Propriétés magnétiques et structure électronique des semi-conducteurs magnétiques dilués de type II-VI

Propriétés magnétiques et structure électronique des semi-conducteurs magnétiques dilués de type II-VI

Spintronique 

Ce premier chapitre permet d’introduire le principal domaine d’application des semi-conducteurs magnétiques dilués que constitue la spintronique. Après la définition du domaine et la présentation des principaux enjeux physiques que pose la manipulation des spins dans les matériaux, on donnera un aper¸cu des applications possibles que sont la SpinLED et le SpinFET. Ces exemples de dispositifs nous permettront de souligner l’importance des DMS dans la réalisation de composants de l’électronique de spin.

Définition et problématique 

La spintronique ou électronique de spin propose d’utiliser non seulement la charge mais aussi le spin de l’électron pour coder l’information. Le spin, qui était totalement négligé jusqu’alors dans les applications de la microélectronique classique, donne lieu à des phénomènes physiques nouveaux qui offrent des perspectives intéressantes en matière d’intégrabilité, de vitesse de commutation, de consommation et de non-volatilité de l’information. C’est en ce sens que la spintronique a suscité un vif intérêt dans la communauté scientifique comme alternative à l’électronique classique qui est aujourd’hui confrontée à des obstacles physiques majeurs dus à une réduction accrue de la taille des composants. La spintronique a déjà connu de nombreux succès. La découverte en 1988 par A. Fert et P. Gr¨unberg (Prix Nobel 2007) de l’effet magnétorésistif géant (GMR) dans les multicouches alternant métal ferromagnétique et oxyde isolant, a entraîné un bouleversement technologique majeur dans le secteur de la microinformatique. Le développement de nouvelles architectures de têtes de lecture de disque dur basées sur ce principe ont permis d’accroître la densité des disques durs des ordinateurs dont les capacités ont augmenté de manière vertigineuse passant de quelques Gigaoctets au début des années 1990 aux capacités actuelles pouvant atteindre le Téraoctet. D’autres applications ont également vu le jour. Ainsi la MRAM (Magnetic Random Acces Memory) a connu un intérêt grandissant car elle offre des caractéristiques intéressantes alliant la rapidité, la réinscribilité et la non-volatilité de l’information même en l’absence de tension d’alimentation. En effet, les MRAM permettraient de remplacer les mémoires DRAM (Dynamic Random Access Memory) dans la mémoire vive des ordinateurs actuels avec des temps d’accès beaucoup plus faibles. Contrairement aux mémoires DRAM, l’information dans les MRAM n’est plus stockée sous forme de charges électriques mais sous forme de moments magnétiques grˆace à la technologie des jonctions magnétiques tunnels. Ce type de mémoire non-volatile n’a pas besoin d’un rafraîchissement constant des données et consommera donc beaucoup moins d’énergie que les mémoires DRAM actuelles : un atout décisif pour accroître l’autonomie de toutes les applications électroniques nomades, les ordinateurs portables par exemple. Ces deux exemples de dispositifs novateurs montrent une partie du potentiel de la spintronique. D’autres propositions permettant d’intégrer la spintronique aux technologies semi-conducteurs ont suscité ces dernières années une vive activité de recherche, dont la SpinLED et le SpinFET. La réalisation de telles structures nécessite de surmonter certains enjeux physiques importants. On doit d’abord réussir à injecter électriquement des porteurs polarisés en spin dans les nanostructures semi-conductrices. C’est actuellement un sujet très étudié avec des solutions basées sur de nouveaux matériaux comme les semi-conducteurs magnétiques dilués. Ensuite, ces porteurs polarisés doivent conserver leur orientation de spin lors du transport dans le semi-conducteur. Enfin, il faut pouvoir manipuler efficacement ces spins pour pouvoir réaliser les fonctions logiques de base. 4 

Injection de porteurs polarisés en spin 

Injection à l’interface métal FM-SC

L’injection de courant spin-polarisé dans un semi-conducteur est une étape nécessaire au développement de la spintronique. Schmidt et al. [1] ont étudié l’injection de courant polarisé en spin dans une structure métal FM / canal SC / métal FM, le canal formant un gaz d’électrons libres bi-dimensionnel. Ils ont montré que le désaccord de conductivité entre le semi-conducteur et le métal ferromagnétique était un obstacle fondamental à l’injection dans une telle structure avec une injection inférieure à 0.1 %. Un matériau magnétique de conductivité proche de celle du semi-conducteur serait donc une solution, comme les semi-conducteurs magnétiques dilués. 

