Photoinscription de guides d’ondes

Photoinscription de guides d’ondes

on s’intéresse ici à un autre champ applicatif de l’interaction d’impulsions ultra-courtes avec la matière : la modification de l’indice de réfraction dans les matériaux diélectriques transparents. Bien que les mécanismes physiques de ces modifications structurelles ne soient pas aujourd’hui complètement élucidés, de très nombreuses applications ont vu le jour ces dernières années, avec un accroissement exponentiel des publications à ce sujet depuis 2001 : stockage d’informations [104], réseaux de diffraction , guides d’ondes . La photoinscription de guides d’onde en volume dans les verres est l’une des applications les plus prometteuses. Du fait même de son origine physique, la modification d’indice est très locale, conduisant à un procédé très précis et relativement souple d’utilisation puisqu’il suffit de contrôler la position du point focal du laser pour graver la structure désirée. Cette technique ouvre donc la possibilité de réaliser de véritables composants d’optique intégrée en trois dimensions [147-149], ce qui était jusqu’à présent inaccessible avec la technologie silicium planaire. Des applications commerciales pourraient ainsi émerger dans les prochaines années, dès que les pertes ainsi fabriqués atteindront des valeurs compatibles avec les exigences des télécommunications. Afin de contrôler au mieux les structures inscrites, nous nous intéressons dans ce chapitre à la maîtrise des procédés permettant d’inscrire des structures guidantes, en tirant profit de la correction des aberrations du faisceau laser d’inscription, qui autorise notamment un meilleur contrôle de la zone irradiée. Une étude de la morphologie des guides et de leurs propriétés de guidage en lien avec les conditions expérimentales permet de définir les paramètres optimaux, de manière à envisager l’inscription de guides d’onde à section contrôlée grâce à la mise en forme du point focal. 

