Logiques entrepreneuriales dans le domaine de la recherche

Logiques entrepreneuriales dans le domaine de la  recherche le cas des « Pôles de recherche nationaux »

En reprenant à son compte les différents diagnostics établis sur l’état de la recherche en Europe ainsi que les différentes analyses sur les réformes néo-libérales ou managériales menées par les autorités publiques dans ce secteur (Slaughter, Leslie, 1997; Pestre, 2003a ; Montlibert, 2004), ce chapitre tente de problématiser les rapports entre science et politique et S’intéresser aux réformes néo-libérales dans le domaine de la recherche nous semble un objet d’étude intéressant dans la mesure où la recherche occupe une place particulière dans les rapports de production sociaux et économiques (Vincent, 1999 ; Jessop, 2005). De même, les spécificités nationales (culture politique, particularités industrielles, etc.) semblent également intervenir sur la forme que peuvent prendre ces réformes (Jobert, 1994). Raison pour laquelle nous aborderons le cas particulier de la Suisse. En partant de ces postulats de départ, ce chapitre va tenter de répondre aux questions suivantes : dans quelle mesure et de quelles manières les actions entreprises dans le cadre de ces réformes interviennent-elles sur l’organisation de la recherche ? Et dans quelle mesure et de quelles manières l’esprit gestionnaire produit-il de l’ordre social (ou du désordre) au sein de l’organisation de la recherche ?

Afin de pouvoir répondre à la question des modalités d’intervention de la rationalité politique dans le champ scientifique, il s’agit de penser les rapports entre science et politique. Dans une première partie, nous présentons les « agences de moyens » comme des médiations instituées entre les acteurs du champ politique et ceux du champ scientifique. Dans une deuxième partie, il s’agit d’illustrer la position d’une agence de moyens 2. Les agences de moyens : entre science et politique  Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Etats européens ont mis en place des institutions nationales de soutien à la recherche publique dont le but était à la fois de contribuer au prestige national, à la puissance militaire, au développement économique et à la constitution d’une élite scientifique (Strasser, Bürgi, 2005 ; Dahan, Pestre, 2004 ; Jacq, 2002). A l’exemple de la Science National Foundation aux Etats-Unis, de la Deutsche Forschungsgemeinschaft en Allemagne ou du Fond national de la recherche scientifique en Suisse, des « agences de moyens » ont été instituées durant cette période dans différents pays (Fleury, Joye, 2002).En évaluant des projets de recherche et en acceptant ou en refusant leur financement, les agences de moyens interviennent non seulement sur les conditions de production scientifique mais également sur les modalités de reconnaissance des scientifiques, à savoir leur capital symbolique et, par là même, sur les cycles de crédibilité (Bourdieu, 1975 ; Latour, Woolgar, 1988 ; Rip, 1994). Parce qu’elles organisent une partie de la distribution des ressources matérielles et idéelles de la recherche publique, les agences de moyens peuvent être considérées comme un pouvoir institué au sens où elles sont autorisées à se prononcer sur les normes, critères, valeurs et autres catégories de classement .

De plus, ces agences de moyens sont financées par les pouvoirs publics. Pour cette raison, elles doivent gérer une double allégeance : une première vis-à-vis des représentants politiques qui leur octroient un budget et, une seconde, à l’égard des acteurs scientifiques, qui non seulement bénéficient matériellement et symboliquement de leurs subsides, mais participent aussi en tant qu’experts à l’évaluation des projets subventionnés (Godin, 2000). Cette configuration relationnelle est potentiellement source de tension en termes de représentations et de finalités de la recherche. 3. L’évaluation du Fonds national: l’évaluateur évalué Au début des années 90 sur mandat de l’ex-Office fédéral de l’éducation et de la science (OFES), le Fonds national a été évalué par un groupe international d’experts (Lüscher, 1990). Cette évaluation constitue un des « dispositifs de pouvoir » (évaluation, contractualisation, planification) mis en place dès le début des années 1990 par le Conseil fédéral (1991), sur proposition du Conseil suisse de la science (1989), dans le domaine de l’encouragement de la Dans ses recommandations, le groupe d’experts encouragea le Fonds national à formuler plus clairement les objectifs de sa politique d’encouragement et à mieux la faire connaître dans les milieux politiques et économiques, mais aussi auprès du grand public. Pour ce faire, le Fonds national devrait, selon les experts, accroître son potentiel de réflexion critique sur la science (Lüscher, 1990 : 34).

 

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