Méthodes, règles et langages liés à l’organisation de l’activité de conception

Méthodes, règles et langages liés à l’organisation de l’activité de conception

Même si l’activité de conception a subi de profondes mutations ces dernières années avec l’arrivée massive des outils numériques, elle reste cependant attachée à de nombreuses pratiques héritées du passé. L’objectif de ce paragraphe est d’identifier les raisons qui leur confèrent ce caractère incontournable. Pour cela, la genèse de la conception est reconstituée en faisant apparaitre les conditions d’émergence des méthodes et des outils (contexte, besoins…) afin de mettre en évidence leur pertinence mais aussi leurs limites. Ainsi, les domaines de la représentation géométrique, du dimensionnement, de la validation de l’organisation et de structuration du travail de conception sont successivement abordés. Si l’on considère que concevoir, c’est avant tout imaginer et construire, cette activité accompagne l’Homme depuis fort longtemps. Ainsi, sa compréhension et sa maîtrise le préoccupent depuis plusieurs millénaires puisque les premières tentatives de formalisation de la conception datent du premier siècle avant Jésus Christ. Il s’agit d’un traité réalisé par l’architecte romain Vitruve. La figure 2-1 présente un extrait de la version originale de ce document. ce XIXème siècle, le premier embryon d’une véritable structuration de l’activité de conception apparait à travers la création de « recettes de conception ». L’allemand Ferdinand REDTENBACHER en fut le principal instigateur. En fait, celles-ci permettent d’adapter les Il faut ensuite attendre le XIXème siècle et sa révolution industrielle pour voir un nouvel effort de structuration de l’activité de conception. En effet, les mécanismes produits à cette époque sont de plus en plus complexes et de plus en plus coûteux à l’image des machines à vapeur et plus précisément du chemin de fer (voir figure 2.2). Par conséquent, ils ne peuvent plus être l’œuvre d’une seule personne, mais ils deviennent des réalisations collégiales.

Ce travail a été réalisé en deux temps. Tout d’abord, les compétences techniques indispensables à la création des nouveaux produits ont été géographiquement rassemblées dans un unique endroit : le bureau d’études. Celui-ci favorisait les échanges et son confinement était propice au maintien de la confidentialité sur les nouvelles idées. Parallèlement, ces bureaux d’études se dotèrent d’un langage commun, de méthodes de travail et de règles de fonctionnement leur permettant d’optimiser l’activité de conception [Hatchuel 08a]. C’est ainsi que des solutions pertinentes furent apportées ou initiées pour faire face aux problèmes de représentation, de dimensionnement, d’évaluation et de gestion des données de conception. Pour preuve, un grand nombre d’entre elles sont toujours d’actualité aujourd’hui. Lors de l’émergence des bureaux d’études, les concepteurs ont à disposition deux types de langages : l’écriture et le dessin. En dehors de données telles que des notes de calculs ou des rapports, le premier est rapidement rejeté compte-tenu de son caractère équivoque. Quand au second, il peut répondre aux besoins des concepteurs, mais il demeure encore trop approximatif. De plus, il est peu codifié ce qui rend son enseignement difficile et aléatoire. Seules quelques méthodes ont été spécifiquement développées dans le domaine de l’architecture. Elles concernent essentiellement la représentation spatiale des objets (perspectives conique, isométrique et cavalière). C’est ainsi qu’au début du XIXème siècle des travaux sont menés afin de définir et de codifier un langage de représentation graphique permettant de décrire un objet avec complétude, exactitude et univocité. Ce travail est orchestré par Gaspard Monge aboutira à la création de la géométrie descriptive et projective (voir figure 2-3).

Ces nouvelles bases théoriques seront ensuite associées à des outils de cotation qui feront le lien entre le fonctionnement souhaité par le concepteur et ce qu’il est possible de réaliser compte-tenu des contraintes de fabrication. Cet ensemble formera les fondements du langage universel des concepteurs : le dessin technique. Il est également important de noter que l’apparition du dessin technique a nécessité la création d’outils de représentation adaptés permettant notamment de réaliser des dessins précis. La table à dessin est alors devenue l’instrument de base du concepteur et le symbole par excellence des bureaux d’études (voir figure 2-4). Le dimensionnement repose donc sur un ensemble de lois de comportement issues de la physique et de règles de conception spécifiques provenant de l’expérience acquise au cours du temps sur un type de produit particulier. Ces éléments formels ou empiriques forment une partie importante des connaissances et des compétences de l’entreprise et plus particulièrement du bureau d’études (voir figure 2-5) [Gorn 05]. Quant à l’évaluation, elle s’appuie sur la réalisation de prototypes subissant une batterie de tests dont l’objectif principal est d’établir le périmètre fonctionnel réel du produit conçu, puis de le comparer aux objectifs de conception initiaux. Si le résultat n’est pas satisfaisant, des modifications sont alors apportées au produit entrainant une nouvelle évaluation. La fabrication et l’exploitation de ces prototypes est extrêmement couteuse que ce soit en temps ou en argent (voir figure 2-6) [Turcat 00] [Fayer 01].

 

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