Mise en perspective sociologique de l’instrumentation de la presse

Le monde d’aujourd’hui semble pouvoir vivre et exister seulement par et pour les médias. Personne ne peut nier ni arrêter l’essor spectaculaire des technologies de l’information et de la communication (TIC). La sagesse chinoise de la dynastie de Han, représentée par Tong Tchong-chou (179-104 av. J.-C.), prédit l’avènement des réalités technologiques de la post-modernité et du tout numérique ou la digitalisation. Sans sortir de chez lui, un Sieoutsai peut savoir tout ce qui se passe sous le soleil . Voilà la formule qui dit tout sur les possibilités offertes par l’Internet. Les interconnexions mondiales permettent l’accès à un potentiel d’informations universelles. Mais le contrôle de l’Internet et de ses composantes échappe à l’homme. Un parallélisme hâtif débouche sur Georg Simmel qui analyse le pouvoir de l’argent sur l’homme . De toute évidence, l’humanité ne peut que s’émerveiller devant la subtilité du virtuel qui devient le point d’ancrage d’une communication aseptisée .

MISE EN PERSPECTIVE SOCIOLOGIQUE DE L’INSTRUMENTATION DE LA PRESSE

Le journalisme devient le cheval de bataille du monde contemporain. On lui attribue la qualité de pilier essentiel de la démocratie. Mais les choses ne se passent pas ainsi souvent. La presse donne l’impression d’être transcendée par d’autres représentations sociales. Visiblement, elle manque d’objectivité dans sa démarche. Il n’y a rien d’étonnant si la démocratie naissante dépérit du jour au lendemain.

Pour être utile, la sociologie se doit de découvrir et révéler la vérité sur le monde social. Pour Pierre Bourdieu (1er août 1930-23 janvier 2002), la tâche du sociologue n’a jamais consisté à s’occuper essentiellement de renifler le social mais à acquérir une connaissance réelle des mécanismes qui le gouvernent. Pour cela, il faut recourir à des connaissances qui ne sont pas seulement souhaitables, mais indispensables, pour pouvoir espérer réussir à le transformer. « La référence à l’universel est l’arme par excellence » , insiste le sociologue.

AUTOUR DE L’« INSTRUMENTATION »

L’instrumentation paraît une notion vide de sens pour le public profane. Cela peut être aussi le cas pour un sociologue habitué à un langage à la fois herméneutique et descriptif.

Cadre général

A l’heure actuelle, Google s’impose comme étant un des plus puissants moteurs de recherche sur Internet. Outil de mesure par excellence, il peut nous offrir des indications significatives quant à la fréquence de l’utilisation d’un mot.

Fréquence et définition
D’après Google, le mot « instrumenter » est 3 170 000 fois cité sur la toile mondiale, toutes langues confondues. Sans doute, le même vocable peut-il révéler plusieurs ambiguïtés suivant le pays. Il convient ainsi de restreindre le champ d’investigation. En sondant les « pages francophones », la récurrence du verbe «instrumenter » est de 32 700 fois contre 24 000 sur les pages « France ».

La fouille sur la grande toile peut donc nous renseigner sur la popularité certaine du verbe instrumenter. Mais le nom dérivé jouit d’une notoriété encore beaucoup plus grande. En effet, avec la même technique de recherche, le mot « instrumentation » est 47 000 000 fois cité sur les sites web mondiaux, 2 050 000 fois sur les « pages francophones » et 1 980 000 fois sur les pages « France » . Premièrement, instrumenter (verbe transitif), c’est procéder au choix des instruments de (une pièce musicale). Dans ce sens, il peut avoir comme synonyme « orchestrer » (instrumenter une symphonie). Deuxièmement, c’est doter (une installation ou une machine) d’un ensemble d’instruments ou d’appareils (instrumenter un télescope). Et troisièmement, instrumenter (verbe intransitif) a une connotation juridique (dresser un acte authentique). « Seul un officier public ou ministériel a le droit d’instrumenter » .

