Mise en place, validation et suivi d’un prototype UV/H₂O₂ à échelle

Mise en place, validation et suivi d’un
prototype UV/H₂O₂ à échelle

Introduction 

En France, près de 80% des stations d’épuration (STEU) ont une taille inférieure à 2000 EH. Cela représente environ 15000 installations réparties sur le territoire français et qui constituent autant de points de rejets de micropolluants organiques ou de micro-organismes potentiellement pathogènes dans le milieu. L’installation de filtres plantés de roseaux pour le traitement des eaux usées est en pleine expansion en France pour les communes de moins de 2000 EH (Kim, 2014). Ces installations sont dites rustiques, car elles fonctionnent de façon très autonome, s’intègrent facilement dans le paysage et consomment peu d’énergie. Néanmoins, à l’instar des plus grandes STEU, les filtres plantés de roseaux ne sont pas conçus pour traiter les micropolluants réfractaires (Matamoros et Salvadó, 2012 ; Papaevangelou et al., 2016 ; Vymazal et al., 2015). Dès lors, la mise en place d’un traitement complémentaire doit être envisagé dans l’optique d’améliorer la qualité des milieux aquatiques et de constituer des réserves en eau directement mobilisables pour les industries ou l’irrigation dans un contexte de raréfaction des ressources. Le développement d’un système de traitement permettant de produire une eau de qualité supérieure à un coût abordable devient donc un enjeu environnemental et économique. Les essais réalisés préalablement à l’échelle pilote ont montré l’efficacité et la faisabilité économique d’un procédé de traitement UV/H₂O₂ sur des composés estrogéniques et pharmaceutiques. Ces résultats doivent désormais être validés à échelle réelle à travers le développement et la mise en place d’un prototype UV/H₂O₂. L’étude a ainsi pour objectifs : • d’atteindre au moins 80% d’abattement pour les molécules suivies en conditions réelles • de déterminer la qualité biologique et chimique de l’eau après traitement dans la perspective d’une réutilisation (REUT) • de démontrer l’accessibilité économique de ce procédé de traitement à l’échelle d’une STEU dimensionnée pour moins de 2000 EH. Ce chapitre présente dans un premier temps le site choisi et la démarche qui a conduit au dimensionnement du prototype. Le choix des polluants suivis et des méthodes d’analyses sélectionnées est ensuite justifié. La dernière partie expose les premiers résultats obtenus et permet de conclure sur le coût et l’efficacité du procédé développé pour les petites STEU. Cette thèse est accessible à l’adresse http://theses.insa-lyon.fr/publication/2016LYSEI117/these.pdf © [B. Cédat], [2016], INSA Lyon, tous droits réservés 

Choix et description du site pilote

 Le choix du site pilote pour l’installation d’un prototype UV/H₂O₂ s’est porté sur la station d’épuration de Vercia (39190, Jura) qui a une capacité de traitement de 1100 EH et qui met en œuvre des filtres plantés de roseaux. En effet, la mise en place d’un traitement complémentaire tel que le procédé UV/H₂O₂ pourrait permettre d’atteindre des qualités d’eaux traitées compatibles avec les exigences réglementaires du recyclage de l’eau (Arrêté du 2 août 2010) mais aussi d’anticiper de futures réglementations sur le rejet des micropolluants. La démonstration de la faisabilité technique et économique de ce système de traitement sur de petites STEU rurales est primordiale pour répondre à des objectifs de qualité d’eau supérieure. La très haute transmittance (> 75%) en sortie de STEU et la faible concentration en matière organique (COT ≈ 5 mg/L) sont particulièrement favorables pour un procédé UV/H₂O₂. En effet, les radicaux hydroxyles formés par le procédé vont moins interagir avec la matière organique comme cela a été montré dans IV.2.1 et d’avantage réagir avec les micropolluants organiques. Par ailleurs, la STEU de Vercia est située dans une zone déficitaire en eau où des actions de préservation de l’équilibre quantitatif relatives aux prélèvements sont nécessaires (SDAGE 2016-20216 ) (ANNEXE 7). Le recyclage de l’eau suscite donc l’intérêt du Syndicat intercommunal des eaux et d’assainissement (SIEA) de Beaufort-Ste-Agnès (Jura). L’un des usages possibles serait l’irrigation de cultures de maïs, très affectées par la sécheresse estivale en 2015. V.2.1 STEU de Vercia : généralités Mise en service en septembre 2004, la STEU de Vercia traite, au moyen d’un Filtre Planté de Roseaux (FPR), les eaux usées des habitants des villages de Rotalier et de Vercia (470 EH), mais aussi celles issues de l’activité générée par cinq viticulteurs. La charge liée à la viticulture peut atteindre 600 EH en période de pointe, c’est-à-dire au moment des vendanges, entre miseptembre et mi-octobre. Cette installation utilise une technique de filtration à écoulement vertical. Les eaux usées circulent par percolation verticale à travers les filtres composés de matériaux de granulométries croissantes de haut en bas (sables sur les couches supérieures pour filtrer et galets en couches inférieures pour drainer). Une partie de la matière organique est retenue en surface, dans le système racinaire des roseaux où elle est dégradée par les micro-organismes présents. Le débit moyen annuel de la Station de Vercia est de 6 m3 /h, mais peut augmenter de manière considérable (>40 m³/h) en temps de forte pluie. La filière de traitement mise en place par la société SCIRPE sur la station de Vercia répond aux objectifs réglementaires de traitement classique en matière de DBO5, DCO et MES. Un traitement complémentaire par lit bactérien (procédés AZOE NP) permet d’améliorer le traitement de l’azote et du phosphore. Cependant, comme la plupart des installations, cette STEU n’a pas été conçue pour traiter des micropolluants organiques qui sont rejetés dans le milieu naturel (ruisseau en contrebas de la STEU). 6 Schéma Directeur D’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) Rhône Méditérannée 2016-2021 Cette thèse est accessible à l’adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2016LYSEI117/these.pdf © [B. Cédat], [2016], INSA Lyon, tous droits réservés 

