Quelle collaboration établir entre les sages-femmes libérales et les médecins généralistes pour le suivi des patientes ?

La connaissance et le partage des champs de compétences gynécologiques entre SF, MG et patientes améliorent la collaboration

Les participants ne connaissaient pas bien les compétences de chacun dans le domaine de la santé de la femme. Les focus groups leur permettaient d’en apprendre un peu plus sur la pratique de chacun, ce qu’ils appréciaient. La plupart estimaient qu’en connaissant mieux la règlementation des pratiques professionnelles ils comprenaient davantage les difficultés de chacun. Les patientes elles-mêmes semblaient ignorer les compétences des différents acteurs de leur suivi. Les deux professions se connaissent mal et ils n’apprennent pas à travailler ensemble, ce qui avait déjà été montré dans par Anne Girardot-Chareyron dans sa thèse de 2015 portant sur les internes de médecine générale puisque 62 % des internes méconnaissaient globalement les compétences des sage-femmes. Cette notion est également présenta dans l’étude de Coline Berla qui retrouve que cette méconnaissance est un frein à la collaboration et dans laquelle les MG avouaient leur méfiance vis-à-vis des compétences gynécologiques des sages-femmes. L’étude de Fanny Trossat montre que la représentation professionnelle du métier de SF auprès des MG est incomplète puisqu’elles sont avant tout perçues comme un professionnel de la grossesse . Il semble important que tous connaissent les pratiques de chacun dans le domaine de la santé de la femme, afin de faciliter le partage et la compréhension des compétences.
Ce constat est retrouvé dans d’autres travaux récents comme celui de Caroline Bergeron qui montre que, bien qu’ils se côtoient au cours de leurs études, les SF et les MG n’apprennent pas à travailler ensemble ; ou celui de Coline Berla qui retrouve que la méconnaissance des compétences réciproques est un frein à la collaboration ; ou encore le travail d’Olivia Goujon qui conclue que l’information des professionnels et des patientes sur les champs d’activités des SF est une première étape indispensable pour favoriser la collaboration.

Le MG coordonnateur dans la planification commune de la prise en charge des patientes avec les SF

Il existait déjà de nombreuses occasions pour les participants de se rencontrer et de confronter leur pratique quotidienne. Elles devaient être développées et proposées plus largement aux professionnels. Les participants étaient intéressés par des groupes d’échanges de pratiques. Ils accordaient plus d’intérêt à des rencontres locales et en petits groupes estimant que les échanges y étaient davantage favorisés. En 2016, Coline Berla avait démontré qu’une collaboration entre professionnels géographiquement proches était sécurisante pour le suivi de grossesse. Ceci va dans le sens de notre étude. Ces notions nous permettent de supposer que les pistes d’amélioration évoquées devraient être testées dans un premier temps à une échelle locale pour convaincre davantage les professionnels.
Les participants se disaient prêts à accepter un partage de l’activité dans le domaine de la santé de la femme. Ce désir de collaborer n’avait pas été retrouvé dans l’analyse de Coline Berla en 2016, qui arrivait à la conclusion que si les médecins et les SF étaient conscients des bénéfices que pourrait apporter une collaboration, la généralisation d’un tel mode de travail semblait difficilement envisageable.
Aucun des participants ne trouvait pertinent de faire un suivi de grossesse conjoint : le temps de grossesse était trop court, il fallait bien connaitre le dossier. Ceci va dans le sens du constat fait à Toulouse en 2015 que le suivi de grossesse est plus compliqué lorsqu’il est assuré par de multiple professionnels.
Les professionnels semblent donc plus enclins à déléguer le suivi complet lors d’une grossesse que pour le suivi gynécologique au long court sur lequel une prise en charge conjointe serait essentielle.
Bien que différents acteurs participent à la prise en charge de la santé de la femme, le MG gardait un rôle essentiel dans le suivi global même quand il n’effectuait pas lui-même le suivi gynécologique. Ce rôle de coordination semblait méconnu par les SF qui n’avaient pas toujours le réflexe de transmission des informations des patientes su à leur MG. Un interrogé évoquait qu’il communiquait le résultat du frottis au MG de la patiente considérant que le premier à prendre connaissance d’un résultat pathologique allait en informer la patiente même s’il n’avait pas lui-même réalisé l’examen.
Cette démarche suppose que le professionnel qui reçoit le résultat soit informé qu’il peut prendre le relai de la prise en charge en cas de dépistage pathologique, ce qui n’est peut-être pas la vision de tous les professionnels. Il est donc nécessaire que les SF communiquent aux MG leurs pratiques et leurs attentes pour qu’ils puissent agir en conséquence. Là encore c’est en organisant les pratiques de prise en charge que les professionnels peuvent adapter leur suivi et travailler dans une collaboration satisfaisante.

