POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE ET CONTRÔLE DE MORALITÉ

 POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE ET CONTRÔLE DE MORALITÉ

Opinions de la doctrine

 Après avoir fait entrevoir dans les développements qui précèdent l’importance du contrôle juridictionnel de la moralité administrative, après avoir indiqué également les points précis où cesse le pouvoir discrétionnaire de l’autorité administrative pour donner prise au contentieux de la moralité, cc qui nous a amené, en quelque sorte, à préjuger déjà la question de l’existence d’une moralité administrative ayant ses règles propres et distincte des autres principes régissant l’activité des agents administratifs, il nous appartient maintenant de revenir sur certaines idées déjà touchées ci-dessus, d’une façon un peu sommaire, pour apporter à cette place les justifications indispensables. 

La doctrine nie, en général, l’existence de ce qu’à! 

La suite de M. Hauriou nous appelle le contrôle contentieux de la moralité administrative. Tout au moins, si les auteurs ne contestent pas qu’il existe une moralité administrative, ils ne considèrent pas, ou, du moins, ne font pas suffisamment ressortir qu’elle forme un ensemble de principes ayant un caractère propre (I). Nous avons déjà eu l’occasion de signaler la tendance générale qui consiste à voir dans les actes de l’ administration poursuivant des fins contraires au bien du service, tout en se tenant apparemment dans les limites formelles fixées par le législateur, des atteintes portées à la règle légale elle-même. Nous savons que c’est là la doctrine défendue par M. Michoud et de ceux qui se sont inspirés des idées du maître. . Si M. °Michoud (Ann. Green., 1913 et 191L!) concède « que « la loi écrite n’est pas un système fermé, qu’elle °n’a pas « réponse à toutes les questions et que, là ou elle se tait, le I{ juge doit suppléer à son silence en dégageant lui-même la règle de droit à appliquer », il estime cependant que le détournement de pouvoir, que nous considérons comme exprimant de la façon la plus complète la théorie o de la moralité administrative, est ({ une véritable violation de la loi », qu ‘il constitue bien une ({ illégalité » et qu ‘il est .tout à fait inexact de voir dans le contrôle juridictionnel réprimant le détournement de pouvoir {{ un examen du contentieux sur la moralité administrative, si on entend par là {( que ce contrôle de moralité n’est pas en même temps un {( contrôle de légalité ». Il est vrai que l’attitude de cet auteur lui a été, en partie, dictée par le fait qu’il confond comme à plaisir moralité avec opportunité, laquelle appartient, comme nous l’avons déjà constaté, à un tout autre ordre d’idées. D’autres antennes, visant plus spécialement l’erreur de fait, s’ils reconnaissent que ce que nous appelons l’immoralité administrative , ne constitue pas une atteinte à la loi de fond proprement dite, affirment qu’il s’agit là de violations de la loi de compétence. « Nous prétendons, dit M. Marc Régalade (loc. cit., p. [/26) ({ après avoir, d’ailleurs, admis o que le détournement de {( pouvoir constitue une illégalité au sens propre de ce mot,(C que l’illégalité dont il s’agit lorsque le Conseil! d’Etat mine les motifs dans un cas  de droit ou d’erreur . « de fait, se rattache non à la violation de la loi du fond, (C mais à l’incompétence, en est une variété ou au moins un dérivé comme le vice de forme ou le détournement de « pouvoir ». D’autre part, M. Bonnard  affirme que dans les récents développements du recours  de pouvoir cc on reste bien dans le contrôle de la légalité, pare e « qUe le Conseil d’Etat n’intervient que dans le domaine de « la compétence liée ». cc Sans doute, dit-il, c’ est un  contrôle qui est tous les jours mieux compris ; mais il reste « tel. Il n’y a même pas création d’un nouveau cas d’ouverture. Les nouvelles hypothèses envisagées rentrent très cc bien dans les cas de violation de la loi, en entendant, il cc est vrai, la loi dans un sens large, en y comprenant, non cc seulement la règle écrite, mais aussi la règle couturière. En ce qui concerne spécialement le contrôle du détournement de pouvoir, l’auteur soutient (p. 390 et 5.) que « le juge reste bien dans le domaine de la légalité, « parce que Ie fait de poursuivre un certain but déter- «; miné est une condition de égalité de I’ acte . Ainsi cc la loi fixant le but de l’acte en fait une condition de « l’égalité. Par suíte le juge, en examinant si l’acte pour  bien ce but, ne fait que contrôler la l’égalité de  l’acte. II ne se fait pas juge de la c moralité administrative ), de I ‘opportunité des décisions, puisqu’il « n’y a jamais de la part de l’agent administratif libre  appréciation sur le point de savoir si l’acte est conforme cc au but prévu ». A remarque’ qu’encore ici il y a confusion entre moralité et opportunité (r). 