SC magnétiques dilués 

 Il est prédit que les composés GaN:Mn et ZnO:Mn dopés p aient des températures de Curie supérieures à la température ambiante (xMn = 5 % et p = 3.5 × 1020 cm−3 ). Pour résoudre le problème de désaccord de conductivité observé dans les jonctions métal FM-SC, les semi-conducteurs magnétiques dilués (DMS) peuvent être utilisés. Ce sont des matériaux semi-conducteurs (de type IV, III-V ou II-VI) dopés par des ions magnétiques à couche 3d (Co, Mn, …) et 4f (Gd …) partiellement remplies. Un matériau DMS susceptible de donner lieu à des applications doit être ferromagnétique à température ambiante. Alors que les composés IIVI à base de Mn très étudiés depuis les années 70 (tels que ZnMnS, ZnMnSe, ZnMnTe) présentent des couplages antiferromagnétiques, d’autres classes de 5 DMS de type III-V comme GaMnAs, présentent une température de Curie jusqu’à 150 K [3] qui, bien qu’inférieure à la température ambiante, a suscité un regain d’intérêt pour les DMS depuis les années 1990. Des prédictions théoriques ont permis d’orienter la recherche vers certains composés comme l’étude réalisée par T. Dietl [2] basée sur le modèle de Zener (figure 1.1). Ainsi, dans les composés à base de ZnO comme ZnMnO et ZnCoO, des interactions ferromagnétiques ont été observées bien que l’origine intrinsèque n’ait pas été clairement démontrée. Cette question sera définitivement tranchée au chapitre 4. 

1.3 Exemples de dispositifs 

SpinLED

 L’un des exemples d’injection et de détection de spin est la Spin LED constituée d’un injecteur en matériau ferromagnétique qui injecte des porteurs polarisés en spin dans un puits quantique. La recombinaison radiative de ces porteurs induit l’émission de lumière polarisée circulairement. L’injecteur de spin peut être réalisé en semi-conducteur magnétique dilué. La figure 1.2 montre le schéma d’un tel dispositif [4]. Des trous spin-polarisés sont injectés via un semiconducteur magnétique GaMnAs. Un courant spin-polarisé est véhiculé dans la couche non-magnétique GaAs jusqu’au puits quantique InGaAs o`u les trous polarisés se recombinent avec les électrons de même spin provoquant l’émission de photons polarisés circulairement. Le fonctionnement de ce type de structure marche en l’absence de champ magnétique pour des températures inférieures à 110 K qui est la température de Curie de GaMnAs. D’autres types de dispositifs ont aussi été réalisés avec un semi-conducteur II-VI tel que ZnMnSe sous champ 6 magnétique intense et basse température pour aligner les spins des ions Mn [5]. 

SpinFET

 La proposition théorique du composant SpinFET, ou Spin Field Effect Transistor, par Datta et Das [6], nécessite d’injecter des porteurs de charge spinpolarisés dans des nano-structures semi-conductrices (figure 1.3). Le SpinFET est constitué d’une source et d’un drain en matériau ferromagnétique de moments magnétiques parallèles. Ils sont séparés par un canal constitué d’une hétéro-structure semi-conductrice formant un gaz d’électrons libres bidimensionnel. La grille métallique est isolée du canal par une couche de matériau isolant. La source (injecteur de spin) injecte des électrons spin-polarisés dans le canal vers le drain (détecteur de spin). Une tension de grille crée dans le canal un champ électrique qui va provoquer ou non la rotation des spins électroniques par le phénomène de précession de Rashba. Ainsi, si les spins des porteurs injectés restent orientés dans le sens de l’aimantation de la source et du drain, le courant passe, le transistor est ON alors que dans le cas contraire le courant ne passe pas (pour simplifier, en réalité la résistance à l’interface augmente) le transistor est OFF. Un tel dispositif n’a pas encore été réalisé expérimentalement et reste un des principaux challenges de la recherche en spintronique.