L’exploitation des différents supports de communication à optimiser

En ce qui concerne la grossesse, un dossier unique reste pertinent. Les participants appréciaient l’idée d’un dossier en possession de la patiente que chacun des intervenants dans le suivi de grossesse pourrait agrémenter au fur et à mesure. Ainsi toutes les données seraient centralisées et chacun y aurait accès ce qui faciliterait la transmission d’information et permettrait d’améliorer la collaboration entre les professionnels et donc le suivi des patientes. Ce dossier existe, c’est celui proposé par les conseils départementaux : le carnet de grossesse (ou carnet de santé maternité) . Ce carnet est théoriquement envoyé gratuitement à la patiente par son département à l’issue du premier examen prénatal obligatoire, avant la fin du 3e mois de grossesse . Cet outil était assez méconnu des participants et inutilisé par la quasi-totalité d’entre eux. Tous admettaient qu’il était pourtant bien conçu mais que les patientes ne le recevaient pas toutes ou trop tardivement dans la grossesse. Une mise à disposition directement auprès des professionnels de santé leur permettait de le délivrer à la patiente dès la première consultation de grossesse afin qu’il puisse recueillir toutes les informations.
Le carnet de maternité était cité par 28 % des SF dans l’étude de Lorène Bertrand  et par 26 % des SF dans l’étude de Clara Monléon . D’autres départements semblent davantage utiliser cet outil, il serait intéressant de comprendre les différences avec notre région pour connaitre les raisons de ce décalage. Le plus important n’est pas tant la présentation du dossier mais son contenu : la patiente doit être en possession de ses examens complémentaires et de ses comptes rendus de consultation de suivi de grossesse dans un dossier unique. Ce qui semble fait assez fréquemment par les patientes.

La place des études des médecins et sage-femmes

Les participants souhaitaient plus d’échanges et de rencontres dès les études. L’intérêt de cette proposition était de connaitre la profession de l’autre précocement.
Néanmoins certains s’interrogeaient sur la pertinence d’en apprendre davantage sur la profession des SF avant même d’être dans le cursus de la médecine générale. Sur le plan théorique, les participants envisageaient des cours communs aux étudiants en médecine et en maïeutique. Ils étaient favorables à ce que certains cours soient éventuellement dispensés par les SF elles-mêmes, notamment dans le domaine de la physiologie de la grossesse et de l’accouchement, permettant ainsi une meilleure « porosité entre les 2 écoles ». L1834 « SF3 : ça pourrait même être une (…) enseignante de l’école de SF qui viennent présenter la profession » L884 « je pense qu’on aura progressé le jour où les SF donneront des cours aux médecins » L1621 « MG5 : Je pense qu’il faut être déjà un peu orienté pour être intéressé par des rencontres… » De plus, il semblait intéressant à tous de pouvoir effectuer des stages pendant les études : chez les SF pour les étudiants en médecine, chez les MG pour les étudiants SF. Les participants regrettaient que cette proposition soit actuellement très peu mise en place, les SF n’étant pas autorisées à accueillir les étudiants en médecine en stage.
Les stages d’internat pour les MG étaient à privilégier par rapport aux stages d’externat puisqu’ils interviennent après le choix de la spécialisation, certaines spécialités étant moins amenées à collaborer avec les SF dans leur pratique future.

