L’IRM cardiaque

L’IRM cardiaque

L’imagerie par résonance magnétique

(IRM) est une technique d’imagerie qui repose sur le principe de résonnance magnétique nucléaire (RMN). La RMN exploite le fait que les noyaux de certains atomes possèdent un moment magnétique de spin, en particulier l’atome d’hydrogène présent en grande quantité dans les molécules qui composent les tissus biologiques. L’IRM nécessite, après magnétisation des tissus par un aimant supraconducteur, des gradients de champs magnétiques qui vont créer un signal électromagnétique mesurable. Ce signal est alors utilisé pour reconstruire une image de la composition chimique du tissu exploré (66). La Figure 15 présente les séquences IRM les plus courantes.Les différentes séquences réalisables en IRM permettent de préciser la composition des tissus étudiés. La présence d’œdème d’un infiltrat amyloïde ou de fibrose induit un allongement du temps de relaxation en T1 (tandis qu’il est raccourci par la présence de graisse ou l’accumulation de fer). La séquence T2 est plus souvent dédiée à la mise en évidence d’œdème, où il apparait avec en hypersignal (67). Les séquences pondérées en T2 STIR (Short-Tau Inversion Recovery) permettent ainsi de mettre en évidence la présence d’œdème, en supprimant le signal du sang circulant et de la graisse (68). Les séquences T1 et en écho de spin rapide sont utilisées pour l’étude du péricarde, et la recherche d’infiltration graisseuse (68). Enfin, la fibrose myocardique peut être évaluée après injection de gadolinium : un agent extracellulaire qui s’accumule dans les espaces interstitiels. L’acquisition des images peut être réalisée immédiatement au moment de l’injection pour évaluer la perfusion, et détecter les zones d’ischémie myocardique. A un temps précoce après l’injection (1 à 3 minutes), l’IRM myocardique permet la détection de régions moins bien vascularisées et d’obstruction microvasculaire. L’acquisition d’images plus tardivement (5 à 20 min après injection), détecte l’accumulation de produit de contraste dans les territoires infarcis ou fibrosés (67,68). La réalisation d’une cartographie en T1 (T1-mapping), après injection de produit de contraste, permet de mettre en évidence avec précision une différence de temps de relaxation, liée à la présence de fibrose au sein du myocarde, liée à une inflammation aiguë ou chronique. Il n’est cependant pas possible de différencier différents types de fibrose (fibrose interstitielle, fibrose cicatricielle) (68). La cartographie en T2 (T2-mapping) montre la présence d’œdème, en faveur d’une inflammation active (67). L’ensemble des séquences citées précédemment permet ainsi de mettre en évidence notamment la présence d’œdème et de fibrose, qui semble associée à la survenue de troubles du rythme et de conduction cardiaque, à l’origine de morts subites (69). La présence d’inflammation au sein du myocarde peut également conduire au diagnostic de myocardite. Le diagnostic de certitude repose sur les critères de Dallas. Il s’agit de critères histologiques, mis en évidence sur des biopsies myocardiques : ≥ 14 leucocytes/mm2 incluant jusqu’à 4 macrophages avec la présence d’au moins 7 lymphocytes T/mm2 (70). Devant la difficulté à réaliser des biopsies myocardiques, des critères IRM ont été définis par la Société Européenne de Cardiologie, afin d’améliorer le diagnostic de myocardite (71). Les critères de Lake Louise reposent sur 3 cibles diagnostiques au sein du myocarde : l’œdème visible en T2, l’hyperhémie évaluée lors du rehaussement précoce post-injection de produit de contraste et la nécrose visible sur les images avec rehaussement tardif. De récentes méta-analyses évaluent la précision diagnostique de ces critères autour de 83% (sensibilité 80%, spécificité 87%) (72).L’IRM est également une technique de choix pour l’évaluation de la cinétique cardiaque, grâce à la réalisation de séquence en ciné-IRM. En raison de son excellente reproductibilité et de son excellente résolution spatiale en 3D et temporale, l’IRM est considérée comme le gold standard pour l’évaluation volumétrique du ventricule gauche et le calcul de la fraction d’éjection du VG (73). L’IRM est aussi la méthode de référence pour le calcul du strain myocardique en raison de sa sensibilité et de sa reproductibilité (74,75). Le calcul du strain est aujourd’hui facilité par l’apparition de nouvelles modalités d’échographie cardiaque, plus accessibles que l’IRM. L’IRM cardiaque s’est par ailleurs révélée très utile pour mettre en évidence l’inflammation myocardique dans d’autres pathologies telles que : la polyarthrite rhumatoïde (76), le lupus érythémateux systémique (77), la spondylarthrite ankylosante (78), les vascularites à ANCA (79). 

