d’abord des économistes, comme Cantillon (1755), Say (1803, voir aussi Steiner 1997), et Schumpeter (1911, 1934 et 1942). Ces dernières décennies, c’est plus particulièrement, dans la discipline du management que l’entrepreneuriat a été le plus au centre de l’attention scientifique (Janssen, 2016), et a donné lieu à plusieurs paradigmes. Ces fondements de l’entrepreneuriat ont pris forme notamment en s’appuyant sur les contributions théoriques de l’école autrichienne, avec des auteurs comme Hayek, Kirzner, et Schumpeter. Ainsi, le concept d’entrepreneuriat est traversé par de nombreux courants se regroupant en cinq catégories de courants ou d’écoles, illustrées dans le tableau ci-après de Chabaud et Messeghem (2010), et qui semblent avoir laissé leur empreint dans la recherche.

Nous tenons à indiquer que dans ce tableau nous allons mobiliser plus particulièrement deux courants, d’un côté le courant de l’école économique avec les idées de Schumpeter (1934), et de l’autre l’école de la décision ou école cognitive avec les travaux de Shapero (1982). En outre, précisons que parmi ces courants. celui qui a le plus dominé – du moins au début de la théorisation sur l’entrepreneuriat – du fait de la portée de son importance et du modèle d’ entrepreneur qu’ il propose, est la théorie schumpétérienne associant l’ entrepreneuriat, l’innovation, opportunité et la prise de risque. En effet, pour Schumpeter (1911 , 1934) l’entrepreneur est un innovateur, c’ est en ça qu’ il ne se confond pas avec d’autres figures similaires comme le gestionnaire ou le rentier capitaliste. C’est justement en prenant des risques et en profitant des opportunités que l’ entrepreneur innove et crée du profit en guise de récompense (Ibid.) . C’ est surtout durant les années 1970 et 1980, que se sont développés les écrits sur l’entrepreneuriat, parce que le besoin s’est fait ressentir d’expliquer et de trouver des solutions à la situation de fortes turbulences économiques de nature structurelle qui ont caractérisé la société de l’ époque. Ainsi, au cours de cette période, l’économie était en perpétuel changement, marquée par des crises économiques notamment les chocs pétroliers de 1973, 1979 et suivis de la longue période de récession des années 1980. La persistance de cette crise a conduit à prendre conscience des facteurs humains (Turker et Sonmez Selçuk, 2009). Ce contexte a constitué un tournant épistémologique, dans la mesure où c’est à partir de ce moment-là que les chercheurs ont vu dans l’ entrepreneuriat un moyen de contrecarrer cette crise en instaurant une politique orientée vers les facteurs humains, autrement dit vers l’entrepreneuriat (Grari et Zerroki, 2017).

Nous n’avons pas pu observer dans notre corpus de littérature scientifique une définition commune de l’entrepreneuriat. Toutefois, nous avons constaté que les auteurs font le plus souvent des références relatives à la figure de l’entrepreneur schumpétérien dont nous avons déjà présenté les caractéristiques. Notons que si les chercheurs au fil du temps ont proposé de multiples définitions de l’entrepreneur, le sens schumpétérien de l’entrepreneuriat demeure. Pour ce qui est de Chabaud et Messeghem (2010), l’entrepreneuriat constitue un moyen d’évaluer et exploiter des opportunités d’affaires chez Fayolle (2004), il s’agit d’un individu ou d’un groupe d’individus parvenant dans leur environnement à identifier une opportunité et à réunir les ressources nécessaires pour l’exploiter en vue de créer de la valeur. Nous avons observé que Schumpeter (1911 , 1934 et 1942) jette les bases de la réflexion sur l’entrepreneuriat à partir de la figure de J’ idéal type de J’entrepreneur. Cependant, il n’a pas théorisé sur l’ intention d’entreprendre, qui en effet prend naissance à partir des travaux de Shapero et Sokol (1982) sur l’évènement entrepreneurial et se poursuit dans les deux autres modèles du comportement planifié et la théorie sociocognitive de la carrière que nous aborderons ci-après.