Revue bibliographique

Principe

 Nous avons vu au chapitre 5 que l’irradiation d’un verre par des impulsions femtosecondes conduit à une modification permanente de l’indice de réfraction. En focalisant le faisceau à l’intérieur de l’échantillon transparent, une augmentation locale d’indice est réalisable dans le volume du matériau. Par translation de l’échantillon devant le faisceau, on inscrit ainsi une ligne d’indice supérieur au milieu environnant, qui peut présenter des propriétés guidantes, de la même manière qu’une fibre optique, lorsque les paramètres d’inscription (énergie, focalisation, vitesse de translation) sont précisément ajustés. Le temps d’évacuation de la chaleur hors de la zone focale étant de l’ordre de 1 µs, deux régimes de modification d’indice existent : le régime haute cadence (>1 MHz) et le régime basse cadence (<100-500 kHz)* . En régime haute cadence, l’inscription est réalisée typiquement avec un oscillateur femtoseconde à faible énergie (80 MHz, quelques nJ) ou un oscillateur à cavité étendue (10-20 MHz) de manière à bénéficier d’une énergie supérieure (10-100 nJ). La modification d’indice provient alors d’une accumulation thermique, le volume focal jouant le rôle d’une source de chaleur locale. A cause de l’isotropie de la diffusion thermique, la zone modifiée est alors à symétrie sphérique et dépend du nombre d’impulsions incidentes. En régime basse cadence, des * La limite entre les deux régimes est assez floue car les temps de diffusion thermique des différents verres ne sont pas précisément connus. Chapitre 7 – Photoinscription de guides d’ondes 141 systèmes amplifiées sont utilisés, délivrant typiquement des impulsions de 1 mJ à 1 µJ selon la cadence (1-100 kHz). Comme le matériau revient à température ambiante après chaque impulsion, l’indice est modifié par des processus de relaxation faisant suite à une forte photo-ionisation. En conséquence, la zone modifiée est confinée au volume focal. Le contrôle de ce volume autorise donc le contrôle de la zone d’augmentation d’indice. Les valeurs des modifications d’indice sont aujourd’hui équivalentes pour les deux régimes. Parallèlement à ces deux régimes, il existe deux configurations géométriques pour l’inscription de guides d’ondes : l’inscription longitudinale et l’inscription transverse, correspondant un déplacement de l’échantillon parallèlement ou perpendiculairement au faisceau laser (figure 7.1). En régime basse cadence, l’inscription peut se faire selon les deux géométries [91]. En configuration longitudinale, le guide étant gravé parallèlement à la direction du faisceau, son profil est circulaire grâce à la symétrie de focalisation [92]. En outre, le régime basse cadence présente l’avantage de pouvoir contrôler le diamètre et le profil du guide en contrôlant la taille du point focal. Dans la direction longitudinale, la longueur du guide est limitée par la distance de travail de la lentille ou de l’objectif utilisé. Cependant, grâce à l’utilisation de sources amplifiées, le seuil d’ionisation non linéaire peut être atteint sans focalisation trop drastique. Ceci permet l’utilisation de focales assez longues et d’ouvertures numériques relativement faibles (ON<0.5), la distance de travail (et donc la longueur du guide) peut alors atteindre une échelle centimétrique. Les trois dimensions de l’espace sont ainsi accessibles, autorisant la fabrication de vrais composants 3D, incluant éventuellement des courbes [149]. Des vitesses de translation typiques de 0.1 à 1 mm/s sont utilisées. Pour s’affranchir de la limitation de longueur des guides, il faut se placer en configuration transverse. En contrepartie, c’est la profondeur qui se trouve alors limitée par la distance de travail de l’objectif utilisé. Mais le principal inconvénient de cette technique est que le profil du guide inscrit n’est pas circulaire car la zone modifiée correspond au volume focal. Celuici étant défini par le diamètre à 1/e² du faisceau et la zone de Rayleigh, on obtient alors des guides à section elliptique [146, 147]. Des systèmes dédiés ont été étudiés pour contrer ce problème, avec notamment une focalisation astigmatique [146, 150]. Une troisième configuration récemment découverte peut également être utilisée, dans laquelle l’échantillon est fixe [151]. L’inscription du guide se fait longitudinalement par la propagation d’un filament, confiné spatialement par des effets non-linéaires d’autofocalisation. Pour cela, l’ouverture numérique du faisceau d’écriture doit rester très faible (<0.01), nécessitant des lentilles de grandes focales (7 cm). La longueur et le diamètre du guide sont contrôlés par l’énergie et le nombre d’impulsions. Si cette technique paraît séduisante par sa simplicité de mise en œuvre, elle est cependant limitée à l’inscription de guides rectilignes. En régime haute cadence, seule la configuration transverse est viable [106, 145, 152, 153]. En effet, à cause des faibles énergies délivrées par de telles sources non amplifiées, une focalisation extrêmement forte (ON≥1) est requise pour atteindre les fluences permettant d’initier une modification d’indice. Les distances de travail sont alors très réduites (~200 µm), interdisant la configuration longitudinale et réduisant du même coup les capacités tridimensionnelles de la photoinscription femtoseconde : les guides ne sont enterrés que de quelques centaines de microns sous la surface, avec une faible gamme de profondeurs accessibles. La longueur des guides est par contre illimitée. L’augmentation d’indice étant provoquée par un effet thermique cumulatif isotrope, des guides à section circulaire sont réalisables [145, 154], dont le diamètre est contrôlé par l’ajustement du couple {cadence, vitesse de translation}. Le profil du guide est donc plus difficilement reproductible puisqu’il dépend du matériau et non du faisceau laser. En contrepartie, le régime haute cadence autorise des vitesses de translation élevées (0.1-20 mm/s), permettant un procédé rapide. Un oscillateur est en outre une source simple et compacte, de coût limité (~60 k€ contre ~300 k€ pour un système amplifié). Les spécificités de ces différentes configurations expérimentales sont récapitulées dans le tableau 7.1 ci-dessous.