Apport de l’IRM cardiaque dans la ScS   

L’IRM cardiaque permet de mettre en évidence des arguments en faveur d’une dysfonction cardiaque précoce, chez des patients encore asymptomatiques. L’étude de Bezante et al. (80) a montré une diminution significative des fractions d’éjection ventriculaire droite et gauche, ainsi que des volumes télédiastoliques ventriculaires droit et gauche chez 50 patients sclérodermiques, sans signe d’insuffisance cardiaque systolique (clinique et échographique avec FEVG normale). Les mesures des pressions pulmonaires étaient dans les limites considérées comme normales, mais plus élevées que chez les 31 sujets sains contrôles. Les auteurs évoquaient l’hypothèse d’une insuffisance cardiaque diastolique, liée à la présence possible de fibrose myocardique. Des troubles de la relaxation du ventricule gauche sont également mis en évidence, chez 35% des patients, dans l’étude de Hachulla et al (81). L’étude portait sur 52 patients consécutifs, parmi lesquels 12% avaient une HTAP confirmée par cathétérisme cardiaque. L’IRM a également permis de mettre en évidence une dysfonction systolique chez des patients encore asymptomatiques. Ainsi 23% présentaient une altération de FEVG et 21% une diminution de FEVD par rapport aux normes habituelles. Des troubles cinétiques étaient également particulièrement fréquents : 31% présentaient une hypokinésie du ventricule gauche, principalement localisée aux segments 7, 8 et 1, et 10% des dyskinésies du ventricule droit. On notait également la présence d’anomalies morphologiques fréquentes : 29% des patients présentaient un amincissement du ventricule gauche, prédominant dans les segments médians et basaux. Le ventricule droit n’est pas épargné pas ces anomalies car 11 patients soit 21% présentaient une dilatation ventriculaire droite, mais 7 patients n’avaient pas d’HTAP associée (81). Plusieurs études récentes ont mis en avant l’intérêt de la mesure du volume extracellulaire (ECV) pour le dépistage précoce d’une atteinte précoce du VG, chez des patients encore asymptomatiques (82–84). Cette mesure est réalisée à partir de 48 séquences T1, avec et sans injection de produit de contraste. Une étude de 2014, chez 33 patients ScS consécutifs (avec examen cardiologique normal et ETT sans anomalie en dehors d’une possible insuffisance diastolique < grade 3) et 16 sujets sains, retrouve une augmentation significative de l’ECV globale chez les patients ScS. L’analyse des segments myocardite mettait en évidence une augmentation de l’ECV au niveau basal et médioventriculaires. L’ECV global était significativement corrélé avec le volume atrial gauche et l’importance de la dysfonction diastolique (82). L’IRM cardiaque permet de mettre en évidence des arguments en faveur d’une dysfonction cardiaque précoce, chez des patients sclérodermiques encore asymptomatiques. Cette dysfonction est d’abord diastolique et elle touche les deux ventricules. Elle peut être suspectée précocement par le calcul du strain. Plus récemment, la mesure de l’ECV semble un marqueur précoce pour le dépistage d’une atteinte précoce du VG.L’étude de Krumm et al. (85) en 2016, chez 20 patients avec une myocardite suspectée à l’IRM sur les images après injection de produit de contraste, et confirmée par la biopsie myocardique (degré moyen de fibrose 12,3%, 50% des patients présentent une inflammation de grade 2, chez 1 seul patient présence d’ADN de parvovirus B19), rapporte également 30% de patients présentant une dilatation ventriculaire droite. Cela contraste avec le fait que seuls 3 patients (15%) présentent une HTAP. Dans cette dernière étude, la fonction ventriculaire droite est altérée : 70% des patients présentent une hypokinésie ventriculaire droite inexpliquée. La diminution de la FEVG, l’augmentation du diamètre du ventricule droit et de l’oreillette droite semblent liés à l’importante de la fibrose mise en évidence à l’IRM, selon Tzelepis et al. (86). Dans cette étude portant sur 41 patients sclérodermiques, avec FEVG et index cardiaque dans les limites habituellement considérées comme normales, 66% des patients présentent des images en faveur de fibrose (rehaussement après injection de gadolinium).

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