Les précurseurs de la théorisation de l’intention d’entreprendre

Pour revenir aux travaux de Shapero et Sokol (1982) de l’ École de la décision ou cognitive. Ces derniers peuvent être considérés en premier lieu comme les précurseurs et aussi comme ceux qui ont constitué l’objet de recherche entrepreneuriat en champ d’études autonome et donc en discipline scientifique. Dans The social dimensions of entrepreneurship (1982), ils mettent en évidence dans leur modèle de la formation de l’événement entrepreneurial trois facteurs. Les trois facteurs menant l’événement entrepreneurial à sont la perception de l’attractivité du comportement entrepreneurial, la propension à agir au regard de ses intentions et la perception de la faisabilité du comportement, à savoir le degré auquel l’individu pense qu’il peut créer une entreprise avec succès (Shapero et Sokol, 1982). L’événement entrepreneurial prend naissance lors d’un événement social négatif que Shapero et Sokol (1982) nomment facteurs de déplacement négatif, comme l’on peut voir dans leur schéma théorique ci-dessous. lis expliquent que les déplacements négatifs concourent à la décision de créer une entreprise.

Cependant, ils sont impulsés par des forces positives comme l’influence de l’entourage familial ou professionnel. Dans son modèle de la théorie du comportement planifié (Tep) portant sur l’intention comportementale et publié dans The TheOl:v (~lPJanned Behavior, Ajzen (1991) démontre que trois facteurs conduisent à cette intention comportementale. lis sont l’attitude envers le comportement (allilude toward the behOl’ior), les nonnes subjectives (subjective norm) et le contrôle du comportement perçu (perceived behavioral control). Pour ce qui est des facteurs, le premier, l’attitude envers le comportement, concerne les jugements sur la désirabilité du comportement et de ses conséquences. Il s’ agit de l’évaluation favorable ou défavorable que se fait l’individu du comportement souhaité. Le deuxième, les normes subjectives ou sociales constituent les considérations sur l’influence et l’opinion des proches sur le comportement. Elles proviennent des perceptions de la pression sociale relative au contexte social et aux pressions des proches. Et pour finir la perception du comportement, elle relève des croyances sur la capacité du sujet à réussir le comportement.

En outre, le contrôle comportemental perçu peut prédire directement le comportement d’un individu. Notons que dans ce modèle, l’intention précède l’action. En effet, Ajzen (1991) part du postulat que pour que le comportement humain puisse être effectif, il doit d’abord être décidé et planifié. Un autre élément d’importance à prendre en compte, est que dans ce modèle, l’intention est toujours considérée comme une variable clé de tout comportement planifié. Bien qu’elle n’ait pas été développée spécialement pour le champ de l’entrepreneuriat, la théorie du comportement planifié d’Ajzen en psychologie sociale parue pour la première fois en 1991 dans son article emblématique The Theory of Planned Behavior, est par la suite utilisée dans plusieurs domaines de recherche tels qu’en marketing, ou même en santé. Elle est, par ailleurs, fortement mobilisée dans les travaux de Filion (1997) en entrepreneuriat et management. Le modèle d’Ajzen, a tellement été employé par plusieurs disciplines qu’il est désormais la théorie la plus utilisée pour comprendre et prédire le comportement des individus. En effet, il a été constaté que depuis son apparition en 1991, le modèle a fait l’objet de plus de 5000 citations. À ce sujet, Fassa (2014) écrit que la majorité des recherches qu’il a consultée sur l’intention d’entreprendre est basée sur la théorie du comportement planifié.

La théorie sociocognitive de la carrière (TSC) de Lent. Brown et Hackett (1994) présentée dans Toward a un(fying social cognitive theolY of career and academic inlerest, choice, and performance complète les deux modèles précédents. Elle vise à expliquer le choix de carrière et « orientation professionnelle des individus. Dans ce modèle où l’intention est une variable essentielle dans le développement de choix de carrière Lent, Brown. Hackett et Brown (2002), les personnes organisent et dirigent leur propre comportement en se fixant des buts. Comme la théorie sociocognitive générale d’Albert Bandura (1963 : 1986a). la TSC est basée sur trois facteurs interagissant, à savoir l’autoefficacité (les capacités perçues). les attentes de résultats. et les buts (intentions). Ce sont trois variables essentielles dans le développement de choix de carrière. Dans ce modèle, fondé sur la carrière, les gens choisissent des options de carrière en harmonie avec leurs intérêts, les expériences d’apprentissage leur permettent d’acquérir des capacités. Ainsi, dans ce processus du modèle de carrière, ce sont les capacités. l’auto-efficacité et les attentes de résultats qui sont les éléments importants donnant lieu à des intérêts professionnels. De ce fait, un sentiment d’ auto-efficacité faible peut réduire le développement des intérêts envers un choix de métier. Nous présentons donc ici des modèles inter-reliés, la théorie sociocognitive de la carrière de Lent, Brown et Hackett et celle de la théorie sociocognitive et de l’autoefficacité de Bandura. La représentation schématique du modèle de carrière, ci-dessous met en évidence comme il est possible de le constater de nombreuses variables en interaction, telles que l’expérience d’apprentissage, l’ auto-efficacité, attentes de résultats, intérêts, buts, choix d’actions et attentes de perfonnances. et des facteurs personnels et environnementaux comme le genre, la culture, l’histoire personnelle et le contexte influençant le choix. On observe ainsi que de nombreuses variables personnelles et contextuelles comme le genre, l’ethnie, la santé physique ou le handicap. les conditions socio-économiques, le contexte passé et l’environnement, sont liées avec les expériences d’apprentissage et les variables sociales cognitives du modèle.