Réalisations

 Les premiers guides d’ondes inscrits dans les verres par laser femtoseconde ont été réalisés entre 1996 et 1998 par l’équipe japonaise de K. Hirao et K. Miura [91-93, 155]. Depuis 2001, le développement de cette technique ne cesse de s’accroître. De nombreuses équipes de chercheurs s’intéressent aujourd’hui de près à ce sujet. Parmi les plus actifs, on peut notamment citer* : – en Amérique du Nord : le groupe de E. Mazur à l’université de Harvard [86, 112, 118, 145, 156], celui de E. Ippen au MIT [148, 153, 157], A. Streltsov et N. Borelli (Corning) [95, 152], le groupe de M. Richardson au CREOL [111, 158, 159], de P. Herman à Toronto [119, 120, 160], de D. Krol à l’université Davis – au Japon : les groupe de K. Hirao [91-93, 155], de M. Obara [151, 161, 162], de W. Watanabe et K. Itoh [149, 163, 164] – en Europe : le groupe de S. Nolte à Jena [96, 99, 147, 165], celui de R. Osellame et G. Cerullo à Milan [106, 146, 150, 154, 166, 167] de J. Solis à Madrid [109, 168] En France, les premiers guides ont été réalisés au laboratoire TSI [60, 169] et au LOA [170]. La photoinscription de guides d’ondes par laser femtoseconde est un domaine en pleine expansion, qui lie les intérêts de plusieurs communautés scientifiques (lasers ultra-brefs, effets non-linéaires, physique des matériaux et des solides, optique guidée et intégrée). Il n’est donc pas question ici de faire un état de l’art détaillé, mais simplement de mentionner les réalisations les plus marquantes. Celles-ci sont étroitement liées à la configuration géométrique adoptée et au choix du laser d’inscription (systèmes amplifiés ou oscillateur). De manière à disposer d’un outil le mieux adapté possible, les développements laser actuels convergent vers la transition entre les régimes haute et basse cadence, l’objectif étant d’obtenir des impulsions d’énergie élevée à haute cadence (typiquement 1 µJ, 1 MHz). Après les guides multimodes démontrés par Miura et al. [92, 155] puis le premier coupleur Y réalisé en 1999 par Homoelle et al. [144], Streltsov et Borrelli [152] réalisent en 2001 un coupleur directionnel par gravure de deux guides parallèles, dont le couplage dépend de leur espacement (quelques microns). Ils démontrent en même temps la possibilité d’inscription à 400 nm avec un laser doublé en fréquence* , ainsi que l’utilisation d’un simple oscillateur femtoseconde au lieu de sources amplifiées. Toutes ces expériences sont réalisées en configuration longitudinale, l’augmentation d’indice est estimée à ∆n~10-3. Schäffer et al. [145] testent alors l’inscription transverse à l’oscillateur en cavité étendue (800 nm, 10 nJ, 25 MHz) avec une focalisation extrêmement forte, et réalisent des guides d’ondes à section circulaire résultant d’un effet majoritairement thermique. L’indice est cependant un ordre de grandeur plus faible. L’équipe de Ippen reprend cette technique pour réaliser un coupleur en X [153], un coupleur directionnel et un interféromètre de Mach-Zehnder [157], composants à deux dimensions. En 2002, Will et al. [99] étudient l’inscription transverse à basse cadence et montrent que le guide créé a une section elliptique, avec des propriétés multimodes dans la direction allongée démontre le premier composant 3D : un coupleur 1 vers 3, avec un ∆n de 10-3 [147]. Afin de s’affranchir du problème d’ellipticité de la section du guide en inscription transverse basse cadence, l’équipe de Cerullo et Osellame a développé un système de focalisation astigmatique [146, 150] permettant d’obtenir des guides à section circulaire. Utilisant ces différentes techniques, des composants actifs et des composants télécom ont été réalisés. Pour les premiers, on recense des guides fabriqués dans différents types de matériaux transparents : silice pure, dopée au Germanium, verres au borate, silice ″soda lime″, fluorozirconate (ZBLAN), fluorophosphates, chalcogenides [91, 92], phosphates [108], verres dopés Nd [171], verres à indice élevé dopés aux métaux lourds [109] etc., mais aussi dans les cristaux comme le Ti:saphir [172], LiNbO3 [173], LiF [174], ou encore dans des matériaux à larges possibilités applicatives comme le PMMA [111] ou le silicium [160]. Des guides à propriétés amplificatrices ont ainsi été réalisés dans des verres au phosphate dopés Er:Yb [166] avec possibilité d’effet laser en plaçant le composant entre deux fibres à réseau de Bragg [154]. Un micro-laser a également été démontré dans un cristal LiF [174], de même que des structures amplificatrices dans la gamme de longueur d’onde télécom [167]. Comme des coupleurs directionnels 3D sélectifs ou non en longueur d’onde [148, 149] et des coupleurs 1 vers N [175] ont également été démontrés, les fonctions télécom de base semblent disponibles. De réelles applications télécom pourraient voir le jour dès que les pertes atteindront des valeurs acceptables (<1 dB/cm). Ceci passe d’une part par la recherche et l’étude de nouveaux matériaux [106] couplées à l’ajustement de la cadence [119] et de la longueur d’onde [120], et d’autre part par la meilleure maîtrise de la zone modifiée. Notamment, l’importance de la correction de l’aberration sphérique a été soulignée tout récemment pour les grandes ouvertures numériques [176], et les études sur le contrôle du volume focal se multiplient depuis quelques mois [177, 178], venant s’ajouter aux travaux italiens [146, 150]. Ainsi, que ce soit pour l’inscription transverse à haute cadence, pour compenser l’ellipticité des guides en géométrie transverse à basse cadence, ou encore pour contrôler le profil du guide et les effets non-linéaires en inscription longitudinale basse cadence, la maîtrise du volume focal semble pouvoir apporter une contribution intéressante. Utiliser un dispositif de mise en forme spatiale du faisceau semble donc être une technique adaptée aux besoins actuels.

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