Prise en charge des ingestions caustiques sévères

L’ingestion d’un produit caustique est une absorption par voie digestive d’une substance qui a la capacité d’engendrer des dommages tissulaires, par son action chimique et/ou physicochimique.

L’ingestion d’un produit caustique est souvent volontaire, alors que la forme accidentelle reste moins fréquente, et constitue une véritable urgence vue la gravité des dégâts tissulaires engendrés. Cette gravité dépend de plusieurs facteurs tels que la quantité du produit ingéré, sa nature et le temps de contact avec le tissu.

Les formes graves sont redoutables, et engagent le pronostic vital nécessitant le plus souvent un geste médico-chirurgical, dans une unité multidisciplinaire disposant d’endoscopie digestive. Cette dernière constitue l’examen de référence pour visualiser, évaluer, classer et éventuellement traiter les lésions. Par ailleurs, le pronostic fonctionnel reste incertain en raison des séquelles organiques résiduelles et des exérèses viscérales souvent nécessaires.

Définition

L’ingestion de caustique est une absorption par voie digestive de substance aux propriétés physico-chimiques définies. L’organisme ne tolère pas les extrêmes de pH. Si celui dépasse 11 ou est inférieur à 2, la destruction tissulaire est presque toujours irréversible. Sa gravité est lié également au mode progressif de cette destruction [2].

Physiopathologie

Toxicité des produits caustiques

Certains produits caustiques ont, outre leur toxicité locale, des toxicités systémiques qui peuvent mettre en jeux le pronostic vital. Ainsi, les acides fluorhydriques sont de puissants chélateurs du calcium et peuvent entraîner des complications neurologiques et surtout cardiaques, à type de fibrillation ventriculaire [3]. Les acides et les bases fortes peuvent entraîner des troubles hydro-électrolytiques à type d’hyper-natrémie, d’hyperkaliémie et acidose métabolique. Il existe un effet, comme dans les brûlures cutanées étendues, une fuite plasmatique considérable avec constitution rapide d’un troisième secteur [4]. Les troubles d’hémostases sont la conséquence d’une consommation des facteurs de coagulation [3] avec constitution des thromboses pré-viscérales étendues et existence d’un état de choc avec bas débit [5].

Histoire naturelle des lésions caustiques

Lors d’une ingestion massive et/ou d’un retard de prise en charge, la brûlure s’étend par contiguïté aux organes de voisinage dans le médiastin et l’abdomen. L’atteinte trachéobronchique apparaît soit par inhalation, soit par diffusion médiastinale de la brûlure œsophagienne. Ces dernières évoluent vers la perforation de la membraneuse trachéal bronchique (d’évolution toujours mortelle si elle n’est pas opérée) ou vers la constitution secondaire de fistules trachéo- ou broncho œsophagiennes, de nécrose ou de bronchomalacies, dont le traitement est toujours difficile.

En absence de décès précoce et, si la brûlure a été profonde, des complications digestives à type d’hémorragie, de perforation bouchée, de fistule gastrocolique et de fistule aortoœsophagienne peuvent survenir jusqu’au 21ème jour .

Le risque de dégénérescence néoplasique de l’œsophage cicatriciel est nettement augmenté par rapport à la population générale, ce qui a conduit plusieurs auteurs à proposer une œsophagectomie prophylactique au moment de la reconstruction chez des patients porteurs de sténoses réfractaires aux dilatateurs endoscopiques [3, 9, 10].

Étude anatomopathologique

Topographie des lésions

Il n’y a aucun parallélisme entre le produit caustique et les différentes localisations : buccale, pharyngée, œsophagienne, gastrique et intestinale. La quantité du produit ingéré, sa forme, sa nature, la rapidité d’ingestion, la réplétion gastrique, sont des facteurs qui déterminent les degrés et l’importance des brûlures. Ainsi la topographie de ces lésions est très variable, et conditionnée par de nombreux facteurs.