Description technique de la STEU de Vercia

 La Figure V.1 est un schéma général de la STEU de Vercia qui montre le cheminement de l’eau, de l’entrée des eaux brutes à la sortie des eaux traitées. Un dégrilleur élimine les macrodéchets en entrée de traitement (1). L’eau est ensuite canalisée vers une première cuve de stockage (2), acheminée vers le lit bactérien (3) puis redirigée dans la cuve. Le prétraitement biologique sur lit bactérien crée les conditions oxydantes nécessaire à la nitrification/ dénitrification. Lorsque la cuve est pleine, une pompe se déclenche pour alimenter le premier étage de filtration (4). L’eau y est épurée lors de son passage vertical dans les différents substrats qui forment le filtre puis elle se déverse dans une seconde cuve (5). Une seconde pompe répartit l’eau sur le second étage de filtration (6) pour affiner le traitement. La présence de cuves de stockage provoque des afflux d’eau par bâchées. La Figure V.2 montre une vue générale de la STEU de Vercia et notamment ces deux étages de filtration. La station d’épuration de Vercia constitue ainsi un site d’étude novateur pour valider l’efficacité du procédé UV/H₂O₂ sur de petits volumes et vérifier sa fiabilité sur une période de temps étendue. Dans un premier temps, un criblage des micropolluants réfractaires présents en sortie de traitement est réalisé préalablement à l’implantation du prototype afin d’identifier les molécules présentes et de proposer le suivi de certaines d’entre elles. Un suivi microbiologique et chimique est proposé par la suite. 

Criblages des micropolluants

 L’étude bibliographique sur l’occurrence des micropolluants ciblés (E1, E2, EE2, diclofénac, naproxène et ibuprofène) en sortie de petites STEU, et notamment des lagunes artificielles ou lits plantés de roseaux (I.4.1.2 et I.4.2.2), montre que les concentrations de ces molécules en sortie de traitement sont de l’ordre du ng/L ou du μg/L et peuvent fréquemment dépasser les Normes de Qualité Environnementale (NQE) actuelles établies au niveau européen. De plus, d’autres composés (pesticides, perturbateurs endocriniens…), dont certains Figurent sur les listes de vigilance de l’union européenne, sont aussi susceptibles d’être présents en sortie de ces petites STEU (García et al., 2010 ; Rossi et al., 2013). Ces molécules ont donc un impact potentiel sur le milieu aquatique et la mise en place d’un traitement complémentaire doit être envisagée (Rossi et al., 2013). Dans le but de vérifier la pertinence d’installer un prototype de traitement sur le site de Vercia, trois criblages ont donc été réalisés sur les eaux usées traitées de cette STEU. Le premier criblage a privilégié le nombre de molécules recherchées (350) sur la sensibilité de détection. Il s’agit d’une analyse multicomposés où un compromis est généralement fait entre le nombre de molécules détectées et la sensibilité de détection. Dans ce cas, la limite de détection de la majorité des micropolluants ciblés est supérieure à 10 ng/L. Cette méthode n’est donc pas suffisamment sensible pour des molécules retrouvées à de plus faibles concentrations mais pouvant présenter une activité biologique néfaste pour les écosystèmes aquatiques. C’est le cas des résidus d’hormones retrouvés, dont les NQE sont comprises entre 0,035 ng/L (EE2) et 0,4 Cette thèse est accessible à l’adresse :http://theses.insalyon.fr/publication/2016LYSEI117/these.pdf © [B. Cédat], [2016], INSA Lyon, tous droits réservés 145/201 ng/L (E1 et E2). Deux autres criblages ont donc été menés pour détecter la présence ou l’absence (analyse semi-quantitative) de micropolluants en sortie de STEU de Vercia. Ils ont ciblé plus particulièrement les produits pharmaceutiques et les hormones estrogéniques. Une analyse de l’activité estrogénique totale (par test YES) a également été menée.

 Identification des micropolluants réfractaires en sortie

Criblage 1 : méthode multi-composés 

Le premier criblage a permis de rechercher 350 molécules dans des échantillons prélevés en sortie de la STEU de Vercia. Les micropolluants sélectionnés sont présentés en ANNEXE 6. La sélection a été réalisée en fonction des molécules les plus fréquemment détectées en sortie de STEU (Loos et al., 2009; Luo et al., 2014; Martin Ruel et al., 2012; Víctor Matamoros and Salvadó, 2012). Le premier prélèvement ponctuel a été réalisé le 21 mai 2015 et analysé par le Laboratoire de la Drôme (LDA 26). Un volume de 2,5 litres d’eau a été échantillonné dans un contenant en verre brun et analysé dans les 48h. Ce criblage a mis en évidence la présence de trois résidus médicamenteux et de trois pesticides à des concentrations de l’ordre du µg/L. La classe et la concentration de ces molécules sont présentées dans le Tableau IV.1. Parmi ces molécules, le diclofénac a été détecté à une concentration de 7,7 µg/L soit une teneur près de 70 fois supérieure à la NQE actuellement envisagée par l’Europe (100 ng/L).

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