Connaissance et partage des compétences de chaque profession

Notre premier constat était qu’unanimement, les participants validaient la nécessité de connaitre la profession de l’autre, son champ d’action et ses limites afin d’améliorer la collaboration. Les MG participants connaissaient peules limites des compétences des SF, ils souhaitaient être mieux informés. Un interrogé proposait que ces informations soient apportées par le CDOSF. L68 « MG3 : on ne sait pas la position qu’elles ont, quels sont vraiment leurs rôles. » L15 « MG4 : ma pensée dernièrement c’était effectivement de prendre mon téléphone, d’appeler la SF du coin et de demander les limites quoi. » L473 « MG5 : le conseil de l’ordre pourrait faire des petits courriers à envoyer à tous les MG en expliquant… SF3 : Ce qu’on peut faire. » De même, les SF avaient des difficultés pour connaître les pratiques des MG avoisinants, chaque MG ayant une pratique singulière et ne faisant pas forcément de gynécologie-obstétrique. En effet, à compétences égales à l’issue de la formation initiale, les professionnels sont libres de développer ou non certains champs d’activité. Les participants pensaient que cette méconnaissance desservait la collaboration entre eux. L183 «MG2: ce qui doit être difficile pour vous, c’est qu’il y a des médecins ça va qui font plein de choses et d’autres pas du tout quoi».
Le fait que les patientes manquaient elles aussi d’information sur les possibilités qui leur étaient offertes était décrit par les participants comme étant un frein à leur collaboration. Les participants proposaient qu’elles soient mieux informées sur les compétences des deux types de professionnels. Selon eux, elles ne pensaient pas toujours que le MG puisse faire le suivi de grossesse ou le suivi gynécologique ; de même elles ne savaient pas toujours que les SF ne pouvaient pas intervenir dans la pathologie.

Table des matières

1. Introduction
2. Matériel et méthode
2.1. Type d’étude
2.2. Population étudiée
2.3. Mode de recueil des données
2.4. Élaboration du guide d’entretien
2.5. Retranscription des entretiens et analyse des données
3. Résultats 
3.1. Population étudiée
3.1.1. Profession
3.1.2. Âge
3.1.3. Lieu d’exercice
3.1.4. Mode d’exercice
3.1.5. Durée d’installation
3.2. Durée des entretiens
3.3. Résultats
3.3.1. Connaissance et partage des compétences de chaque profession
3.3.2. Limites règlementaires des compétences des SF
3.3.3. Le développement de la communication
3.3.4. Connaitre et rencontrer son réseau local de professionnels
3.3.5. La place des études des médecins et sage-femmes
3.3.6. Certaines idées proposées rejetées
3.3.7. Une évolution positive du travail collaboratif attendue
4. Discussion
4.1. La connaissance et le partage des champs de compétences gynécologiques entre SF, MG et patientes améliorent la collaboration
4.2. Le MG coordonnateur dans la planification commune de la prise en charge des patientes avec les SF
4.3. L’exploitation des différents supports de communication à optimiser
4.4. Discussion de la méthode
4.4.1. Forces de l’étude
4.4.2. Faiblesses de l’étude
5. Conclusion et perspectives
6. Liste des abréviations
7. Annexes 
7.1. Annexe 1 : Compétences des SF(37)
7.2. Annexe 2 : Liste des médicaments que peuvent prescrire les SF à leurs patientes (44)
7.2.1. Prescription initiale
7.2.2. Renouvellement d’une prescription initiée par un médecin
7.3. Annexe 3 : Liste des médicaments que peuvent prescrire les SF aux nouveau-nés(44)
7.4. Annexe 4 : Guide d’entretien
8. Bibliographie

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