Table des matières

Remerciements
Résumé
Abstract
Introduction
1 Spintronique
1.1 Définition et problématique
1.2 Injection de porteurs polarisés en spin
1.2.1 Injection à l’interface métal FM-SC
1.2.2 SC magnétiques dilués
1.3 Exemples de dispositifs
1.3.1 SpinLED
1.3.2 SpinFET
2 Approche ab initio
2.1 Introduction
2.2 Théorie de la fonctionnelle densité
2.2.1 Formalisme
2.2.2 L’approximation de la densité locale L(S)DA
2.3 L’approximation LSDA+U
2.3.1 Effet de la correction d’Hubbard
2.3.2 Définition de la fonctionnelle LSDA+U
2.4 La méthode FPLO
2.4.1 Principe
2.4.2 Quelques relations utiles
3 Semi-conducteurs magnétiques dilués de type II-VI
3.1 Description du SC hôte
3.1.1 Structure cristalline
3.1.2 Structure électronique
3.1.3 Dopage en porteurs de charge
3.2 Propriétés des impuretés magnétiques
3.2.1 Ion magnétique isolé dans le réseau SC
3.2.2 Interactions d’échange entre impuretés magnétiques et porteurs de charge : couplages d’échange sp-d
3.2.3 Interactions d’échange entre impuretés magnétiques  couplages d’échange d-d
4 Calculs ab initio
4.1 Couplages d’échange d-d
4.1.1 Description des calculs ab initio
4.1.2 Calcul des couplages d’échange entre premiers voisins dans les composés ZnO:Co et ZnO:Mn wurtzite
4.1.3 Tendance chimique dans la série des DMS II-VI de type zinc blende
4.1.4 Tendance chimique dans la série des DMS II-VI de type wurtzite
4.2 Effet du dopage en porteurs de charge sur les interactions magnétiques
4.2.1 Description de la méthode
4.2.2 Etude du dopage de type n
4.2.3 Etude du dopage de type p
4.3 Couplages d’échange sp-d
4.3.1 Approximation du champ moyen
4.3.2 Calcul des couplages d’échange dans la série des DMS IIVI de type zinc blende
4.3.3 Existence d’un état localisé
5 Calculs analytiques
5.1 Calcul perturbatif des couplages d’échange
5.1.1 Hamiltonien modèle d’Anderson
5.1.2 Echange sp-d
5.1.3 Echange d-d
5.2 Résultats
5.2.1 Modèle à 2 niveaux de l’hybridation p-d
5.2.2 Calcul des couplages d’échange
5.2.3 Insuffisance de la théorie conventionnelle du superéchange pour les composés à base de ZnO
5.3 Etat localisé de l’impureté magnétique
5.3.1 Introduction
5.3.2 Modèle analytique
5.3.3 Résultats
6 Propriétés magnétiques des lacunes dans les SC II-VI
6.1 Etat de l’art
6.2 Etude ab initio
6.2.1 Description de la méthode
6.2.2 Choix de la base
6.2.3 Résultats
6.2.4 Structure électronique
6.3 Calcul analytique
6.3.1 Modèle du cluster moléculaire
6.3.2 Hamiltonien monoélectronique
6.3.3 Hamiltonien polyélectronique
6.4 Conclusion de l’étude
6.4.1 Stabilité de l’état magnétique dans la série II-VI
6.4.2 Lacunes de Zn dans ZnO : vers une nouvelle classe de DMS ferromagnétiques ?
Conclusion
A Données expérimentales
B Valeurs numériques de l’étude ab initio
Bibliographie

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