Nature et forme du caustique 

Les acides déterminent une nécrose de coagulation formant une couche superficielle qui protège partiellement les tissus sous-jacents. Ils lèsent la cavité buccale où ils peuvent stagner momentanément, traversent rapidement l’œsophage en raison de leur fluidité. Ils sont retenus dans l’estomac par un spasme pylorique. Ainsi, les acides lèsent préférentiellement l’estomac, l’œsophage étant épargné dans 80à 90% des cas [6].

Les bases, en dissolvant les matières albuminoïdes et en saponifiant les graisses, réalisent une nécrose liquéfiante qui les fait pénétrer profondément dans les couches musculeuses de l’œsophage. Donc les bases déterminent volontiers des lésions œsophagiennes :
◆ La forme solide des bases adhère fortement à la muqueuses du palais,glossopharyngienne et œsophagienne, provoquant des brûlures profondes qui évoluent vers la sténose.
◆ Les bases liquides, généralement visqueuses, traversent lentement l’œsophage et y créent des lésions graves.

Rapidité d’ingestion

Elle dépend de circonstance d’ingestion (volontaire ou accidentel). L’ingestion lente (absorption accidentelle) provoque un spasme immédiat de l’œsophage entraînant une stagnation du produit dans la cavité buccale. Si l’ingestion est rapide (tentative d’autolyse), le passage dans l’estomac sera rapide. Le maximum de lésions se situe alors au niveau de l’estomac.

Mode de passage et de remplissage du tractus digestif

La position du sujet lors de l’absorption (procubitus, décubitus, assis) explique quelques localisations préférentielles. Par exemple, lors de la station debout, le liquide s’accumule au niveau du bas fond gastrique. Les spasmes pyloriques et crico-pharyngés, en entravant le passage du caustique, protègent l’intestin et la cavité pharyngo-laryngée du transit et des vomissements caustiques. A l’inverse, ces spasmes maintiennent une grande quantité ou une forte concentration de produit dans la lumière œsogastrique, entraînant une action maximale à ce niveau [6].

Table des matières

Introduction
Matériel et Méthodes
I. METHODOLOGIE DE TRAVAIL
II. ÉLÉMENTS RECUEILLIS
1. Critères d’inclusion et d’exclusion
2. Éléments anamnestiques
2.1. Facteurs étiologiques
2.2. Produit caustique
2.3. Attitude du patient après l’ingestion du caustique
3. Bilan lésionnel
3.1. À l’admission
3.2. Bilan lésionnel secondaire
4. Le traitement
5. L’évolution et éventuelles complications
Résultats et Analyse
I. FACTEURS ETIOLOGIQUES
1. Fréquence
2. L’âge
3. Le sexe
4. Profil socio-économique
5. Profil psychologique
6. Circonstances d’ingestion
7. Produit ingéré
7.1. Nature du produit caustique
7.2. Quantité ingérée
8. Délai de prise en charge
II. Tableau clinique et paraclinique à l’admission
1. Signes fonctionnels et physiques
2. Bilans paracliniques
2.1. Fibroscopie œsogastroduodénale (FOGD)
2.2. Bilans radiologiques
2.3. Naso-fibroscopie
2.4. Endoscopie trachéobronchique
2.5. FOGD de contrôle
2.6. Bilans biologiques
III. Traitement
1. Mise en conditions et mesures de réanimation
2. Alimentation parentérale
3. Alimentation entérale
3.1. Alimentation par voie orale
3.2. Alimentation par jéjunostomie
4. Traitement instauré
4.1. Traitement médical
4.2. Traitement chirurgical
4.3. Prise en charge psychiatrique
IV. Évolution des lésions
Discussion
I. Définition
II. Physiopathologie
1. Toxicité des produits caustiques
2. Histoire naturelle des lésions caustiques
III. Étude anatomopathologique
1. Topographie des lésions
1.1. Nature et forme du caustique
1.2. Rapidité d’ingestion
1.3. Mode de passage et de remplissage du tractus digestif
2. Étude macroscopique
3. Étude histologique
3.1. Phase initiale, postagressive (J1)
3.2. Phase de détersion (J2-J8)
3.3. Phase de réparation (J8-J30)
3.4. Phase de cicatrisation (>J30)
Conclusion

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