La théorie de la’ responsabilité de la ‘puissance publique et la moralité administrative 

Nous venons de passer’ en revue Les éléments de l’ acte administratif qui donnent prise au contrôle juridictionnel de la moralité administrative ; .nous avons vu également que celui-ci se différencie nettement du contrôle de la légalité proprement dite par ses caractères particuliers qui Ie font apparaître comme tendant, avant tout, à assurer efficacement la discipline propre de l’institution administrative. Dans cet ordre d’idées, nous voudrions remarquer encore qu’à certains égards, la théorie ~de la responsabilité subjective de l’administration présente des affinités avec celle du contrôle de la moralité dont elle forme, pour ainsi dire, le complément dans le domaine de l’opération et de l’exécution des décisions administratives. Nous reconnaîtrons même le caractère propre du contentieux administratif, envisagé dans son ensemble, si nous nous refusions à voir .les liens qui unissent, par certains côtés, le contentieux objectif et Ie contentieux subjectif, qui tous deux tendent en somme d’une façon plus ou moins directe et dans une mesure plus ou moins importante à la moralisation de L’activité administrative. Le rapprochement du contrôle contentieux subjectif du contrôle objectif de la moralité paraît, d’ailleurs, d’autant plus indiqué qu’à l’origine la séparation entre ces deux . branches du contentieux administratif n’était pas nettement marquées. Tous deux tendent, en somme, à la mise en ambre d’un contrôle encore très modeste dans l’intérêt supérieur d ‘une bonne administration. « Pendant très longtemps, dit ~J. Marc Noel (Les motifs dans les décisions des juridictions administratives, Rev. « dr. p., 1924, p. 362), lorsqu’il s’agissait de condamner à la réparation d’un dommage causé par la puissance publique, « on ne considérait pas que la victime eut un véritable droit « à indemnité. Jusqu’à l’arrêt Rlanco de 1874, le Conseil d’Etat n’accordait d’indemnité pour les dommages causés par la puissance publique qu’en vertu d’une idée vague d’ équité. Statuant ainsi, au contentieux de la pleine juridiction lui-même, il apparaissait encore presque comme « un véritable administrateur, comme un corps chargé « d’assouplir et d’assurer le fonctionnement de l’administration. Si l’on peut toujours soutenir que le contentieux de l’annulation et celui de la réparation se rapprochent par certains de leurs traits, c’est que dans le contentieux de l’indemnité le Conseil d’Etat ne se préoccupe pas seulement d’assurer la satisfaction du droit de la victime du dommage, mais encore de sanctionner indirectement les prescriptions à caractère moral régissant la conduite des agents administratifs dans l’exercice de leurs fonctions. Ce contentieux s’aligne donc au recours pour excès de pouvoir pour la répression de l’immoralité administrative. Dans une note au  Trotabas accentue encore cette idée en déclarant que la théorie de la responsabilité « participe d’une manière très nette à la défense de la moralité administrative ». Le Conseil d’Etat profite du recours en indemnité que les particuliers portent devant lui pour faire la leçon aux administrateurs et leur représente’ les manquements dont ils se rendent coupables à l’encontre des règles de la bonne administration. 

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