L’INNOVATION SOCIALE ET LA TERRITORIALISATION DES CLUBS SPORTIFS DANS LES QUARTIERS POPULAIRES

L’INNOVATION SOCIALE ET LA TERRITORIALISATION DES CLUBS SPORTIFS DANS LES QUARTIERS POPULAIRES

La dynamique d’innovation sociale est un processus de recherche et de formalisation de réponses collectives à des problèmes sociaux inscrits sur des territoires, sur les localités clairement identifiées. Elle est créatrice de réponses ciblées et adaptées aux ressources disponibles où les principaux acteurs, individuels et collectifs, s’organisent pour proposer des actions reconnues comme « nouvelles » et « plus adaptées » que les actions déjà en places ou celles déjà expérimentées. Ce processus multidimentionnel est donc fortement dépendant des territoires, et particulièrement de la présence d’acteurs collectifs (sportifs, éducatifs, de l’action sociale, politiques, etc.) et de la manière dont ces acteurs vont interagir pour coordonner leurs actions et partager ou échanger leurs ressources. La dimension territoriale de la dynamique d’innovation sociale est donc entendue comme un processus de réajustement de l’intervention des structures auprès des individus qui s’opère selon un positionnement vis-à-vis des acteurs individuels et collectifs intervenant déjà sur la ville ou le quartier. En somme, elle est un déplacement du périmètre d’intervention des différentes organisations autant qu’une modification de l’ancrage physique de ces mêmes organisations et de sa zone d’influence (par rapport aux usagers). Avant de parler de la dynamique territoriale de l’innovation sociale, il convient de revenir sur la notion de territoire. En effet, si cette dernière n’est pas définie, elle peut se confondre avec celle d’espace, de zone ou encore de champ. Selon Marcel RONCAYOLO, le territoire est « un système de relations, dont les caractères et les limites, construction politique ou administrative, aire de marché, zone d’action restent à préciser784 ». Dès lors, le territoire n’est pas donné a priori, à l’image des limites physiques ou du cadastre. C’est une construction sociale résultant d’un double processus cognitif et d’occupation de l’espace par des individus et des groupes. Selon Guy DI MEO, le concept de territoire réunit les notions d’espace social et d’espace vécu785. L’auteur précise que le territoire favorise l’émergence d’une appartenance, d’une identité individuelle et collective qui se réfère à ce territoire qui participe à la structuration des rapports aux autres, à l’altérité. Le territoire se présente également comme un champ symbolique, une territorialité symbolique selon les termes de Maurice HALBWACHS786. En effet, le territoire appartient également à l’ordre des représentations sociales en se manifestant « dans des formes matérielles, de nature souvent symbolique ou emblématique.

[…] Tout se passe comme si la pensée d’un groupe pouvait naître, survivre et devenir consciente d’elle même sans s’appuyer sur certaines formes visibles de l’espace787». Sur ces bases symboliques, le territoire se présente ainsi comme un outil de mobilisation sociale. Si le territoire se définit également par sa fragmentation géographique, il traduit un mode de découpage et de contrôle de l’espace garantissant la spécificité et la permanence des groupes humains qui l’occupent. Le territoire est donc également politique dans le sens d’une construction intentionnelle d’occupation et d’action de groupes organisés. En somme, le territoire est une notion qui réunit des dimensions identitaires, symboliques, géographiques et politiques qui peuvent être vécus ou projetés. La définition donnée par les acteurs associatifs de leur territoire s’appuie sur différents critères dont la pondération varie d’un club à un autre788. Ils le définissent tout d’abord par rapport à l’espace utilisé dans la ville. L’équipement et l’usage de l’équipement par le groupe organisé est le premier marqueur territorial789. L’espace peut aussi être investi de manière temporaire, lors d’évènements ou d’animations mais demeure un marqueur du club sur l’espace public. Le territoire du club se définit également à partir de la manière dont sont identifiés les usagers, notamment à partir de leurs multiples attaches institutionnelles et géographiques. Ils sont parfois identifiés à partir de leur lieu de résidence sur une échelle allant de la barre d’immeuble à la ville en passant par la rue ou le quartier. Schématiquement, on peut dire qu’avoir des usagers habitant le quartier revient à être sur le quartier pour le club.

On peut dire qu’un club peut avoir peu d’adhérents ou d’usagers mais avoir un territoire vaste si les personnes sont identifiés sur différentes portions. Un club « de quartier » peut aussi avoir une portion de territoire sur une ville ou sur un autre pays (c’est le cas des échanges internationaux). Le territoire du club se définit également à partir des autres institutions, et notamment dans les cinq clubs étudiés, à partir du territoire (imaginé et réel) des acteurs éducatifs et sportifs. Ici, le périmètre du territoire associatif s’arrête où commence celui des autres collectifs organisés. Ce principe de délimitation territoriale est très marqué, dans les clubs étudiés, par la concurrence des autres clubs sportifs de la même discipline ou plus exactement, ceux qui participent au développement d’une concurrence disciplinaire. On retrouve ici la concurrence entre deux clubs de football mais aussi entre des joueurs de basketball en club et des pratiquants auto- organisés790.

 

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