Table des matières

SOMMAIRE
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ABRÉV ATIONS
REMERCIEMENTS
INT·RODUCTION
CHAPITRE 1 – LA FORMULATION DE LA PROBLÉMATIQUE
1.1 PROBLÉMATIQUE THÉORIQUE
1.2 PROBLÉMATIQUE MANAGÉRIALE
CHAPITRE 2 – LA REVUE DE LA LITTÉRATURE SUR L’INTENTION D’ENTREPRENDRE CHEZ LES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS
2.1 ÉPISTÉMOLOGIE DE L ·ENTREPRENEURIAT
2.1.1 Les paradigmes économiques
2.1.2 Définition
2.2 L’ INTENTION D·ENTREPRENDRE
2.2.1 Comment naît l’intention d’entreprendre ?
2.2.2 Les précurseurs de la théorisation de l’intention d’entreprendre
2.2.3 Perspective pluridisciplinaire et approche historique
2.2.4 L’opportunité
2.2.5 La prise de risque
2.3 LES ÉTUDES SUR L’INTENTION D’ENTREPRENDRE CHEZ LES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS: BILAN DES CONNAISSANCES
2.3.1 Entrepreneuriat des étudiants: la mise cn application des trois modèles théoriques dans les analyses sur les étudiants
2.3.2 Les facteurs influençant l’intention d’entreprendre des étudiants universitaires
2.3.2. J L ‘aulo-efficacité el/’inlention d ·entreprendre
2.3.2.2 L ·e.ffelde /aformalionsur/’inlenlionenlreprenellria/e
2.3.2.3 Le sexe el/ ‘âge des éludianls
2.3.2.4 L’influence de / ·enlourage
2.3.3 Les études sur les étudiants étrangers
2.3.4 L’apport des études sur l’entrepreneuriat des étrangers
2.3.5 Approche critique de l’intention d’entreprendre
2.4 HyPOTHÈSES
2.4.1 L’influence de la prise de risque sur l’intention d’entreprendre des étudiants étrangers
2.4.2 L’influence de l’opportunité sur l’intention d’entreprendre des étudiants étrangers
2.4.3 L’influence de la prise de risque et de l’opportunité sur l’influence d’entreprendre des étudiants étrangers
2.5 LE CADRE CONCEPTUEL
CHAPITRE 3 – MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
3.1 LA STRATÉGIE DE RECHERCHE
3.2 LA POPULA TION ÉTUDIÉE
3.3 L’ÉCHANTILLONNAGE
3.4 LA COLLECTE DE DONNÉES
3.5 LES INSTRUMENTS DE MESURE
3.5.1 La variable indépendante
3.5.2 La variable dépendante
3.5.3 Les variables médiatrices
3.5.4 Les variables de contrôle
3.6 LA MÉTHODE DE TRAITEMENT DE DONNÉES
CHAPITRE 4 – ANALYSE DES RÉSUL TATS
4.1 ANALYSE CORRÉLA TIONNELLE
4.2 ANAL YSE DE RÉGRESSiON
4.2.1 La régression hiérarchique de la prise de risque
4.2.2 La régression hiérarchique de l’identification d’opportunité
4.2.3 La régression hiérarchique de l’intention d’entreprendre
4.3 LA VALIDATION DES HYPOTHÈSES
CHAPITRE 5 – DISCUSSION
5.1 LA DISCU·SSION
5.1.1 Hypothèses validées
5.1.1.1 Lien entre prise de risque et intention.
5.1.1.2 Lien entre opportunité et intention.
5.1.1.3 L ‘influence de la prise de risque et l ‘opportunité sur l ‘intention d ‘entreprendre des étudiants étrangers
5.1.2 Hypothèses non validées
5.1.2.1 Lien entre le fait d ‘être étranger et la prise de risque
5.1.2.2 Lien entre le fait d’être étranger et l ‘opportunité
5.1.2.3 Apports théoriques et pratiques
5.2 LES LiMITES DE LA RECHERCHE
5.3 AVENUES DES RECHERCHES FUTURES
CONCLUSION
RÉFÉRENCES
ANNEXE A

 

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