Le dictionnaire Hachette encyclopédique, édition 2001, donne à peu près les mêmes précisions mais avec une certaine nuance quant au premier sens du verbe transitif. Pour lui, instrumenter, c’est doter un système, un engin, d’une instrumentation (instrumenter un avion). La notion d’instrumentation, dans ses acceptions les plus usuelles, nous renvoie presque toujours aux domaines technique, mécanique, de l’industrie… et rarement aux domaines proches des sciences sociales ou des sciences humaines. L’instrumentation appartient donc à un système de vocabulaire étranger au domaine sociologique.

« Instrumentation » comme « idéal type »
Pourquoi alors insister sur l’usage du mot « instrumentation » dans le cadre d’une étude sociologique de la presse ? Telle est, pour l’heure, la question qui devrait se poser en toute légitimité. Le terme d’instrumentation, rien qu’en l’entendant prononcer, nous suggère le concept d’idéal type de la méthodologie wébérienne. Un idéal type se comprend comme un moyen permettant de saisir par comparaison dans le champ social les formes causales de ces activités et de ces relations . C’est « un concept génétique, une utopie rationnelle et une totalité signifiante pouvant servir de support ou de guide lors de l’élaboration d’hypothèses »  . Le mérite d’avoir pu intégrer le concept d’instrumentation dans le domaine des sciences sociales et sciences humaines revient au psychologue canadien Jean Garneau (1941-2005).

Notion relativement récente

« L’auto-développement : une stratégie d’instrumentation » est paru pour la première fois en 1984 dans la Revue québécoise de psychologie, vol. V, no 3, p. 47-59. Dans cet article, Jean Garneau précise la définition du concept d’instrumentation en mettant en relief la dimension pratique de ce dernier. Il y distingue les principaux types d’instruments à transmettre et explicite les caractéristiques nécessaires de chacun. Il termine en tentant de voir dans quelle mesure les psychologues d’écoles de pensées différentes s’entendent sur les instruments à transmettre .

Parler d’instrumentation dans les domaines proches de la sociologie relève d’une attitude épistémologique relativement récente. Elle date seulement de près de deux décennies. A l’heure actuelle, la plupart des approches thérapeutiques intègrent des préoccupations d’instrumentation dans leur pratique. On se soucie de rendre plus directement utilisables les apprentissages réalisés en thérapie. On suggère fréquemment des applications dans la vie quotidienne. On propose de refaire chez soi des exercices jugés utiles en entrevue.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : MISE EN PERSPECTIVE SOCIOLOGIQUE DE L’INSTRUMENTATION DE LA PRESSE
Chapitre I : Autour de l’« instrumentation »
Cadre général
Davantage d’éclaircissements
Principaux genres d’instruments
Mécanisme de contrôle
Chapitre II : Connaissances sociologiques proches de l’étude
Pierre Bourdieu et ses concepts majeurs
Approches par l’idéologie de la presse
Phénomène vécu et contesté à l’étranger
Chapitre III : les expériences historiques de l’époque coloniale à nos jours
De la presse d’opinion
De la presse d’opinion à la presse d’information générale
Fragilisation de la profession
DEUXIEME PARTIE : DYNAMIQUE D’INSTRUMENTATION DEPUIS 2002
Chapitre I : Géométrie de l’instrumentation : étude d’un cas récent
Approche synthétique de la méthode
Le cas à proprement parler
Equité discutable
Triple appréciation médiatique
Chapitre II : Effets de champ et effets de structure
Le champ journalistique malgache
Les contraintes vicieuses
Déviance déontologie et éthique
Chapitre III : milieu urbain : la sensibilité sociale
Description de l’échantillon
Dictature douce : refus et hypostase
TROISIEME PARTIE : PROSPECTIVE D’UN DEFI DE L’AUTONOMISATION
Chapitre I : autonomisation et medias
Autonomisation à la « Banque mondiale »
Autonomisation et performance médiatique
Du bon usage de la violence symbolique
Chapitre II : autonomisation, TIC et socialisation secondaire
Etat des lieux
TIC et société malgache
La socialisation secondaire par les TIC
CONCLUSION GENERALE

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